LES INFECTIONS BACTERIENNES ET PARASITAIRES DU FOIE
cinquième volet des maladies du foie, les infections bactériennes et parasitaires constituent un vaste chapitre où seront successivement envisagées :
— les infections à pyogènes et la tuberculose ;
— i’amibiase, les échinococcoses, les distomatoses, les bilharzioses et l’ascaridiose ;
— les autres parasitoses, dont les leish- manioses, le paludisme, et la toxoplasmose ;
— 1er. leptospi roses ;
— les autres atteintes infectieuses, comme la syphilis, la lèpre, les rickettsioses et les mycoses.
LES INFECTIONS A PYOGENES
eIles réalisent des suppurations collectées dans le parenchyme hépatique. Ces suppurations se présentent soit sous forme a’un abcès unique, soit sous forme d’abcès multiples, ou encore de micro-abcès disséminés dans le foie.
Origine des infections
Il s’agit très souvent de la propagation d’une infection suppurée de voisinage. Ainsi :
— le foyer initial peut se situer au niveau des voies biliaires (angiocholite), les calculs et les rétrécissements des voies biliaires étant ici le plus souvent en cause ;
— en cas de cholécystite, les germes peuvent gagner le foie par contiguïté, cette éventualité demeurant toutefois rare ;
— une pyohémie portale, secondaire elle-même à une infection abdominale
(appendicite, perforation d’ulcère duodénal, cancer colique, colite hémorragique, ou encore maladie de Crohn par exemple), peut également provoquer la formation d’un accès hépatique.
Dans le cadre plus général d’une septicémie ou d’un foyer septique extra- splanchnique, la contamination peut également se faire par l’artère hépatique.
Enfin, l’infection peut se constituer d’emblée au niveau hépatique, soit par inoculation directe du parenchyme à l’occasion d’un traumatisme pénétrant, soit par surinfection d’un hématome de même origine.
Dans tous les cas, le risque de voir se constituer une collection purulente hépatique est d’autant plus grand que la contamination est initialement plus massive et qu’elle survient alors qu’il existe des conditions patholo-
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iques favorables au développement micro- ien, soit d’ordre général — telle une diminution de résistance du sujet à l’infection liée à une pathologie immuno-dépressive (affection néoplasique, diabète, déficience immunitaire) —, soit d’ordre local, telle une altération du parenchyme au cours d’une maladie évolutive préexistante (cirrhose par exemple).
A côté de ces abcès reconnaissant des causes locales ou générales, on constate une augmentation progressive de la fréquence des abcès hépatiques « cryptogénétiques ». De cet accroissement rend probablement compte le large usage des antibiotiques, lesquels masquent temporairement le foyer causal de la suppuration hépatique et favorisent ainsi la sélection de germes résistants. Les germes en cause sont le plus souvent les microbes de la flore intestinale. Les données épidé- miologiques font apparaître une diminution de la fréquence des germes aérobies face à une augmentation des germes anaérobies (q_ sont retrouvés dans une proportion de 20 à50
50 % selon les séries).
La découverte de ces germes anaérobies exige des techniques de prélèvement e- de culture strictes ; il est d’ailleurs probab e que ce sont les progrès réalisés dans les techniques bactériologiques qui ont permis ce mettre en évidence une fréquence pluî grande de germes anaérobies, alors que dirr – nuait celle des pus amicrobiens, jusqu’alor5 surestimée pour des raisons de méthodologie
Il faut enfin noter une forte proporticr d’associations microbiennes, faites de germer aérobies et anaérobies (de 29 à 65 % selon les séries).
Les signes cliniques
Le tableau clinique est dominé par des manifestations générales, d’installation brL- tale ou insidieuse. La fièvre, souvent oscillante, est au premier plan de la scène ; s . associent une asthénie, en règle intense, e: une anorexie fréquemment accompagnée ae nausées et d’amaigrissement.
Si les douleurs abdominales spontanées ne sont pas toujours évocatrices d’une affection hépatique, certains signes locaux e- revanche ont, bien qu’ils soient inconstants une haute valeur. Peuvent ainsi orienter le diagnostic :
— une douleur spontanée continue a irradiation scapulaire, exacerbée par la toux et la respiration ;
— une hépatomégalie douloureuse avec en particulier une douleur provoquée a l’ébranlement ;
— une douleur exquise ou une tuméfaction douloureuse ;
— une masse épigastrique douloureuse, fréquemment observée dans les abcès du foie gauche ; l’ictère est peu fréquent, sauf dans les cas où l’abcès est secondaire à une angiocholite.
Les examens complémentaires
Le second temps de la démarche diagnostique est dévolu aux investigations complémentaires biologiques et morphologiques.
Les explorations biologiques et bactériologiques
- Les examens sanguins
Ils permettent de mettre en évidence :
— un syndrome inflammatoire, qui n’est en rien spécifique ;
— une hyperleucocytose importante, avec une polynucléose neutrophile.
- Les épreuves biologiques explorant la fonction hépatique
Elles montrent :
— une augmentation des phosphata- ses alcalines, isolée le plus souvent ;
— parfois, une élévation modérée des transaminases et de la bilirubine associée.
- Les recherches bactériologiques
Elles peuvent isoler un germe :
— soit par les hémocultures faites sur des prélèvements effectués pendant la période fébrile, en particulier lors d’un frisson (moment où la décharge septicémique est constante) ;
soit par prélèvement local, lorsqu’on soupçonne l’existence d’un foyer infectieux primitif (bronches, arbre urinaire
— par exemple).
Les explorations morohologiques
Ces examens vont permettre de confirmer le diagnostic d’abcès du foie et de préciser la localisation de l’infection.
- La radiographie sans préparation
Des radiographies sans préparation du thorax et de l’abdomen doivent être systématiquement demandées. Dans 75 % des cas, en effet, elles présentent des anomalies :
— surélévation globale ou localisée de la coupole diaphragmatique droite ;
— comblement du cul-de-sac costo- diaphragmatique droit, ou véritable épanche- ment pleural ;
— atélectasie en bande du parenchyme pulmonaire de la base droite ;
— parfois (sur les clichés d’abdomen sans préparation debout de face et de profil), présence d’une image hydro-aérique, en rapport avec un abcès pyogazeux à anaérobies.
Lorsqu’il existe une interposition de parenchyme hépatique entre cette image et la coupole diaphragmatique, on peut affirmer u’il s’agit d’un abcès intra-hépatique, et onc éliminer un abcès sous-phrénique (qui est le diagnostic différentiel le plus fréquent).
Lorsque les données de cet examen radiologrque simple vont dans le même sens que les arguments cliniques et biologiques, renforçant ainsi le faisceau de présomptions en faveur d’un abcès hépatique, il convient de poursuivre l’enquête par des examens fiables et sans danger, tels que la scintigraphie hépatique, l’échotomographie et la tomoden- sitométrie avant d’envisager la réalisation d’opacifications, souvent inutiles, voire
grâce à ia mise en place d’un drain de Kehr —, artériographie, splénoportographie).
- La scintigraphie
La scintigraphie hépatique est, chronologiquement, la première de ces trois méthodes à avoir été employée. L’isotope le plus utilisé est le technétium 99, qui se fixe sur les cellules de Küpffer, la scintigraphie au gallium, molécule qui se fixe sur les leucocytes, s’étant finalement révélée décevante.
La scintigraphie est un examen rentable puisque, dans 85 % des cas, elle objective des lacunes. Cependant, ces lacunes ne sont pas toujours évocatrices d’un abcès du foie, et par ailleurs les lésions ne peuvent être ainsi visualisées que si leur diamètre excède 2 à 3 cm. Autre inconvénient de cette méthode, il existe des faux positifs en rapport avec les variations anatomiques du foie ; enfin, le coût en est élevé.
La scintigraphie hépatique peut être couplée avec une scintigraphie pulmonaire, afin de différencier l’abcès du foie d’un éventuel abcès sous-phrénique ou pulmonaire.
- L’échotomographie
L’échotomographie, qui utilise la réflexion des ultrasons sur les tissus, objective, lorsqu’il existe un abcès du foie, une structure vide d’échos. Cette méthode permet d’affirmer la nature liquidienne de l’atteinte hépatique. Elle est strictement sans danger, et les examens peuvent être renouvelés à volonté car, contrairement à la scintigraphie, elle n’utilise pas de radiations ionisantes. La rentabilité en est par ailleurs excellente et le coût, modéré ; il s’agit donc de la technique de choix pour l’exploration des abcès hépatiques.
- La tomodensitométrie
La tomodensitométrie est une méthode d’exploration morphologique très fine. Malheureusement, elle n’est pas toujours
utilisable, du fait de la rareté actuelle de son implantation en France. Cependant, sa fiabilité est supérieure à celles des deux méthodes déjà citées. Elles cerne avec une plus grande précision la densité et la nature des lacunes observées ; sa valeur localisatrice est remarquable. Enfin, elle permet d’étudier les organes de voisinage.
Le choix entre ces trois examens s’opère en fonction, d’une part, de l’expérience de l’équipe et, d’autre part, des conditions matérielles. La tomodensitométrie, qui représente un réel progrès diagnostique, est certainement la meilleure technique ; lorsque sa mise en œuvre est impossible, l’échotomographie sera pratiquée de préférence à la scintigraphie.
- Les autres examens
A ce stade de l’enquête, le diagnostic est habituellement posé et les autres examens sont en règle inutiles. C’est ainsi que la lapa- roscopie est ici de peu d’intérêt puisqu’elle ne permettrait le diagnostic que si l’abcès faisait saillie sur la face antérieure. Le recours à la cholangiographie, rétrograde ou non, ne se justifie pas davantage.
L’artériograpnie hépatique permettrait de constater un déplacement des artères intra-hépatiques et des zones vides de produit de contraste au temps parenchymateux.
Quant à la ponction exploratrice, elle peut affirmer le diagnostic en ramenant du pus. Ce geste peut être fait, mais sous certaines conditions que nous préciserons au chapitre suivant.