Hérédité et chromosomes
Les parents lèguent à leurs enfants leurs caractères héréditaires, aussi bien la couleur des cheveux et la taille que certaines maladies ou la faculté d’ourler la langue.
La transmission se fait par les gènes. Au nombre de plusieurs milliers dans chaque chromosome, les gènes sont invisibles au microscope normal et ne deviennent discernables qu’au microscope à balayage électronique. Les chromosomes se trouvent dans le noyau des cellules.
23 chromosomes seulement
La formation des gènes parentaux s’élabore alors que les futurs parents ne sont encore que des embryons… Au cours de la troisième semaine de vie intra-utérine, les souches de cellules sexuelles, très différentes des souches qui formeront les cellules des différents organes, se multiplient pour former les gamètes. Spermatozoïdes ou ovocytes, elles conservent jusqu’à la puberté la moitié du patrimoine génétique de plusieurs êtres humains potentiels.
À sept mois de vie intra-utérine, le fœtus de la petite fille recèle dans ses ovaires un nombre défini d’ovocytes qui n’augmentera plus. À la naissance, elle en possède 700 000 à 2 millions, dont la moitié aura dégénéré à la puberté. Les ovaires commenceront alors à en libérer un par mois : c’est l’ovulation.
Les cellules germinales du garçon n’entrent en activité qu’à la puberté, pour former des cellules mères qui produiront quotidiennement plusieurs millions de spermatozoïdes. La formation complète d’un spermatozoïde prend trois mois.
Les cellules sexuelles ont la particularité d’être les seules de tout le corps à ne posséder que 23 chromosomes. Ceux-ci seront intégralement légués et formeront, avec ceux de l’autre parent, un programme complet de 46 chromosomes. On ne transmet pas tout, mais la moitié seulement des gènes que l’on a reçus de ses parents. Sur chaque cellule sexuelle, les combinaisons possibles sont donc infinies, ce qui explique que les enfants d’une même fratrie puissent être si différents et que les maladies génétiques
ne soient pas transmises à toute la descendance. La transmission des gènes serait également différente selon qu’elle est paternelle ou maternel- le, l’ADN cytoplasmique pouvant transporter des gènes exclusivement maternels à l’enfant durant la grossesse.
Les gènes se trouvent sur les 46 chromosomes que contient chacune des cellules de l’être humain. Comme on l’a vu, les chromosomes sont réunis par paires, la moitié provenant du père, l’autre de la mère, et ces paires sont toutes différentes.
Les chromosomes présentent des formes et des dimensions diverses : ils peuvent avoir l’aspect de bâtonnets, de V, de J, de S ou de U. Observés au microscope à balayage électronique, ils ressemblent à des colliers de perles torsadés. Ces sortes de perles sont les gènes. Ils sont des milliers sur chaque «collier» et en tout des milliards sur les 46 chromosomes.
La plus grande partie d’entre eux ne seront jamais développés.
Les fils de ces colliers, ce sont les fibres de chromatine, l’ADN, filament extrêmement ténu d’un mètre et demi de long, enroulé sur lui-même sur un espace de quelques microns, dans le noyau de chaque cellule. Les fibres de chromatine se forment au cours de la division cellulaire.
Les gènes sont constitués d’une suite de bases regroupées en triplés que l’on appelle codons. Ils agissent en fonction des besoins de chacune des cellules de l’organisme dont ils ont la charge. À chaque codon correspond une protéine, composée de multiples acides aminés. Si le codon est modifié, l’acide aminé correspondant sera influencé par cette mutation.
Selon Mendel, un gène équivalait à une protéine. Nous savons aujourd’hui que certaines séquences d’ADN peuvent sauter d’un chromosome à un autre, modifiant le tout. Il reste que les chromosomes sont composés d’ADN et de protéines.
Au cours de la division cellulaire qui a lieu lors de l’élaboration d’un embryon l’ADN se réplique en deux cellules identiques qui vont chacune transmettre les gènes. Rien ne se perd, rien ne se crée de nouveau… si ce n’est, très lentement, au cours des millénaires, les mutations génétiques qui font évoluer l’espèce.
L’information est sans cesse brassée, répétée, contractée, reformulée, ce qui cause les transformations de génération en génération.
Chaque cellule, qu’elle soit cellule d’un organe, d’un os ou de la peau, par exemple, contient exactement le même patrimoine génétique. Mais toutes les cellules n’utilisent pas leur dotation de la même manière. La plupart des informations que reçoit chaque cellule ne serviront à rien, tandis que d’autres, correspondant à sa fonction, seront exploitées au maximum.
Néanmoins, l’organisme étant un tout dont chaque élément fonctionne en symbiose avec les autres, chaque cellule a besoin de connaître la totalité du programme. Les cellules peuvent ainsi s’influencer et échanger des informations entre elles.
Six gènes pour 729 couleurs de peau
Chaque gène est porteur d’une caractéristique ou même de plusieurs (couleur des yeux, des cheveux, forme des pieds, longueur du nez, morphologie, etc.), mais il faut plusieurs gènes pour déterminer chaque caractéristique : six pour la couleur de la peau, par exemple, ce qui donne 729 possibilités de combinaisons différentes.
D’où l’immense palette des carnations humaines. La transmission aux descendants est donc très compliquée. Le concours de tous ces gènes différents est pourtant nécessaire à l’organisme pour se développer et survivre.
Certains caractères dépendent néanmoins d’un seul gène et se transmettent de façon assez simple. Ils obéissent aux lois de Mendel, établies en 1865.
Gregori Mendel, moine morave, avait fait de troublantes constatations en croisant des variétés de petits pois.
Il s’était rendu compte qu’à la première génération, un seul des caractères l’emportait. Mais que les caractères disparus réapparaissaient à la seconde génération, et ce en proportion constante : un quart. Mendel a nommé dominants les caractères qui surgissent à la première génération (la couleur rouge des fleurs de pois par exemple) et récessifs ceux qui réapparaissent à la seconde (la couleur blanche des fleurs). En croisant des petits pois présentant deux caractères principaux (l’aspect lisse ou ridé et la couleur, jaune ou vert), Mendel s’aperçut que ces caractères se combinaient. Aux générations suivantes, apparaissaient des petits pois présentant des caractères hybrides, ne ressemblant à aucun type parental mais ayant pris un caractère de chaque type. Gregori Mendel en déduisit que les caractères sont transmis indépendamment les uns des autres.
En ce qui concerne l’homme, on découvrira néanmoins plus tard que certains gènes peuvent être dépendants les uns des autres (lors qu’ils se trouvent sur la même paire de chromosomes). Une infinité de nuances intermédiaires est possible entredeux caractères donnés. Un seul caractère peut provenir de plusieurs gènes (c’est ce qu’on appelle la polygénie), les chromosomes peuvent en outre s’échanger des gènes, ce qui laisse le chercheur perplexe face à une infinité de combinaisons et recombinaisons possibles.
Les chromosomes se regroupant par paires, chaque gène va se retrouver associé à celui qui lui correspond, sur l’autre
chromosome. Les deux gènes occupant la même position sur chacun des chromosomes sont appelés «allèles». Le patrimoine génétique de chaque individu regroupe tous ses allèles. On l’appelle génotype, par opposition au phénotype, ce dernier terme désignant l’aspect extérieur des individus.
Homozygote ou hétérozygote ?
Lorsque les deux allèles sont semblables (par exemple si le gène des yeux bleus est donné par le père et par la mère), l’individu est homozygote. Sinon, il est hétérozygote (la mère apporte par exemple le gène des yeux noirs, le père celui des yeux bleus). Ainsi chaque individu possède-t-il deux gènes pour chaque caractère, gènes qui sont semblables ou différents. Bien entendu, tous les caractères recelés dans le génotype ne s’expriment pas dans le phénotype : on ne peut avoir les yeux à la fois bleus et noirs. On peut cependant avoir les yeux noirs et transmettre à ses enfants le gène des yeux bleus. Voici comment.
Il y a des gènes dominants et d’autres récessifs. Si, des deux gènes allèles, l’un est dominant et l’autre récessif, le gène dominant donnera son caractère à l’individu, le récessif pouvant être transmis à la descendance, à la génération suivante. Prenons un exemple. Le gène des yeux noirs est dominant, celui des yeux bleus récessif. Pour avoir les yeux noirs, l’enfant doit hériter soit de deux gènes dominants «yeux noirs», soit d’un gène dominant «yeux noirs», même si l’autre gène est celui des yeux bleus. Pour avoir les yeux bleus, il faudra en revanche que les deux gènes transmis soient ceux des yeux bleus, c’est-à-dire deux gènes récessifs qui peuvent s’exprimer car ils ne sont pas masqués par un gène plus fort.
Deux parents aux yeux noirs peuvent avoir un enfant aux yeux bleus s’ils lui lèguent chacun le gène des yeux bleus qu’ils tiennent de leurs propres parents. Bien sûr, tout n’est pas aussi simple ! Il existe également des gènes semi-dominants, qui ne prennent pas le dessus, ou le dessous, à chaque fois. Ainsi, quand l’enfant reçoit une moitié des gènes de son père et l’autre de sa mère, cela ne signifie pas qu’il ressemblera pour moitié à son père et pour l’autre à sa mère. Il pourra très bien avoir le nez de son grand-père maternel et les pommettes de sa grand-mère, car ces gènes, récessifs, lui seront transmis également sans avoir été développés par les parents. (La mère, dans cet exemple, a reçu le gène du nez de son père et celui du nez de sa mère, mais ne porte que celui de son père, car le gène «nez» de la mère était récessif. Elle le transmet néanmoins à son fils.) 1/4 des gènes provient donc des grands-parents, 1/8 des arrière-grands-parents, 1/16 des aïeux précédents et ainsi de suite. Un enfant n’est pas une réalisation à deux, mais la suite d’un très long héritage.
Les yeux bleus sont récessifs
Selon que les parents sont porteurs de gènes dominants ou récessifs et selon les gènes correspondants légués par leurs propres parents, c’est- à-dire selon qu’ils sont homozygotes ou hétérozygotes, les enfants auront des chances très variables de recevoir l’un ou l’autre caractère. Plusieurs cas de figure se présentent.
1. Les parents ont tous les deux les yeux bleus
et sont tous les deux homozygotes (les quatre grands-parents avaient eux aussi les yeux bleus). Bien que le gène des yeux bleus soit récessif, les descendants auront tous les yeux bleus.
2. L’un des parents a les yeux bleus et l’autre les yeux noirs.
Dans ce cas, il y a deux possibilités :
Si les parents sont tous les deux homozygotes, les enfants recevront tous le caractère »yeux bleus» et le caractère «yeux noirs», mais ils auront les yeux noirs car c’est ce caractère qui est dominant, donc s’exprime. Ils seront hétérozygotes et pourront à leur tour transmettre le gène des yeux bleus s’ils font des enfants avec des partenaires porteurs du gène «yeux bleus» homozygotes. C’est le cas de figure suivant.
• Le parent aux yeux bleus est homozygote. Il ne peut transmettre que le gène des yeux bleus. Le parent aux jf yeux noirs est hétérozygote (bleu et noir).
Dans ce cas, la moitié des enfants potentiels aura les yeux bleus, l’autre moitié les yeux noirs. Une famille de quatre enfants peut comporter trois enfants aux yeux noirs et un seul aux yeux bleus, ou même quatre enfants aux yeux noirs. En matière de probabilités, le hasard reste maître.
3. Les parents ont tous les deux les yeux noirs. Les possibilités sont alors au nombre de trois :
• S’ils sont tous deux homozygotes, les enfants auront tous les yeux noirs comme eux.
• L’un des parents est hétérozygote. Les enfants auront néanmoins tous les yeux noirs, car ce gène est dominant. Mais 50% des enfants potentiels seront porteurs du gène récessif transmis par le parent hétérozygote.
Les parents sont tous deux hétérozygotes (porteurs d’un gène «yeux noirs» et d’un autre gène «yeux bleus»). Les probabilités d’avoir des enfants aux yeux bleus sont alors de25%. Parmi les 75% d’enfants aux yeux noirs, 25% seront hétérozygotes, porteurs du gène «yeux bleus». Quoi qu’il en soit, lorsque les deux parents ont les yeux noirs, ils transmettent toujours ce gène dominant à tous leurs enfants, même s’il n’apparaît pas.
C’est le père qui détermine le sexe
De nombreux autres caractères, à commencer, bien évidemment, par le sexe, sont déterminés par les chromosomes sexuels.
Nous savons que la femme possède deux chromosomes X et que l’homme est porteur d’un X (transmis par sa mère) et d’un Y (transmis par son père). Les spermatozoïdes sont porteurs d’un seul chromosome, X ou Y.
Sur les 23 chromosomes que les deux parents lèguent à leur enfant, l’un se distingue des autres. Il va déterminer le sexe de l’enfant à naître. La mère apportant toujours le chromosome X, c’est le père qui détermine le sexe de l’enfant, selon que le spermatozoïde fécondant est porteur d’un X ou d’un Y.
Chaque être humain porte donc 44 chromosomes + deux X (les femmes) ou un X et un Y (les hommes). Sur le tableau du génome humain, cette paire de chromosomes sexuels se distingue aisément : ils sont beaucoup plus grands que les autosomes. Les gènes s’y répartissent en deux zones. L’une de ces zones est identique chez les X et chez les Y. L’autre est plus longue chez les X et n’a pas d’homologue avec celle, plus courte, des Y. Ainsi, une femme, porteuse de deux chromosomes X, pourra être hétérozygote ou homozygote pour certains gènes, qui portent leurs homologues sur la zone correspondante de l’autre chromosome X. En revanche, chez l’homme, les gènes situés sur la partie typiquement masculine du Y et ceux situés sur la partie féminine du X manifestent toujours leurs caractéristiques, qu’ils soient dominants ou récessifs, puisqu’aucun gène correspondant ne pourra les contrarier sur l’autre chromosome. Pour ce qui concerne la partie des X et des Y qui est similaire, la transmission se déroule de la même façon que pour les gènes autosomes.
Les gènes particuliers au père sont appelés olandriques. Ils ne sont transmis qu’aux enfants mâles.
Il s’agit, entre autres, des doigts palmés, de l’hypertrichose des oreilles et de l’ichtyose. Les femmes possèdent également le privilège d’être les seules à transmettre certains gènes, comme le daltonisme (incapacité à distinguer les couleurs) et l’hémophilie (déficience de la coagulation du sang).La maladie ne se manifeste que chez les garçons.
Caractères acquis ou innés ?
De tous les caractères, particularités et anomalies qui s’expriment chez un individu, ceux qui sont héréditaires et ceux dus à l’environnement, aux conditions de vie, sont souvent difficiles à départager. En fait, aucun caractère ne serait totalement inné ou totalement acquis. Ils sont plus ou moins influencés d’un côté ou de l’autre, parfois par moitié. La longévité, l’âge de la puberté, bien qu’ils soient héréditaires, sont des particularités sur lesquelles les conditions de vie ont prise. Le groupe sanguin est en revanche un exemple de caractère essentiellement héréditaire. Il présente, par ailleurs, une particularité intéressante : les gènes des groupes A et B sont tous deux dominants. C’est pourquoi, s’ils se retrouvent allèles, ils exercent conjointement leur influence et Y individu naît porteur du groupe AB. Lorsqu’il s’agit de la couleur des yeux, des cheveux, l’hérédité n’a guère de conséquences sur la vie des individus. Mais les gènes ne transmettent pas seulement des caractères physiques, ils lèguent aussi des maladies. De même que les personnes aux yeux noirs peuvent transmettre le gène des yeux bleus, des personnes saines peuvent transmettre à leur enfant le gène d’une maladie héréditaire.
Deux porteurs sains engendreront un enfant malade dans un quart des cas et parmi les trois autres, un seul ne sera pas porteur de la maladie. Les deux autres, comme leurs parents, seront porteurs sains hétérozygotes.
Un doute, une consultation génétique
Si un couple envisage la naissance d’un enfant qu’il craint porteur d’une maladie héréditaire (parce qu’un cas est survenu dans la famille, notamment), une consultation en génétique peut être demandée.
Les techniques sont aujourd’hui suffisamment au point pour prévoir ce genre de mauvaise surprise et, parfois, y remédier. On procède pour ce faire à l’établissement d’un génotype à partir de cellules prélevées sur les deux partenaires. Les chromosomes portent des séquences répétitives que les chercheurs en génétique appellent des «marqueurs». Chez l’homme, ces séquences reviennent de façon régulière et il est possible de les identifier sur chaque chromosome. Les marqueurs sont également typiques selon les familles, ce qui facilite l’établissement des génotypes et rend possible l’attribution d’une maladie à un
gène donné.
Parmi les quelque3500 anomalies héréditaires connues, on peut citer le bec-de- lièvre, la fissure palatine (le palais n’est pas fermé), les enfants bleus (malformation cardiaque), le pied bot, la paraplégie spas- modique (atteinte du système nerveux), etc. La plus grave est sans doute le mongolisme, ou trisomie 21, qui est causé par un chromosome surnuméraire. Le matériel génétique pouvant être transféré d’une cellule à une autre, il serait possible de «guérir» une maladie héréditaire avant même qu’elle ne se profile dans le zygote. La technique d’avant-garde consiste à introduire des gènes sains dans les cellules germi¬nales (spermatozoïdes ou ovocyte) porteuses des gènes défectueux, et non plus seulement dans les cellules du soma, comme cela se fait déjà actuellement. Cette perspective est pleine d’espoir.
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