La fatigue et la société
Peut- on donner une définition simple de la fatigue ?
Donner de la fatigue une définition simple qui ne soit pas simpliste n’est pas aussi aise’ qu’il y paraît. La fatigue est en effet une sensation diffuse, par essence mal déterminable et dont la définition est tributaire de l’interprétation qu’on en donne, si on y est sujet, ou de l’idée que l’on s’en fait, si on ne la connaît pas. C’est dire si l’on peut baigner en pleine subjectivité.
Pour le Petit Larousse, la fatigue est « une sensation de lassitude causée par l’effort, l’excès de dépenses physiques ou intellectuelles ». Cette définition inclut donc une référence explicite au mécanisme ou à la cause de la fatigue.
Pour le dictionnaire médical Garnier, la fatigue c’est « un état résultant de l’activité prolongée d’un organe, se traduisant par une diminution de fonctionnement et une sensation particulière propre à chaque organe ». On a donc là une définition beaucoup plus organique et sectorisée.
En fait, la multiplicité des apparences et visages de la fatigue fait que ses définitions ne peuvent être que multiples, et, en paraphrasant l’adage sur la mi-graine, on pourrait presque dire qu’il y a « autant de fatigues que de fatigués ».
Une définition universelle ne peut être que globale et approximative, et l’on pourrait proposer en l’occurrence : « un état dans lequel il est impossible d’assurer une tâche déterminée, ne serait-ce qu’un rythme vital de base, quels que soient le type, l’importance ou la durée de cet état ». Ceci nous rapproche de l’expression d’un trouble de l’adaptation au sens large du terme et donne à la fatigue, au-delà de ses causes et mécanismes, une dimension existentielle.
Ce terme a-t-il toujours eu la même signification ?
Le terme même de fatigue a eu une signification différente dans le temps et suivant les civilisations. Cette notion est vieille comme le monde ; dans toutes les religions, on gagne le pain à la sueur de son front et le repos hebdomadaire a une consonance spirituelle : c’est le jour du Seigneur.
Jadis, la fatigue n’était pas vue en tant que telle, mais incluse dans une ma-ladie ou liée tout simplement à l’âge (vieux à 40 ans, mort à 50). Comme aux maladies inexpliquées, on lui donnait volontiers une valeur de châtiment moral ou religieux.
Jusqu’à encore tout récemment, on ne la considérait pas comme une plainte « sérieuse », elle n’était pas l’objet d’études ou de traitement spécifique. La notion de stress, introduite dans les années 1950 par le Canadien Hans Seyle, a déterminé l’évolution de la notion de fatigue en la codifiant et en la rattachant à un cheminement scientifique.
On la considère maintenant comme un symptôme avec une composante psycho-intellectuelle dans 75 % des cas et s’accompagnant, chez deux fatigués sur trois, d’au minimum deux signes parmi lesquels : douleurs musculaires, insomnie, fièvre, amaigrissement
La notion de fatigue varie-t-elle suivant les pays ?
La notion de fatigue évolue aussi différemment suivant les cultures et le degré de développement :
– pour les pays du tiers-monde, elle n’est pas envisagée en tant que telle, mais plutôt incluse dans le cadre d’une maladie déterminée, le plus souvent infectieuse ou parasitaire : paludisme, sida, etc. ;
– dans les pays industrialisés, la fatigue est de plus en plus considérée comme une plainte isolée et une maladie en soi, devenant à la longue un véritable phénomène de société.
Mais la notion de fatigue varie aussi suivant le cadre, la culture et le tempérament, qui confèrent à la fatigue un profil particulier :
– chez les Latins, la fatigue est plutôt extériorisée et rapportée à une cause psychologique. Elle se manifestera surtout sur le plan psychique ;
– chez les Anglo-Saxons, la fatigue est davantage intériorisée et plus volontiers rattachée à une cause physique, immunologique en particulier. Elle se manifestera plutôt sur le plan somatique
La signification varie-t-elle en fonction de l’environnement sociologique ?
On se plaint plus volontiers du type de fatigue concernant le secteur auquel on appartient le plus souvent : fatigue physique pour les métiers manuels, fatigue mentale pour les métiers plus intellectuels, fatigue morale possible dans tous les cas.
L’environnement et l’habitat jouent aussi : en zone urbaine, il s’agit plutôt d’une fatigue intellectuelle ; à la campagne, plutôt d’une fatigue physique ; la fatigue morale, jouant pour les deux, est rapportée au stress pour la cité, à la solitude pour la campagne.
Selon la profession
La fatigue est maximale chez les agriculteurs, associant fatigue musculaire ei troubles du sommeil.
Chez les inactifs, chômeurs, licenciés ou retraités, ainsi que chez les ouvriers, il s’agit d’une fatigue de démotivation : moins on en fait… !
Chez les cadres moyens ou supérieurs, ce sont les préoccupations professionnelles qui occasionnent la fatigue : souci du rendement, crainte du licenciement. Cette fatigue prend alors une connotation d’anxiété, voire de dépression.
Selon le mode de vie
L’alcool est responsable de 23 % des fatigues musculaires et de 15 % des troubles du comportement.
Le tabac, lui, est responsable de 15 % des troubles de l’endormissement.
Sur le plan de l’activité physique, la sédentarité augmente la fatigue, l’activité physique la diminue, et ce chez 32 % des cadres et 9 % des inactifs
Existe-t-il une géo-fatigue?
Il y a des régions manifestement plus touchées par la fatigue : on est plus fatigué dans le Nord, en Aquitaine, en région parisienne et en Provence.
En revanche, on risque moins la fatigue dans l’Ouest et la région Rhône- Alpes.
Est-ce une question de météo, de ressources locales, de mode de vie ?
Il y a aussi des spécificités régionales de la fatigue :
– dans le Nord (agricole), ce sont les symptômes psychiques qui prennent le dessus ;
– en Aquitaine, troubles musculaires, du sommeil et du comportement se partagent le terrain ;
– à Paris, la fatigue intellectuelle domine mais existent aussi des troubles du sommeil, des manifestations digestives et une somatisation ;
– en Provence, la fatigue est avant tout psychique et sexuelle et s’accompagne volontiers de somatisation
Quels sont les différents types de fatigués ?
On peut distinguer six types de fatigués, qui ont chacun leurs caractéristiques :
– l’active qui cocoone : c’est la mère de famille qui a une activité stressante, fait deux journées en une, sort peu, est préoccupée de sa ligne et qui est… toujours fatiguée ;
– l’étudiant dynamique : l’étudiant ou le lycéen sportif qui sort beaucoup le soir et qui ne connaît pas les insomnies… bref, qui brûle la chandelle par les deux bouts ;
– l’hyperactif moderne : typiquement, c’est un cadre supérieur ou une profession libérale, avide de réussite sociale, qui mange allégé, sort beaucoup, se couche tard et fait du sport ;
– l’actif conservateur : c’est un commerçant, un artisan, un cadre moyer gros travailleur. Il a adopté la cuisine traditionnelle et passe des week-end tranquilles ;
– la préoccupée de sa forme : c’est une femme entre 35 et 49 ans qui ne tn vaille pas, mange allégé, fait pas mal de sport, est très préoccupée de sa lign et recherche des compléments alimentaires ;
– la retraitée traditionaliste : inactive, elle reçoit et sort peu, a du goût poi la cuisine et est fatiguée chronique : elle ressent le poids des années et de son inactivité
Peut-on tracer le portrait-robot d’un fatigué?
– Sexe : il s’agit plutôt d’une personne de sexe féminin (59 % de femmt pour 41 % d’hommes), en général soit inactive soit, au contraire, ayant ur double activité.
– Tranche d’âge : il s’agit plus souvent d’une adolescente ou d’une femn en période d’activité génitale (50 %) que d’une femme après la ménopau«
(30 %).
– Habitat : le fatigué habite d’ordinaire une grande ville, ou au contrair vit isolé à la campagne.
– Activité physique : là encore, ou il déploie trop d’activité physique, ou est trop inactif.
– Catégorie socioprofessionnelle moyenne : il s’agit volontiers d’un cad moyen, commerçant ou artisan.
– Profil psychologique : traditionnel/conservateur, caractère parfois mêla colique.
Y a -t-il un type de fatigue suivant la tranche d’âge?
Le type de fatigue varie logiquement suivant la tranche d’âge :
– de 20 à 35 ans : il s’agit d’une fatigue intellectuelle (on a une place à faire) ;
– de 36 à 50 ans : prédominent les troubles du sommeil (le stress) ;
– de 51 à 70 ans : il s’agit surtout de troubles de comportement et/ou de 1 tigue sexuelle (vieillissement) ;
– après 70 ans : c’est une fatigue généralisée avec troubles psychiques, i tigue musculaire, somatisation.
Mais le nombre de fatigués varie aussi en fonction de l’âge. Il existe u « barre des 40 ans » : avant 40 ans, la proportion, chez les hommes comi chez les femmes, est de 45 % de fatigués ; après 40 ans, elle passe à 55 % e viron, ce chiffre diminuant discrètement après la retraite pour réaugmenter e suite avec l’avancée de l’âge.