L'estomac
Deux parties physiologiquement très différentes :
1. La partie verticale :
Elle comprend elle-même deux portions :
- La grosse tubérosité, largement accolée à la coupole diaphragmatique, donc constamment ouverte et accueillant les gaz déglutis.
- Le fundus, entouré de péritoine sur toute sa circonférence, dont la lumière est virtuelle chez le sujet à jeun, la muqueuse étant alors froncée de nombreux plis et capable de se distendre largement lors de l’ingestion d’un repas, les plis ayant tendance à s’effacer avec la distension.
Cette portion a deux caractéristiques :
- L’une mécanique : elle fait office de réservoir et reste relativement inerte.
- L’autre chimique et enzymatique : c’est la zone noble de la muqueuse, celle qui est capable de sécréter, outre le mucus :
- l’acide chlorhydrique par les cellules bordantes,
- la pepsine par les cellules principales,
- enfin le facteur intrinsèque, par les cellules bordantes.
2. La partie horizontale ou antre : Elle a deux caractéristiques opposées :
- Sur le plan mécanique, c’est un puissant moteur musculaire qui brasse et fluidifie le contenu gastrique en permettant un mélange intime avec le produit de sécrétion de la muqueuse. Les ondes péristaltiques prennent naissance dans la région de l’angle et progressent sous forme d’une constriction annulaire jusqu’au pylore. Si celui-ci est ouvert, le contenu de la dernière poche antrale formée est expulsé, sous forme d’une giclée, dans le bulbe duodénal; Si le pylore est fermé, ce qui est plus souvent le cas (cf. p. 98), l’onde péristaltique bute contre le cul-de-sac pylorique : les fractions périphériques du bol alimentaire, entraînées par le péristaltisme se retrouvent chassées vers l’amont en empruntant l’axe de l’antre en une sorte de mouvement de « lessiveuse » très efficace pour homogénéiser le contenu gastriqi e.
- Sur le plan chimique, la muqueuse antrale est plus courte, et sa sécrétion se borne à un mélange de mucus et de bicarbonates. Par contre la muqueuse contient des cellules endocrines qui sécrètent la gastrine.
Sécrétion gastrique
Elle est permanente mais subit de grosses variations entre les périodes de jeûne et celles de digestion, tant en ce qui concerne le volume que la concentration des différents constituants.
Le suc gastrique comprend :
- de l’eau,
- des électrolytes,
- de l’acide chlorhydrique,
- du mucus,
- des enzymes.
1. Sécrétion des glandes antrales :
Les glandes antrales, on l’a vu, ne peuvent sécréter que du mucus, et des bicarbonates, elles sont donc responsables de la sécrétion alcaline de l’estomac.
2. Sécrétion du fundus :
Acide chlorhydrique :
Le fundus sécrète l’acide chlorhydrique, acide fort capable d’abaisser le pH à 1. Or l’acidité intragastrique est très variable d’un moment à l’autre et selon la nature du repas absorbé. Pour expliquer ces variations de pH, trois mécanismes pourraient être en cause :
- L’acide chlorhydrique serait sécrété à une concentration variable par la cellule gastrique, ce qui expliquerait des pH fluctuants. Cette théorie est contraire aux observations de physiologie et d’histochimie et ne doit pas être retenue.
- L’acide chlorhydrique serait sécrété en quantité constante, le pH final étant modulé par une plus ou moins grande rétrodiffusion des ions H + à travers la muqueuse gastrique. De fait, on a pu montrer qu’un estomac rempli de C1H pouvait échanger des ions H + vers le plasma et Na+ vers lu lumière, le liquide gastrique s’enrichissant en sodium tandis que le pH s’élève.
- En réalité la rétrodiffusion des ions H+ semble surtout possible en cas de lésion muqueuse, notamment par prise médicamenteuse. Elle semble minime dans l’estomac sain.
- La théorie la plus satisfaisante est celle des « mélanges » : à chaque instant le pH serait déterminé par la résultante d’un volume assez constant de sécrétion alcaline titrant 40 mEq/1, auquel s’ajoute un volume variable d’une sécrétion acide à concentration constante ( 143 mEq/1). Le pH serait ainsi tributaire du débit acide du fundus.
La réalité est un peu plus complexe puisque l’estomac sécrète aussi du mucus : les mucroprotéines qui le constituent sont des corps amphotères qui sont capables de fixer une certaine quantité d’acide sans que le pH ne se modifie : elles réalisent le « pouvoir tampon » du suc gastrique.
On voit ainsi que pour que le pH baisse au niveau de l’estomac, il laut que le débit acide soit capable successivement :
- de neutraliser la sécrétion alcaline basale,
- de saturer les mucroprotéines,
- éventuellement de neutraliser le pouvoir tampon des aliments.
C’est pourquoi le pH ne devient-il vraiment acide que deux heures après le début d’un repas.
La pepsine :
Elle est le premier enzyme protéolytique que rencontre l’alimentation. Les cellules principales sécrètent un pepsinogène inactif. C’est l’acidité intraluminale qui permet l’activation en pepsine.
Le facteur intrinsèque :
Il est produit par les cellules pariétales du lundus, se lie à la vitamine B12 alimentaire lui permettant d’échapper, tout au long du grêle, à la digestion protidique et à l’agression bacté- nenne, et d’atteindre ainsi son site électif d’absorption : la dernière anse grêle.
Rôle de l’estomac
Ce réservoir, s’il n’a pas un rôle vital puisque la gastrectomie, même totale, est compatible avec la vie, a une très grande importance pour une digestion de bonne qualité :
- Il remplace l’arrivée discontinue et brutale des aliments au cardia par un débit lent, progressif, adapté, du contenu gastrique dans le duodénum, grâce à « l’intelligence » du pylore.
- Le temps de séjour gastrique permet aux aliments de se mettre à la température du corps.
- Il permet aussi de rapprocher le plus possible le bol alimentaire de l’isotonicité au plasma.
- Enfin la puissante malaxation du repas par le muscle gastrique tointe à la dilution par les produits de sécrétion, conduit à la formation d’un chyme fluide, prêt à la digestion par le grêle.
- L’acide chlorhydrique a plusieurs actions :
- il stérilise le bol alimentaire;
- il active le pepsinogène en pepsine;
- il hydrolyse une partie des glucides et attaque la structure collagène des aliments protidiques;
- il concourt à réduire le fer ferrique en fer ferreux.
- La pepsine est active sur des protéines telles que l’albumine, l’hémoglobine, la caséine. Elle détache préférentiellement les acides aminés aromatiques en bout de chaîne (tyrosine, tryptophane, phénylalanine). Son effet reste très incomplet; c’est un peu un travail de « dégrossisage »
Contrôle du fonctionnement gastrique
1. Rôle du pneumogastrique et fonctionnement du pylore :
La motricité gastrique est surtout sous le contrôle du pneumogastrique : l’excitation du vague accroît le péristaltisme; la vagotomie entraîne une gastroplégie complète. Le fonctionnement le plus remarquable est celui du pylore. Le sphincter n’est pas seulement un clapet intermittent laissant s’échapper par petites quantités le contenu gastrique : c’est un cerbère vigilant qui exerce une action sélective sur la vidange gastrique; on a ainsi pu montrer, au cours de repas expérimentaux, que l’ordre de disparition des aliments de l’estomac était le suivant :
- les liquides partent avant les solides, et ceux-ci d’autant plus lentement que les particules sont plus volumineuses;
- les glucides ont une évacuation régulière commençant précocement;
- les protides sont souvent retenus un peu plus;
- les lipides, enfin, sont conservés plus longtemps et évacués en dernier.
Le mécanisme précis du pylore n’est pas parfaitement expliqué.
1. l’ouverture dépendrait :
- du degré de pression positive dans la poche antrale,
- de l’isotonicité du liquide gastrique,
- de la remontée du pH duodénal au-dessus de 6,8 environ.
2. Un réflexe de fermeture serait assuré par l’arrivée dans le duodénum :
- d’un liquide hypo ou hypertonique;
- d’un pH inférieur à 6,5;
- d’un repas trop riche en peptones ou en graisses.
D’une manière générale, un repas hypercalorique retarde l’évacuation pylorique. Cette sélectivité est sans doute à attribuer à des récepteurs duodénaux à médiation nerveuse et/ou humorale.
2. Mécanismes contrôlant la sécrétion gastrique :
Plusieurs mécanismes interviennent dont beaucoup sont dépendants les uns des autres.
C’est ainsi que schématiquement on distingue :
■ Une action céphaüque, bien illustrée par Pavlov, qui met en jeu l’hypothalamus et le pneumogastrique sous l’effet de stimulations sensorielles,
■ Une action gastrique, déclenchée par la distension de l’antre et qui met en jeu :
- le pneumogastrique dont l’effet est prépondérant pour la pepsine,
- la gastrine, dont l’effet est prépondérant pour l’acide chlorhydrique.
Ce schéma trop simple doit recevoir plusieurs correctifs :
Pneumogastrique et gastrine ne sont pas indépendants, le X étant un des excitants de la sécrétion de gastrine.
Importance de la consistance et des constituants chimiques d’un repas, qui, en plus de l’effet mécanique des aliments, modulent la sécrétion.
- Ainsi un repas fait de glucides simples entraîne une faible sécrétion gastrique.
- Un repas riche en protéines entraîne une sécrétion forte dont l’acidité est proportionnelle à la teneur en protéines. Cette forte stimulation par les protéines s’explique par deux actions conjointes :
- l’une gastrique sous l’effet du X et de la gastrine;
- l’autre duodénale lors du passage des protéines évacuées par l’estomac, par une libération de gastrine locale.
A l’inverse un repas riche en lipides entraîne une sécrétion gastrique modérée en raison de deux actions contraires :
- la richesse en lipides d’un repas est un facteur de stase antrale puisque les lipides sont retenus en dernier par l’effet sélectif du pylore (cf. supra). Ils devraient donc être un agent de stimulation du X et surtout de la gastrine;
- mais le passage dans le duodénum de petites quantités de graisses met en jeu la sécrétion d’hormones duodénales (sécrétine, VIP et CIP, )qui sont inhibitrices de la sécrétion gastrique.