La chaîne biologique des vitamines
La chaîne de production alimentaire a cherché à satisfaire les besoins énergétiques sans prendre suffisamment en compte la complexité et la disponibilité en micronutriments, or l’énergie peut devenir toxique pour l’organisme lorsqu’elle est mal environnée en facteurs de protection.
Le métabolisme cellulaire est contrôlé par une multitude d’enzymes dont le fonctionnement nécessite des « cofacteurs » provenant des vitamines, principalement celles du groupe B. Les organismes animaux empruntent donc au monde végétal, aux champignons, aux levures ainsi qu’aux bactéries, les vitamines indispensables au bon fonctionnement des enzymes qui orchestrent la vie cellulaire. La teneur en vitamines B des produits animaux et végétaux est très variable, et la complémentarité de ces produits permet de satisfaire largement les besoins. Curieusement, les produits végétaux permettent de couvrir tous les besoins en vitamines sauf la vitamine B12 que l’on peut trouver par ailleurs dans certains produits fermentés et surtout dans les produits animaux.
Les aliments purifiés dans notre alimentation (sucre, matières grasses, farine blanche) privent l’organisme de ces micronutriments parce qu’ils ont été éliminés au cours du raffinage. On trouve, par exemple, trois à quatre fois plus de vitamines du groupe B dans la farine complète que dans la farine blanche. De plus, toutes ces vitamines ne sont pas entièrement stables et peuvent être détruites ou perdues au cours des procédés de fabrication ou des traitements culinaires. Même si un déficit d’apport en vitamines ne s’extériorise pas par des signes cliniques particuliers, on ne peut exclure que cet appauvrissement des aliments ait des conséquences sur l’organisme, sur le vieillissement cérébral ou sur le développement des maladies cardio-vasculaires par exemple. Plutôt que de supplémenter les produits alimentaires en vitamines B pour restaurer les pertes (la plupart de ces vitamines ont une très faible toxicité), il est sans doute préférable d’essayer de préserver la complexité des aliments naturels pour disposer de la plus grande panoplie possible de micronutriments.
Les vitamines, que l’on peut considérer comme des micronutriments indispensables au métabolisme cellulaire, peuvent aussi jouer des rôles complexes, à la façon des hormones ou des médiateurs cellulaires, pour réguler le fonctionnement de l’organisme. C’est le cas, par exemple, de la vitamine A qui assure la protection et la différenciation des épithéliums ou de la vitamine D qui favorise l’absorption, le transport ou la fixation du calcium dans les os. Par le biais de leurs métabolites spécifiques, ces vitamines modulent le fonctionnement cellulaire comme d’autres effecteurs (hormones, facteurs de croissance, médiateurs lipidiques).
Un faible apport alimentaire de vitamine D ainsi qu’un ensoleillement insuffisant pour la synthèse cutanée de cette vitamine peuvent avoir des répercussions négatives non seulement sur la fixation du calcium osseux, mais aussi sur la prévention des cancers. De même, une alimentation pauvre en vitamine A (manque de lait, beurre, œufs, poisson, foie), en produits végétaux colorés (riches en caroténoïdes précurseurs de la vitamine A) peut altérer des fonctions aussi fondamentales que la vision, la croissance ou les défenses immunitaires. Par ses puissants effets de différenciation cellulaire (une cellule qui acquiert sa fonction spécifique ne deviendra pas cancéreuse), la vitamine A via ses métabolites constitue un facteur de protection pour de nombreux tissus (peau, poumons). Les impacts physiologiques des vitamines A et D sont certainement renforcés par d’autres micronutriments, en particulier ceux qui neutralisent diverses molécules agressives. Puisque ces vitamines exercent des effets protecteurs puissants au sein de l’organisme, leur apport en quantité élevée pourrait sembler intéressant, mais il existe des risques de toxicité en cas d’administration trop élevée.
Dans les pays occidentaux, les carences sévères en vitamines sont donc devenues très rares, mais cela ne signifie pas que leur apport soit optimal pour la santé. La stratégie la plus sûre est de conserver la richesse naturelle des aliments en vitamines. Ni l’appauvrissement des aliments dans une chaîne alimentaire productiviste, ni leur enrichissement artificiel ne constituent une approche sûre pour bien traiter la problématique des apports en vitamines comme celle des autres micronutriments.
Longtemps le public a été sensibilisé à l’importance des vitamines, sachant que ce sont des molécules entièrement indispensables au fonctionnement de l’organisme. Cependant, le concept de vitamines étant trop réducteur, il tend à être remplacé par le terme de micronutriments. Néanmoins, beaucoup de micronutriments qui s’avèrent utiles dans la nutrition préventive ne revêtent pas les mêmes caractères essentiels spécifiques aux vitamines. Les nutritionnistes ont eu une grande difficulté à faire admettre l’importance de nombreux microconstituants dont la fonction ne pouvait être identifiée à des vitamines, pourtant ces composés sont largement responsables de l’effet santé des produits végétaux.