La révolution des médicaments génériques
Si les médicaments utiles vieillissent sans être remplacés par des médicaments autrement plus efficaces, alors, tôt ou tard, les génériques prendront le dessus, même si les industriels et les pouvoirs publics freinent des quatre fers. Ainsi, aux Etats-Unis, malgré tous les obstacles mis par les industriels du médicament, la place prise par les génériques ne cesse de grandir : ils sont passés, en vingt ans, de 20 % à 50 % du marché total. En France, tous les observateurs — et en premier lieu les analystes financiers — considèrent que l’année 2004 représentera un tournant : une part importante des grands médicaments va tomber dans le domaine public.
Si rien ne s’oppose à cette tendance, le changement sera gigantesque car les profits dégagés n’auront plus rien à voir avec ce qu’ils sont depuis quarante ou cinquante ans. Les marges brutes des laboratoires pharmaceutiques pourraient bien alors baisser de moitié. Certains signes montrent la gravité de la situation : en 2001, le laboratoire américain Lilly a perdu une part significative de sa valeur boursière quand les brevets du Prozac® sont tombés dans le domaine public. Aux États-Unis, les ventes des produits « princeps » peuvent s’effondrer de 80 % dès que des génériques apparaissent. Plusieurs mois avant la mise sur le marché de génériques, les grossistes vident en effet leurs stocks du produit princeps et cessent toute commande non indispensable.
Or, les médicaments qui ne sont plus protégés par un brevet occupent déjà une place considérable (ce qui ne veut pas dire qu’il y ait toujours des génériques crédibles pour leur faire concurrence, je reviendrai sur les raisons de cette situation). Sur les vingt médicaments les plus consommés en France en 2002, dix-neuf sont « génériquables » : seul un antidépresseur (le Deroxat®) est encore protégé pour plusieurs années. Pire, la moyenne d’âge de ces médicaments est d’environ trente ans !
Si l’on considère les quinze premiers produits en chiffre d’affaires de chaque grand laboratoire mondial, on sera surpris de trouver à chaque fois un nombre considérable de médicaments qui ne sont plus protégés par un brevet (souvent plus de la moitié). Et sur la liste des quelque 270 médicaments indispensables élaborée par l’OMS, 265 sont génériquables. La composition de cette liste peut évidemment être contestée (comme l’a fait, par exemple, Médecins sans frontières), car certains médicaments n’y sont pas inclus justement pour des raisons économiques : ils sont trop chers. Cela a été le cas des trithérapies indispensables contre le sida. Il n’en reste pas moins que les génériques peuvent d’ores et déjà être considérés comme une menace majeure par tous les industriels du médicament et que les choses ne vont pas s’arranger dans les prochaines années.
Aussi la presse est-elle bien optimiste quand elle écrit, à la lumière de la liste des médicaments les plus vendus en France (publiée par la Caisse nationale d’assurance maladie), que « l’industrie pharmaceutique a de beaux jours devant elle ». C’est plutôt un vent de panique qui devrait souffler devant la fragilité de la situation que révèle cette liste. Et le même type de liste (qui serait toutefois constituée de médicaments très différents, chaque pays ayant ses préférences et ses habitudes thérapeutiques) pourrait être établi dans tous les pays de l’OCDE, qui représentent l’essentiel du marché pharmaceutique mondial.
Vidéo : La révolution des médicaments génériques
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