La plante anthropomorphie
L’image et la représentation symbolique jouent également un rôle de premier plan dans la pharmacopée d’Extrême-Orient. Dans la prude Chine ancienne, les médecins en étaient réduits à examiner un leurre de malade, une statuette de diagnostic – femme médecine ou placebo de femme ? – généralement en ivoire sur laquelle les pudiques dames des classes supérieures, pointaient l’endroit dont elles souffraient. Cette pratique n’était peut-être pas seulement destinée à respecter les usages, elle permettait probablement aussi d’agir sur l’image du sujet. À l’inverse, la médecine asiatique prescrivait que le remède soit parfois appliqué au plus près de la lésion, pour être le plus efficace possible. Dans La Nuit bengali, Mircea Éliade décrit le rituel de guérison d’une jeune fille atteinte de folie. Il s’agit d’appliquer sur la tête une pâte faite d’herbes et de miel et, pour que le contact se fasse vraiment avec le mal, le guérisseur ordonne de couper les cheveux de la malade afin de pouvoir appliquer la pommade directement sur la peau.
Pour augmenter l’effet des thérapeutiques, les médecins asiatiques ont toujours eu recours à des systèmes d’interprétations riches en symboles. C’est pour cette raison qu’après avoir observé les ébats non moins prolongés que fougueux des rhinocéros, les thérapeutes chinois ont supposé qu’une disposition amoureuse aussi prometteuse que spectaculaire ne pouvait être due qu’à la singularité anatomique essentielle des malheureux pachydermes : leur corne. Cette particularité a amené l’espèce au bord de la disparition du fait des prix astronomiques atteints par la poudre de corne de rhinocéros qui est utilisée au Japon et à Hong-Kong dans le traitement de l’impuissance des riches. De même, la queue de cheval (fougueux) décrite par Houang-Ti (Ephédra qui donnera naissance à lephédrine) était considérée comme un slimulant, provoquait une fièvre (de cheval?) et calmait la toux. Proche symboliquement de la mandragore aux racines en forme de corps humain, le fameux j’;inseng est paré de toutes les vertus thérapeutiques (de l’impuissance à la tuberculose en passant par le vieillissement), essentiellement à cause du fait que ses racines sont également anthropomorphes.