Le cancer du sein : Les traitements
Pour tous ces cancers du sein de moins de 2 cm, la première étape n’est-elle pas une chirurgie conservatrice ?
La chirurgie conservatrice
Oui. Il s’agit, en effet, d’enlever les tissus cancéreux en préservant les autres parties du sein. L’acte chirurgical consiste alors à enlever le quadrant de sein où se trouvent la tumeur et toutes ses ramifications enveloppées d’une collerette de tissu sain. Le prélèvement est analysé sur place au bloc opératoire par l’anatomopathologiste afin de vérifier immédiatement que le scalpel du chirurgien est passé suffisamment au large des limites de la tumeur (avec une marge de sécurité de plusieurs millimètres) et ne laisse en place que du tissu sain. Si ce n’est pas le cas, il doit alors compléter l’acte chirurgical.
Dans le même temps opératoire, le chirurgien effectue un curage ganglionnaire au niveau de l’aisselle pour que les ganglions prélevés puissent être analysés en laboratoire avec le prélèvement tumoral. Les résultats de cet examen permettent, quelques jours plus tard, de savoir si les ganglions sont indemnes ou si certains sont déjà envahis par des cellules tumorales.
Aujourd’hui, avec la nouvelle technique du ganglion sentinelle, lorsque le premier ganglion de la chaîne est intact, on peut laisser les autres en place car il y a alors de très fortes chances pour qu’ils soient aussi sains. Bien entendu, la technique du ganglion sentinelle nécessite l’intervention d’un chirurgien expérimenté et organisé pour minimiser considérablement les risques de « gros bras », une complication fréquente et pénible lorsque s’associent un curage ganglionnaire classique et un traitement fort par la radiothérapie du creux de l’aisselle.
J’espère qu’un jour viendra où nous aurons en France assez d’équipements en Pet-Scan, cet appareillage très performant, pour déceler d’une manière sensible et fiable des possibles foyers de cellules anormales dans tout le corps. Cet appareil apporterait un progrès important pour étudier les ganglions non seulement au niveau de l’aisselle mais aussi et surtout les ganglions médiastin aux (derrière le sternum) que le chirurgien ne peut pas prélever.
Et, lorsque la tumeur est située au niveau du mamelon, quelle va être l’approche chirurgicale ?
La mastectomie
Lorsque la tumeur est située au niveau du mamelon, il est impossible de délimiter avec certitude la véritable zone de sécurité car les canaux galactophores (qui conduisent le lait) de tous les quadrants convergent tous vers le mamelon. Si l’ablation chirurgicale d’un cancer ainsi localisé était limitée à la zone de la tumeur, on pourrait craindre dans ce cas de laisser quelques canaux envahis. La sécurité impose donc d’enlever la totalité de la glande mammaire.
Je suppose qu’après la chirurgie, pour tous ces cancers de moins de 2 cm sans envahissement ganglionnaire, la deuxième étape sera la radiothérapie ?
La radiothérapie
Oui, elle est destinée à compléter l’acte chirurgical. On la prescrit pour réduire les risques de récidive locale, dans le cas où il resterait dans le sein opéré de minuscules foyers tumoraux, invisibles sur une mammographie, malgré toutes les précautions prises par le chirurgien, et surtout pour traiter préventivement les autres zones ganglionnaires que le chirurgien ne peut pas aller vérifier. Lorsque l’examen au microscope du ou des ganglions de l’aisselle est négatif, seul le sein P est irradié. Cependant, lorsqu’il s’agit d’une tumeur située derrière le mamelon, la chaîne ganglionnaire mammaire interne (derrière le sternum) doit aussi être inadiée par précaution puisqu’on ne peut pas vérifier, au microscope, comme pour les ganglions de l’aisselle, si ces ganglions sont sains ou atteints par les cellules cancéreuses. Répétons que le Pet-Scan sera particulièrement utile dans ces cas.
Selon des études relativement récentes, la décision d’irradiation du sein et des ganglions pourrait ne pas être systématique chez les femmes âgées dans le cas de ces petits cancers situés dans le sein gauche. En effet, les possibles effets toxiques de la radiothérapie sur le cœur et les vaisseaux sanguins et lymphatiques sont à prendre en considération dans ces formes à très bon pronostic. Certaines équipes se contentent, dans le cas des petites tumeurs des quadrants externes, d’une radiothérapie locale supplémentaire au niveau où était située la tumeur.
Pour ces cancers non hormonodépendants, quel va être le traitement complémentaire, après chirurgie et radiothérapie ?
La chimiothérapie
Chez toutes ces patientes, qu’elles soient ménopausées ou non, j’administre quatre à cinq mois de chimiothérapie avec le même protocole que celui utilisé pour les patientes qui ont des facteurs de risques importants. Mais, bien sûr, le choix et la dose des produits seront, là encore, adaptés non seulement à l’âge mais aussi à la gravité des risques pour chaque patiente.
Pour les femmes ménopausées, dont le cancer mammaire est hormonodépendant, par quelle thérapie poursuivez-vous cette prise en charge ?
L’hormonothérapie
Lorsque les cellules cancéreuses ont à leur surface des récepteurs de ces hormones, ces derniers peuvent les stimuler et favoriser leur prolifération. Différentes études ont démontré que des médicaments appelés anti-œstrogènes (prescrits sous forme de comprimés, une fois par jour) diminuent, au moins aussi efficacement que la chimiothérapie, les risques de récidive de la maladie d’environ 29 à 47 %, et de décès de 25 %. L’hormonothérapie constitue donc une arme majeure dans le traitement du cancer du sein chez ces femmes. De plus, elle est plus facilement acceptée que la chimiothérapie par les patientes. Le tamoxifène a été la première molécule anti-cestro- génique utilisée dans le traitement des tumeurs hormonodé- pendantes. Aujourd’hui, il existe plusieurs nouvelles familles de médicaments anti-œstrogéniques, notamment les anti-aromatases, qui permettent d’optimiser le traitement selon les caractéristiques des cellules cancéreuses. En particulier, les cellules de cancer du sein qui expriment le marqueur HER 2 seraient plus sensibles aux antiaromatases qu’au tamoxifène. Il sera important d’en tenir compte dans le choix de l’hormonothérapie si cette notion est confirmée.
Chez les femmes ménopausées, présentant des risques importants de récidive de la maladie décelés par l’examen au microscope du tissu cancéreux (par exemple, une forte agressivité des cellules ou une infiltration cancéreuse dans les vaisseaux sanguins ou lymphatiques environnants), je prescris en plus quatre à cinq mois de chimiothérapie, avant le traitement hormonal, sauf s’il y a des risques de complications, liées à l’âge et à l’état général de la patiente.
Dans ce combat contre le cancer, je suis maximaliste ! Mieux vaut subir une chimiothérapie durant quatre à cinq mois que de voir apparaître plus tard une récidive au niveau du sein ou une métastase. Il faut tout faire pour donner à la patiente le maximum de chances de guérison.
Toujours en ce qui concerne les cancers hormonodépendants mais cette fois, chez des femmes non ménopausées, quel va être le traitement complémentaire de la chirurgie et de la radiothérapie ?
L’hormonothérapie, est efficace chez la femme de plus de 35 ans non ménopausée. Les anti-œstrogènes ont fait leurs preuves dans le cas des tumeurs hormonodépendantes. Il existe aussi des traitements antihormonaux qui agissent en inhibant la production par l’hypophyse des hormones qui stimulent la production d’œstrogènes et de progestatifs. Ces molécules (inhibiteurs de la LH-RH) sont connues et utilisées avec succès dans le traitement des patientes qui ne sont pas ménopausées. Elles peuvent être associées aux anti-œstrogènes. Ces traitements médicaux peuvent remplacer l’ablation des ovaires qui a été historiquement la première hormonothérapie efficace. Aujourd’hui, cette ablation des ovaires est surtout indiquée dans le cas de cancer du sein héréditaire, car des cancers de l’ovaire peuvent s’associer au cancer du sein dans ces familles.