Le gras : C'est bon pour moi !
Tant pis pour les déesses du régime 0 % et tous ceux qui traquent les lipides à la loupe, ce sont d’abord les graisses qui nous aident à maintenir notre cerveau en bon (ou en mauvais) état. Pourquoi ? Indiscutables, les chiffres sont là : organe le plus gras de notre organisme (si l’on écarte le tissu adipeux), il est constitué d’environ 60 % de graisses, un tiers provenant de notre alimentation. Hélas, il ne suffit pas de manger des produits gras à foison pour le satisfaire. Vous le saviez déjà, il y a gras et gras : et comparativement, il n’existe pas d’autres aliments pouvant causer autant de bénéfices ou de dégâts aux structures complexes des cellules de notre cerveau.
S’il n’y avait qu’une chose à retenir, ce serait celle-là : la chimie des lipides peut avoir une incroyable influence sur l’architecture même des cellules cérébrales, et sur l’abondance ou la rareté des messages nerveux, lesquels constituent les supports de notre intelligence, de l’apprentissage, de la mémoire, de l’attention, de la concentration et de notre humeur. Ces molécules de lipides contribuent aussi à déterminer le nombre des divers types de neurotransmetteurs que les cellules cérébrales vont pouvoir produire ou libérer, et elles activent des gènes et des hormones qui ont un effet bénéfique ou nuisible sur notre état physique et psychique général. Vous l’avez compris, leur rôle est essentiel… Et tout au long de notre existence, le type de graisses que nous consommons va façonner notre cerveau en permanence, bien au-delà de l’adolescence.
Si les matières grasses que vous consommez sont de qualité, votre cerveau recevra le « carburant » dont il a besoin et tout ira bien : il est au mieux de sa forme et de sa santé (à condition de respecter quelques autres éléments, mais celui-ci fait vraiment partie de ses fondements). En revanche, si votre alimentation est riche de mauvaises graisses, et mise avant tout sur une junk food à base d’hamburgers, de pizzas au fromage ou de frites bien grasses, votre cerveau ne saura non seulement pas quoi faire des piètres lipides qu’il va récupérer mais il risque en plus de se sentir véritablement pollué. Bref, le gras que vous consommez peut changer la configuration de vos cellules cérébrales pour le meilleur et pour le pire. A bon entendeur…
Les chercheurs savent d’ailleurs depuis des années que le gras saturé cause un tort extrême au cerveau des mammifères. Ils ont ainsi observé que, comparativement aux animaux nourris à l’huile de soja polyinsaturée, les animaux de laboratoires qui consommaient de grandes quantités de graisses saturées n’apprenaient pas aussi facilement ou n’obtenaient pas d’aussi bons résultats à de nombreux tests de mémoire, dont le test du labyrinthe. Pis que ça, plus les animaux mangent de graisses saturées, plus l’état de leur fonction mentale et de leur mémoire se détériore. Le Dr Carol Greenwood (professeur de nutrition à l’Université de Toronto) a ainsi montré que les courbes d’apprentissage des rats chutaient proportionnellement à la quantité de mauvais gras qu’ils consommaient. C’est bien simple, in fine, lorsqu’ils étaient soumis à un régime alimentaire se composant de 10 % de graisses saturées, ils n’apprenaient plus rien !
Pis que pis : de tels effets semblent cumulatifs, entraînant à la longue une détérioration progressive du cerveau et donc de ses capacités. Et ce qui est valable pour les animaux l’est aussi pour nos frères humains. Ainsi, une étude menée à l’Université Columbia a montré que les personnes de plus de soixante-cinq ans qui consommaient le plus de gras animal étaient cinq fois plus susceptibles de développer la maladie de Parkinson que celles qui en consommaient moins.
Pourquoi ? En fait, on le sait pas vraiment. Est-ce en modifiant la composition des membranes cellulaires, en influençant l’activité électrique des neurotransmetteurs, en transformant l’activité enzymatique (les enzymes interviennent dans toutes les réactions chimiques du corps), en favorisant l’apparition de radicaux libres (ces espèces chimiques en déséquilibre capables d’agresser nos cellules et de les abîmer), en augmentant la résistance insulinique ou en modifiant la gestion du glucose dans le cerveau ? Peu importe finalement, les résultats sont là : lorsqu’on observe les cerveaux d’animaux ayant abusé de graisses saturées, on peut juste constater que leurs neurones ont piètre figure, et que leurs dendrites sont moins nombreuses et plus courtes avec moins de ramifications, ce qui les handicape d’autant dans leur capacité à transmettre ou à recevoir des informations.
Alors, maintenant, qu’est-ce que je mange (ou pas) ?
- Exit dans un premier temps les abus de graisses saturées animales qui nous veulent du mal : celles qui proviennent de la viande, du lait entier, du beurre ou du fromage ne sont pas (en excès) les alliés de nos capacités intellectuelles. Au contraire. Mais elles ne sont pas les seules. Cela ne signifie pas qu’il faille complètement les rayer de la carte, mais cela veut quand même dire que l’on doit en consommer sinon exceptionnellement, du moins de manière beaucoup moins fréquente que nous avons tendance à le faire.
- Outre ces produits, pensez à bannir de vos placards tous les aliments où ces fameuses graisses saturées ont pu se cacher : les pâtisseries, les saucisses, les chips, le chocolat. Sans oublier ceux qui contiennent des graisses saturées végétales, comme l’huile de palme (mais aussi de coprah), aussi nocive pour votre corps que pour l’environnement (dans les viennoiseries, gâteaux et autres crèmes industrielles).
- Comme c’est la période des rangements, apprenez à lire les étiquettes et éliminez consciencieusement les produits qui contiennent des matières grasses hydrogénées. Car même si vous achetez des produits de qualité et qu’il existe des techniques pour produire sans acides gras trans, ces techniques produisent des matières grasses végétales encore plus saturées. Ça commence à faire de la place sur vos étagères, non ?