Le devis en chirurgie esthétique
Depuis 1997, le ministère de la Répression des fraudes de la consommation a imposé la pratique du devis de chirurgie esthétique pour tout acte dont la tarification excède deux mille francs d’honoraires.
Le but de cette démarche est de clarifier les choses, y compris sur le plan matériel, entre le patient qui est jugé consommateur et le chirurgien qui est considéré comme le prestataire de service.
Ainsi, ce devis, établi en double exemplaire, laisse un temps de réflexion d’au moins quinze jours et n’implique aucun devoir particulier de la part du patient, si ce n’est de réfléchir aux propositions qui lui ont été faites.
Sur ce devis doivent figurer un certain nombre de détails et de mentions imposées par la loi, notamment la qualification professionnelle du chirurgien, la preuve de sa souscription à une assurance professionnelle déterminée et régulière, et la certitude que les actes financiers qui ont été précisés ne seront en aucune occasion modifiés ni dépassés pour l’opération prévue.
Mais, si l’on considère le devis selon un point de vue purement moral, il introduit un certain nombre de vices dans le rapport entre le chirurgien et son patient.
Tout d’abord, il est très difficile pour un chirurgien d’établir une quantité d’actes à faire alors qu’il ignore encore ce qu’il va trouver en profondeur, quelle sera la durée opératoire, surtout si des complications apparaissent. D’autre part, la relation entre un chirurgien et son patient est, par le devis et sa propre dénomination, considérée comme une base purement financière et non morale, ni comme une relation qui impliquerait de la part du patient certains devoirs. Qu’en serait-il du patient indélicat qui se promènerait avec un devis, irait voir un autre chirurgien qui, au regard du premier devis établi par un confrère, proposerait un rabais de cinq cents ou mille francs pour gagner ce client ?
Enfin, un autre élément pervers de ce devis est que l’administration hospitalière a vu d’un très mauvais œil cette commercialisation de la chirurgie esthétique et a banni cette chirurgie du service public.
Nous le constatons à l’hôpital où nous travaillons, où la chirurgie esthétique est devenue persona non grata, peu rentable, peu intéressante et source de nombreux problèmes. En effet, la paperasserie administrative supplémentaire occasionnée par l’établissement du devis gèle l’ardeur des secrétaires et du personnel chargé de gérer toute la correspondance entre les patients et l’établissement.
Ainsi, ces résultats pervers du devis commencent à apparaître d’une façon importante ; entre le tourisme chirurgical, l’absence de responsabilisation du patient en tant que consommateur, l’augmentation de la charge paperassière et administrative et les multiples façons de formuler ce devis par des médecins peu scrupuleux qui, d’une façon ou d’une autre, arrivent à leurrer le patient, ce sont finalement les chirurgiens les plus sérieux qui sont les plus lésés, et les patients les plus naïfs qui se font flouer.
L’avenir de ce devis est donc encore incertain ; il est possible que la moralisation de la chirurgie esthétique ne passe pas par davantage de paperasses, mais beaucoup plus par une éducation du public. C’est ce à quoi cet ouvrage est censé servir.