l'empechement sélectif du sommeil REM
Le fait que le commencement et la fin du sommeil REM puissent être identifiés avec une extraordinaire précision constitue un instrument extrêmement précieux aux mains des chercheurs. Nous pouvons, en effet, tenter d’apprendre quelque chose sur l’importance du sommeil REM en l’empêchant de se produire de manière sélective, et c’est une chose relativement aisée que de priver un être de sommeil REM en laboratoire. Il faut contrôler et enregistrer le sommeil du sujet, et chaque fois que le technicien voit apparaître sur l’enregistrement électro physiologique des ondes cérébrales et des mouvements oculaires caractéristiques de ce type de sommeil, réveiller le sujet, le tenir éveillé pendant cinq ou dix minutes, et lui permettre alors de se rendormir. Il faut répéter le processus à chaque période suivante de sommeil REM, privant ainsi le sujet de
la plus grande partie de son sommeil paradoxal. Le sujet continuera à jouir d’une faible quantité de sommeil REM car le technicien a besoin d’au moins une minute pour pouvoir identifier celui-ci avant de pouvoir le réveiller : en vérité, au lieu d’une centaine de minutes de sommeil REM sans dérangement, il ne bénéficiera que de quelques minutes. Il faut, bien entendu, s’assurer que le sujet n’est pas en mesure de duper l’expérimentateur en rattrapant pendant la journée la perte de sommeil REM qu’il subit la nuit.
Toutes les études consacrées à la privation de sommeil REM ont permis de récolter deux résultats importants. Premièrement, le nombre de réveils nécessaires pour empêcher le sommeil REM de se produire augmente au fur et à mesure que la privation se prolonge. Si, la première nuit, un petit nombre de réveils est nécessaire (disons, une moyenne de dix à vingt), ce nombre atteint soixante la troisième nuit de l’expérience. Aussitôt que les sujets ferment les yeux et essaient de s’endormir, ils entrent sans délai dans le sommeil REM. Il est très difficile de poursuivre une expérience sur la privation de sommeil REM chez l’être humain pendant plus de cinq nuits consécutives, car, après la cinquième nuit, les sujets entrent dans le sommeil REM aussitôt qu’ils s’endorment et doivent donc être réveillés de nouveau.
William Dement, qui a mené la première expérience sur la privation de sommeil REM chez l’être humain, a décrit les raisons qui l’obligeaient à mettre un terme à l’expérience, dans un article de la revue Science : « Il nous fallut arrêter l’expérience car il n’y avait plus aucun moyen de réveiller le sujet et de perturber son sommeil REM, bien que nous puissions arrêter ses mouvements oculaires pendant de courtes périodes. Nous l’asseyions sur le lit et hurlions dans ses oreilles et, au moment précis où nous cessions de hurler, les mouvements oculaires rapides réapparaissaient immédiatement. La seule manière d’arrêter le rêve était de le tirer hors du lit et de le forcer à marcher en rond dans la pièce jusqu’à ce qu’il se réveille et à le maintenir alors éveillé. » Dans une situation comme celle-là, un combat qui dure toute la nuit s’ensuit entre l’expérimentateur, qui est responsable de l’expérience et réveille donc le sujet afin d’éviter qu’il n’entre dans le sommeil REM, et le sujet, qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour y parvenir. L’expérience, alors, perd évidemment toute sa valeur, car elle ne consiste plus en une privation de sommeil REM seulement, mais de tout sommeil quel qu’il soit. Le second résultat des études sur la privation de sommeil REM est la conclusion selon laquelle il y a un besoin biologique de sommeil REM. Quand on permet aux sujets de dormir sans être dérangés à la fin de la période de privation, ils compensent d’eux- mêmes le sommeil REM qui leur a été enlevé. La première phase de sommeil REM apparaît plus tôt, quarante minutes après l’assoupissement et parfois même seulement vingt minutes. Ils bénéficient alors de cent cinquante minutes de sommeil REM au lieu des cent minutes « standard ».