Le mental anticancer : Le sentiment d’impuissance traumatise
On parle de traumatisme lorsqu’un choc (ou une série de chocs) laisse une marque douloureuse et profonde dans notre cerveau. Au cours de la vie normale, un échec à un examen, une dispute avec un proche peuvent nous perturber pendant quelques jours (nous y pensons souvent, dormons mal, avons de la peine à nous concentrer, etc.) mais le cerveau est capable de « cicatriser ». Exactement comme une plaie au bout du doigt arrête de saigner par elle-même puis se referme sans même laisser de trace, le cerveau possède lui aussi un mécanisme naturel de guérison des plaies émotionnelles. Après une ou deux semaines, nous n’y pensons généralement plus et nous ne gardons de l’événement que la leçon utile pour l’avenir («je me préparerai mieux la prochaine fois » ou «je ne laisserai plus ma colère m’emporter quand je parle à ma fille »).
En revanche, certains événements sont tellement douloureux qu’ils déchirent en profondeur l’image que nous nous faisons de nous-même ou la confiance que nous avons dans le monde qui nous entoure. C’est le cas des agressions violentes, des viols, de certains accidents, et même de certaines ruptures amoureuses. C’est le cas aussi avec l’absence d’amour ou les humiliations répétées vécues dans l’enfance, à l’âge où nous sommes le plus vulnérable. De telles blessures ne se referment pas toujours d’elles-mêmes. Elles ont tendance, plutôt, à former un abcès : notre cerveau tente de les isoler du reste de notre vie psychique et fait en sorte que nous les contournions le plus possible. De fait, le plus souvent nous n’y pensons pas, et évitons d’en parler. Mais, comme lorsque le médecin appuie sur un abcès pour voir s’il est encore sensible, quand la vie nous rappelle brutalement à une douleur du passé, nous sentons tout à coup que l’abcès est bien là. Si nous laissons les souvenirs nous envahir, nous sentons rapidement les larmes nous monter aux yeux, la gorge se serrer, et parfois même tout le corps adopter à nouveau l’attitude que nous avions au moment du traumatisme (les épaules se tendre, le visage se crisper, parfois même en tremblant de la tête aux pieds).
Le souvenir traumatique réactivé prend le contrôle de nos pensées, de nos émotions, et des réactions de notre corps. Pour Marie, au moment où Jacques la quitte, les souvenirs trauma- tiques du départ de son père cinquante ans plus tôt, de celui tle son mari vingt ans plus tôt redeviennent sa réalité nue du moment : elle pense (elle est même convaincue) qu’elle ne mérite pas d’être aimée, qu’elle est inutile, vouée à l’échec, elle ressent la même tristesse et pleure les mêmes larmes, son corps manifeste les mêmes crampes à l’estomac et va jusqu’à prendre les mêmes positions de petite fille recroquevillée dans un fauteuil, les bras serrés autour des genoux.
À l’intérieur, la blessure psychique se répercute aussi sur toute la physiologie. De la même manière qu’une lésion de la peau active les mécanismes de réparation, la déchirure de l’être profond enclenche les mécanismes de réponse au stress : cortisol, adrénaline, réponse inflammatoire, et mise en veilleuse du système immunitaire (dont l’activité, comme la digestion, fait partie des fonctions de « repos » une fois le danger passé). Comme l’ont démontré des contributions aux revues Nature Reviews Cancer ou Lancet, tous ces mécanismes peuvent favoriser la progression du cancer.
Or, il faut savoir que les traumatismes non cicatrisés ne nous ramènent qu’à un faux sentiment d’impuissance. Cette impuissance a pu être vraie dans le passé, mais elle n’est plus adaptée au présent. Dans le cas de Marie, son médecin sut trouver une façon simple et directe de la remettre en phase avec sa force de vie. Comme elle était journaliste et avait déjà publié un roman, il l’encouragea à mettre par écrit l’histoire de sa passion et de cet échec si dévastateur. Malgré son abattement, le projet la séduisit. De toute façon, elle passait ses journées à y penser… Dès qu’elle réussit à se mettre à son clavier, Marie se sentit doucement revivre. Quand le livre parut, elle retourna voir son médecin. Non seulement elle n’avait plus d’idées sui cidaires, mais ses marqueurs du cancer s’étaient complètemeul normalisés. Le fait de s’être donné un objectif qui mobilisait sa puissance l’avait fait sortir de l’impuissance. En même temps qu’elle retrouvait le désir de vivre, ses défenses naturelles reprenaient le dessus sur la maladie. Sa vie entière en fut transformée puisqu’elle devint écrivain. L’écriture était la source d’énergie de Marie. Pour d’autres, il peut s’agir de la préparation d’un voyage longtemps désiré, ou la construction de la maison de ses rêves, ou encore un pèlerinage comme le chemin de Compostelle. Ou bien tout simplement de s’impliquer plus dans la vie des petits-enfants. Il suffit que ce soit des activités riches de sens pour l’individu et capables de le remettre en contact avec sa force vitale.
Vidéo : Le mental anticancer : Le sentiment d’impuissance traumatise
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