La chirurgie esthétique : Les opérations comportant des problèmes inattendus
La liposuccion
La liposuccion, qui a été inventée par Illouz en 1977, est une opération qui a révolutionné la chirurgie esthétique et le corps des femmes.
Elle a révolutionné la chirurgie esthétique parce qu’elle est devenue très rapidement l’intervention la plus pratiquée dans le monde en matière de chirurgie.
La bataille pour la conquête de la silhouette, la possibilité de rentrer dans un blue-jeans ont entraîné une demande très importante de la part des patientes ; elles souhaitent lutter contre l’accumulation des graisses de surface et en profondeur qui transforment soit le tiers moyen, soit la moitié inférieure de leur corps, parfois au niveau des bras, du visage, du cou et des bajoues de façon inattendue et toujours gênante.
Cette avancée dans la chirurgie esthétique a de plus séduit les hommes, qui voient, grâce à la liposuccion, une possibilité de réduire, leur bouée, leur pneu, « leur estomac » ou leur double menton graisseux.
Actuellement, on peut dire que c’est une opération extrêmement raffinée qui a bénéficié d’immenses progrès. Les canules utilisées sont très fines pour ne pas laisser de vagues. L’opération est assez longue et méticuleuse, réalisée par de toutes petites incisions pour que des croisillons sous-cutanés puissent être faits afin d’enlever la graisse de la façon la plus homogène possible.
Cette graisse est retirée de façon quasiment circulaire sur les cuisses et d’une manière très rigoureusement contrôlée sur les chevilles, les mollets, l’abdomen, les bras ou le visage.
Cette chirurgie est également appliquée au niveau des masses graisseuses du tronc chez l’homme, pour traiter par exemple certaines gynécomasties (accumulation de graisse au niveau des seins) ou le « pneu » masculin de la cinquantaine.
Mais la liposuccion ne résout pas tout. Elle ne peut pas enlever la glande mammaire constitutive de certains cas de gynécomastie juvénile, ni transformer un monstre de la silhouette ou une obèse en femme fine si les patientes ne sui-
vent pas un régime à long terme — qui doit même être préalable à la liposuccion dans la meilleure des hypothèses possibles.
Néanmoins, c’est une opération qui a subi d’autres progrès. On a tenté d’innover en mettant en place des liposuccions assistées aux ultrasons, mais après une première période où ces ultrasons très puissants ont été employés à outrance, des brûlures et des perforations digestives ont été observées.
Dans ces conditions, les ultrasons ont été extrêmement limités en puissance et la majorité des appareils ont été interdits en France.
Actuellement, aux États-Unis, une nouvelle génération d’appareils a vu le jour, qui seront peut-être commercialisés ; l’intérêt des liposuccions par ultrasons étant de faciliter le travail du chirurgien et d’enlever encore un peu plus de graisse que par la liposuccion classique.
Le risque est cependant de retirer trop de graisse, ce qui crée des formes excavées et déshabitées d’une couche graisseuse, finalement un peu nécessaire pour donner au corps féminin une tenue et une rondeur acceptables sous la main de l’honnête homme.
Les complications liées à la liposuccion peuvent être inattendues.
Nous avons le souvenir d’une femme qui présentait une déformation relativement modérée du tiers moyen du corps. Cette femme, de trente-cinq ans environ, mère de deux enfants, souhaitait une liposuccion de confort.
Celle-ci a été réalisée par l’intermédiaire de six petites incisions, car le ventre avait également été traité.
Ces incisions siègent au niveau du nombril, à la partie haute des cuisses, pratiquement dans la région pubienne, et à la jonction des bouées et de la culotte de cheval sur le côté de la cuisse.
Une petite incision à la partie basse du genou peut parfois être nécessaire, ce lui fut fait chez cette patiente.
Elle souhaitait en effet une diminution de la masse graisseuse située au-dessus ;t à l’intérieur des genoux, ce qui est souvent très disgracieux et témoigne de la déformation génétique propre à la stéatomérie, qui a été décrite par notre maître, taymond Vilain.
L’intervention se déroula sans aucun problème. Vers le quinzième jour, cette patiente téléphona en disant qu’elle avait de la température. En la revoyant en consultation, une infection manifeste d’un côté fut constatée : il y avait des laques chaudes, rouges, douloureuses, des traînées rosâtres sur la peau témoignant d’une lymphangite, c’est-à-dire la diffusion d’un microbe à distance.
Très étonné de cette évolution extrêmement inhabituelle, nous retrouvâmes par l’interrogatoire de la patiente l’existence d’une angine quelques jours auparavant.
Cette angine avait été négligée par la patiente, qui l’avait simplement traitée par le mépris et n’en avait pas même entretenu l’anesthésiste.
Nous dûmes mettre la patiente sous antibiotique et, par une reprise chirurgicale, nous refîmes une sorte de respiration permettant de rapporter quelques éléments purulents qui s’étaient accumulés d’un seul côté.
C’était d’ailleurs très curieux que cette infection n’avait touché qu’un seul côté et non les deux côtés de la cuisse et tous les décollements. Mais ceci était probablement lié au fait que le diagnostic avait été porté précocement.
Cette patiente fut suivie avec beaucoup de soins, et elle eut quelques indurations avec une petite gêne de cicatrisation en profondeur pendant six mois.
Puis les choses se rétablirent d’une façon relativement satisfaisante, mais cette patiente ne nous a jamais réglé ses honoraires. Elle a sans doute estimé que l’infection était une faute chirurgicale et, lorsque nous lui avons réclamé ses honoraires, elle a simplement disparu et n’a plus jamais donné signe de vie.
Comme quoi l’infection peut parfois entraîner, par la méconnaissance d’un diagnostic préopératoire précis, des ennuis sérieux : si nous ne l’avions pas traitée d’une façon satisfaisante par une reprise opératoire, un drainage et l’administration d’antibiotique, il est possible que l’infection soit devenue gravissime et ait entraîné des nécroses pariétales, c’est-à-dire des cicatrices indélébiles.
Les plasties abdominales
Les plasties abdominales sont très souvent source de petits soucis. Ce, d’autant plus que les patientes n’ont pas maigri avant l’intervention. Ces opérations, où l’on décolle beaucoup la peau pour enlever le pneu ou le tablier abdominal situé entre le nombril et les poils, génèrent toujours beaucoup d’anxiété.
Plus la patiente est obèse, plus l’intervention risque d’être problématique, car l’ablation du tablier cutané entraîne une compression en profondeur de l’abdomen occasionnant une gêne au retour veineux entre les pieds et le cœur : c’est une compression de la veine cave inférieure, veine très molle, mais qui charrie une quantité de sang très importante, d’où le risque de phlébite, voire d’embolie mortelle.
Nous prenons grand soin de prévenir les patientes qu’elles doivent impérativement perdre du poids avant leur opération.
Nous avons le souvenir d’une patiente de soixante-sept ans, qui avait déjà subi d’autres opérations de chirurgie esthétique. C’était une assez jolie femme, au visage très fin, qui avait magnifiquement supporté plusieurs interventions destinées à l’embellir. Elle en était d’ailleurs très satisfaite, mais extrêmement sourcilleuse sur chacun des détails, nous ayant déjà demandé à plusieurs reprises d’effectuer de petites retouches au niveau du visage, ce que nous fîmes avec plaisir et sans problème particulier.
Un jour, elle souhaita être améliorée au niveau de son ventre. Or, cette patiente, qui avait grossi et maigri, avait un tablier abdominal manifeste ; elle avait aussi perdu six centimètres en hauteur, liés aux tassements vertébraux qui s’étaient produits avec l’ostéoporose (mécanisme de décalcification des vertèbres avec changement de courbure de celles-ci) qui s’étaient tassées avec l’âge.
Dans ces conditions, les muscles de la paroi abdominale n’étant plus tendus comme deux barreaux bien droits d’une prison, mais incurvés, laissaient passer la pression intra-abdominale.
La plastie abdominale, qui avait été décidée chez cette patiente après mûre réflexion et après maints conciliabules avec l’anesthésiste, ne donna lieu à aucune suite particulièrement compliquée.
Nous avions d’ailleurs eu la surprise d’une prise en charge de l’opération de cette patiente par la Sécurité sociale, alors que cette femme n’avait pas eu d’enfant. En général, la prise en charge par cet organisme ne pose guère de problème lorsqu’il y a eu deux ou trois grossesses, mais est plus aléatoire dans le cas contraire pour ce type d’intervention.
Lorsque nous revîmes la patiente au bout de quelques semaines, un incident s’était produit : elle avait fait un hématome assez important. Celui-ci s’était constitué progressivement, non pas au niveau de la surface entre la peau et les muscles, mais profondément à l’intérieur d’un muscle.
Cette complication assez rare d’hématome intra-musculaire peut se produire dans les plasties abdominales, car de petits vaisseaux que l’on coagule peuvent se rétracter à l’intérieur du muscle et ne saigner que secondairement à l’occasion d’une petite poussée hypertensive.
Un examen par échographie permit de confirmer le diagnostic d’hématome intramusculaire responsable d’une voussure intra-abdominale relativement importante et donnant un ventre asymétrique.
Après plusieurs mois d’évolution, nous avions espéré que cet hématome se résorberait spontanément, mais la lenteur de la résorption nous conduisit à réintervenir. La patiente l’accepta avec quelque réticence.
L’intervention a consisté simplement à vider et à aspirer l’hématome.
Les suites en furent fort simples, mais la cicatrice secondaire imprima un petit creux à l’endroit de l’aspiration de l’hématome.
Un autre motif de mécontentement de cette patiente fut qu’il existait toujours un ventre rond. Lié à la distension musculaire, celui-ci ne présentait malheureusement pas de solution chirurgicale.
Ainsi, tous les quinze jours, la patiente venait nous voir, toujours aussi furieuse de son ventre rond. Nous avions beau lui montrer les photographies préopératoires, lui expliquer que nous avions enlevé environ un kilo et demi de peau et de graisse abdominale pour retendre la peau du ventre, elle restait, et on le comprend, tout à fait insatisfaite.
Au bout d’un moment, devant ce dialogue de sourds, cette patiente qui exigeait d’avoir un ventre plat, donc une réintervention, nous posa un problème psychologique et physique. En effet, une réintervention aurait été à la limite possible en effectuant un geste de retension des muscles, mais le risque considérable à son âge était d’observer une phlébite ou une embolie.
Comme cette femme souffrait de petits soucis cardiaques, qu’elle était discrètement hypertendue, aucun anesthésiste raisonnable n’aurait accepté ce risque opératoire surajouté.
Dans ces conditions, nous lui expliquâmes qu’il valait mieux qu’elle attende encore environ six mois, puis qu’elle entreprenne un programme de rééducation musculaire et vertébrale de façon à améliorer les résultats de l’opération sans autre coup aléatoire de bistouri.
Rien n’y fit. La patiente, fort mécontente, considéra que d’autres confrères étaient certainement plus qualifiés que nous.
Elle entama alors la longue procédure qui consiste à aller voir un autre chirurgien, puis un autre, qui évidemment voit tout de suite que la première opération n’a pas été faite tout à fait correctement, la critique de façon peu amène et entraîne chez la patiente un désir de procédure destiné à lui permettre au moins de se faire opérer une nouvelle fois avec des honoraires qui sont payés par le chirurgien initial ou par son assurance.
Nous étions nous-mêmes très étonné qu’un autre confrère acceptât ou trouvât un anesthésiste qui consente à réopérer ou faire un geste efficace chez cette patiente, car, en vingt-cinq ans de carrière, nous n’avons jamais réussi à retendre valablement un ventre de façon parfaite chez une femme de plus de soixante ans présentant en outre un problème de tassement vertébral lié à l’âge et à la vieillesse.
Deux ans après, nous revîmes par hasard cette patiente dans la rue.
Elle ne s’était pas faite réopérer, mais affirmait vouloir le faire avant… 80 ans ! ! !
greffes de cheveux
Les greffes de cheveux sont actuellement une procédure très courante chez l’homme.
Chez ceux qui perdent leurs cheveux, les micro-greffes, les lambeaux, ou les greffes de deux ou trois cheveux permettent d’une façon tout à fait valable de réensemencer le cuir chevelu au niveau de la partie antérieure et postérieure du cuir chevelu. D’autres procédés, à type d’excision ou de suture, sont également possibles.
Bref, la chirurgie de la calvitie a fait des progrès considérables.
Néanmoins, de nombreux patients restent insatisfaits des résultats obtenus.
Nous avons le souvenir d’un patient qui avait été opéré par un honorable confrère qui avait pratiqué un lambeau1. Malheureusement, ce lambeau avait nécrosé et le patient se retrouvait donc non seulement avec une absence de résultat à l’endroit où il le souhaitait, mais avec en plus une diminution par rapport à l’état antérieur.
Il avait fait une infection postopératoire. Cet homme était un fumeur invétéré âgé de plus de soixante ans.
Nous eûmes beau lui expliquer que nous ne voyions aucune faute et qu’il était impossible d’établir un certificat médical incriminant le premier chirurgien, ce patient, extrêmement mécontent, faisait manifestement la tournée des chirurgiens pour en trouver un qui acceptât de rédiger le certificat accusateur pour traduire en justice son premier chirurgien.
Nous apprîmes par la suite d’un confrère expert auprès des tribunaux que ce patient avait été expertisé et que l’infection postopératoire qui s’était produite avait finalement été considérée comme engendrée par le premier chirurgien et engageait la responsabilité de celui-ci.
Nous trouvions cette décision totalement inique, car l’infection postopératoire est malheureusement imparable dans un certain nombre de cas, et on ne peut en incriminer le chirurgien qui ne doit faire une intervention s’il y a une contamination prouvable et directe par un microbe qui aurait été ensemencé, ce qui est impossible dans les conditions chirurgicales modernes.
Les conditions d’asepsie actuelles font qu’il est très difficile à un chirurgien d’infecter un patient. Ceci est également valable au niveau du Sida ou d’autres maladies transmissibles telles l’hépatite C. Récemment, des infections nosocomiales patentes à la bactérie Xenopi ont été rapportées dans une clinique à Paris.
Bien sûr, l’infection per-opératoire transmise reste possible, mais lorsqu’une infection se produit au niveau d’une opération aussi banale qu’un lambeau du cuir chevelu chez un gros fumeur dont les défenses immunitaires ont commencé à diminuer avec l’âge, il nous paraît tout à fait scandaleux de vouloir impliquer le chirurgien ayant pratiqué la première opération comme responsable de l’infection.
En tout cas, ce patient nous avait paru particulièrement récriminant. On peut le comprendre dans la mesure où il n’avait non seulement pas obtenu le résultat souhaité, mais où celui-ci était même aggravé.
Une réparation était toutefois possible, ce que lui avait d’ailleurs proposé son premier chirurgien, en effectuant une reprise chirurgicale par des micro-greffes de cheveux une fois que le délai postopératoire de six mois se serait écoulé. Rien n’y fit. C’était un patient procédurier.