En fin avec le modèle occidental de forte consommation de protéines animales
Dans les pays occidentaux, les produits animaux ont pris une part très importante dans la satisfaction de nos besoins énergétiques. Pourtant, si l’on se réfère aux apports nutritionnels conseillés en protéines et en lipides saturés, leur contribution ne doit pas dépasser 25 % des besoins totaux (4-8% sous forme de produits laitiers, 10-20% sous forme de viandes diverses, œufs, charcuterie, poisson). L’importance économique et culturelle des productions animales peut difficilement s’expliquer par des arguments nutritionnels. Cependant, avec beaucoup de comportements alimentaire pour l’apport des protéines, de minéraux (calcium, fer) ou de vitamines (A, D, B12), dans la lD^ire où la consommation de produits végétaux ne permet pas de porter en quantité suffisante ces éléments, surtout si la part 4 étale de l’alimentation est peu abondante et de faible qualité.
En moyenne en France, et dans beaucoup de pays occidentaux notre consommation globale de viande (en dehors du poisson) est trop élevée selon les critères de la nutrition préventive. Aussi conviendrait-il de privilégier la qualité des produits plutôt que les aspects quantitatifs et d’en répercuter les conséquences sur les méthodes de production.
Une consommation de viande au-dessus des normes nutritionnelles (sauf lorsqu’elle est accompagnée de trop de graisses saturées) peut ne pas avoir de répercussions négatives bien nettes sur la santé (on ne connaît pas très bien les limites de cette sur consommation qui varient beaucoup d’un individu à l’autre). Cependant, notre modèle occidental de gros mangeurs de viandes n’est pas défendable à l’échelon mondial.
Puisque l’augmentation des apports de protéines animales n’est plus l’objectif prioritaire à atteindre en France comme dans bien des pays développés, il convient de mettre l’accent sur les caractéristiques organoleptiques des viandes, sur la qualité de leurs lipides, sur leur teneur en vitamines et sur leur bonne protection en antioxydants.
En fait, l’effet bénéfique des viandes ne peut se concevoir que dans le cadre d’un repas complexe en association avec les produits végétaux. Dans ce sens, il est clair que les produits transformés à base de viandes devraient être plus systématiquement complémen- tés par divers produits végétaux riches en micronutriments.
Mieux définir les qualités nutritionnelles des viandes
Le problème de la qualité des produits animaux doit être Perçu correctement à partir d’une vue globale de leur composition. À part le lait et certains produits laitiers, les produits animaux ont une composition énergétique binaire protéines-lipides et une bien moindre richesse en micronutriments antioxydants que les aliments d’origine végétale. En fonction des espèces, des races et des modes d’élevage, la teneur en graisses des produits carnés est très variable. La difficulté est de réduire éventuelLJ ment la part de lipides sans altérer les qualités organoleptiqUej à l’instar de la viande de dinde, voire de porc. Dans la chaîne alimentaire actuelle, la consommation de viandes contribue faiblement aux apports lipidiques totaux, et il y a bien d’autres sources de matières grasses dans les sauces, les produits trans- formés, mais aussi dans beaucoup de charcuteries et de produits laitiers.
La qualité des matières grasses des viandes en termes d’acides gras, de micronutriments antioxydants (vitamine E, caroténoïdes) est très variable, ce qui a des conséquences sur le plan organoleptique et sur leur valeur santé. Dans l’ensemble, les graisses animales ont pour inconvénient d’être très riches en acides gras saturés, mais il existe des possibilités d’augmenter significativement la teneur en acides gras polyinsaturés par une alimentation plus riche en herbe, ou en divers aliments riches en oméga-3. Le lin a ainsi été utilisé avec succès pour accroître la qualité des lipides de l’œuf.
La qualité des produits animaux a été peu étudiée sous l’angle de leur richesse en micronutriments d’origine végétale. L’impact de la qualité de l’alimentation végétale doit être perçu à deux niveaux. Comme pour l’homme, l’organisme animal est dépendant des facteurs de protection d’origine alimentaire. Il est clair que le bon état de santé des animaux d’élevage est un préalable indispensable à l’équilibre et à la qualité de la chaîne de production animale. La présence de micronutriments d’origine végétale dans les produits animaux (antioxydants, caroténoïdes, terpènes…) n’est sans doute pas une source très significative pour l’homme, mais elle participe directement à la qualité et à la protection des viandes ou des autres produits animaux. Parmi ces micronutriments, les caroténoïdes jouent un rôle majeur; responsables de la couleur du jaune d’œuf, du beurre ou de certaines graisses animales, ils gagnent évidemment à être mis en valeur comme traceurs d’une alimentation végétale de qualité. Il serait intéressant de montrer que le caractère athérogène des graisses animales peut être fortement atténué par la qualité de leurs acides gras et de leurs micronutriments et donc en amont des pâturages ou des autres plantes entrant dans la par la nourriture animale.
L’expertise scientifique sur la qualité nutritionnelle des andes en dehors des sentiers battus des caractéristiques physico-chimie est insuffisante pour décrire l’influence des modes d’élevage et d’alimentation et encore plus pour évaluer leur effet santé Ainsi, la qualité des viandes de volailles, de porc, de poissons ou celle des œufs en fonction de leur chaîne de production, est encore plutôt mal caractérisée. On a souvent sous-estimé l’influence bien réelle de la qualité de l’alimentation des animaux sur les qualités organoleptiques et nutritionnelles des viandes, ce qui devrait conduire à une remise en question de bien des modes d’élevage trop intensifs. Il faut mettre un frein aux dérives de la société de consommation et d’une agriculture productiviste qui délivre trop de produits animaux « bas de gamme » avec une qualité incertaine. Pour mettre sur le marché des produits à bas prix et dans une optique productiviste, on a produit de la viande à partir d’animaux trop jeunes et physiologiquement immatures. Il semble maintenant qu’un certain recul pousse à faire évoluer les méthodes d’élevage, d’abattage, des traitements de carcasse vers une amélioration nette de la qualité des produits finaux.
En termes de composition et de caractéristiques physico-chimie, la qualité des viandes n’est pas toujours facile à définir puisque les attentes du consommateur peuvent être très variables. Pour les nutritionnistes, l’important est que la consommation de viandes participe au bon fonctionnement de l’organisme. Cette exigence basique ne doit pas masquer l’insuffisance de nos connaissances sur les effets santé des viandes ou sur les facteurs de risque associés à leur consommation. Montrer que des viandes produites dans des conditions d’élevage excellentes, souvent les plus goûteuses, sont également les meilleures pour la santé serait très réconfortant pour tous (et réciproquement !).
Pour conclure, c’est en maîtrisant bien mieux les effets santé des produits animaux que l’on pourra le plus durablement organiser les filières viande. Les bienfaits des acides gras à longue chaîne des poissons ont fortement contribué au développement leur consommation. Dans ce sens, il est regrettable que la chair des poissons d’élevage ait perdu une grande partie des
qualités nutritionnelles développées par les espèces sauvages (J qui pourrait à l’avenir contribuer à dévaloriser leur image santé Mais cette évolution n’est pas une fatalité, et la pisciculture J sans doute un grand avenir pour préserver les ressources nés (à condition que les poissons d’élevage ne soient pas nourri principalement avec les produits de la pêche).
La viande occupe une place de choix dans notre alimentation et elle constitue le plus souvent l’élément le plus structurant de nos repas. Néanmoins ce rôle ne doit pas conduire à marginaliser ou à rendre secondaires les autres aliments du plat de viandes, notamment les légumes et les fruits. En termes concrets, le morceau de viande dans l’assiette doit laisser largement la place à son accompagnement végétal, et on n’expliquera jamais assez à quel point les produits animaux et végétaux sont complémentaires. Les conseils de modération concernant les viandes, œufs et charcuteries se justifient face à des consommations superflues ou excessives bien fréquentes. Néanmoins, ils doivent être relayés par d’autres messages nutritionnels. Cependant, la promotion des fruits et légumes est souvent ressentie, à tort, comme un encouragement à consommer beaucoup moins de produits animaux. La nécessité de substituer ces produits végétaux à divers produits transformés de faible valeur nutritionnelle est malheureusement moins bien perçue par les consomnpateurs.
Par ailleurs, la viande est un terme générique qui regroupe un très grand nombre de produits (transformés ou non), et il faut donc ajuster les recommandations nutritionnelles en fonction de chaque produit, en évitant les généralisations. C’est ainsi qu’il est abusif de généraliser les problèmes rencontrés sur un type de viandes ou de produits (charcuterie par exemple) à l’ensemble des produits camés.
La viande demeure un aliment fortement attractif en raison de ses caractéristiques sensorielles spécifiques que les filières de production devraient s’efforcer de conserver ou d’améliorer. Au niveau sociétal, il semble important que la consommation de viande se stabilise autour d’un équilibre subtil basé sur le bien- être et les attentes du consommateur, le développement d’une agriculture durable et un souci légitime de santé publique. Par ailleurs la filière viande ne pourra échapper au respect d’une cer
éthique concernant le bien-être animal, le respect de l’environnement et une gestion équilibrée des ressources alimentaires 3 l’échelon mondial.
L’essor des produits laitiers
Parce que le lait se prête à un très grand nombre de transformations et de fractionnements, la filière laitière est en plein essor Bénéficiant de recommandations nutritionnelles très fortes (un produit laitier à chaque repas), de produits adaptés à la vie moderne, les produits laitiers font l’objet chez certains nutritionnistes et consommateurs d’un zèle diététique exagéré, alors qu’a l’opposé une frange encore restreinte du corps médical les soupçonne de tous les maux. Évidemment cette « diabolisation » n’est pas plus recevable que la pression diététique orchestrée par le lobby laitier ou les marchands de yaourts. Cependant il est possible que certains sujets gagnent à réduire fortement leur consommation de produits laitiers, qui ne sont pas nécessairement des aliments adaptés à l’ensemble des individus ou des populations.
L’image santé des produits laitiers est particulièrement mise en avant par les industriels du secteur agroalimentaire qui s’en approprient la paternité. Ce raccourci est saisissant, et il est nécessaire de le situer dans la chaîne de production laitière. Cette dernière est devenue très intensive avec des summums de rendement par vache proches de 10 000 litres de lait par an. Une telle production nécessite un apport important de céréales, de légumineuses riches en protéines, de minéraux, souvent d’ensilage de maïs, et les vaches sont loin de disposer d’un plein de phytomicronutriments et d’acides gras essentiels tels qu’elles pourraient en bénéficier avec certains pâturages ou fourrages. Comme pour les viandes, il existe une continuité, une logique dans l’élaboration de la qualité ; sans une alimentation végétale de qualité en amont, il est vain d’espérer obtenir de bons produits animaux. Or il existe une pression de plus en plus forte Pour faire baisser le prix du lait qui est pourtant plus difficile à produire que l’eau minérale, et cela ne favorise pas la recherche de la qualité.
L’industriel au milieu de cette chaîne est garant de la salrité microbiologique, de la qualité des fermentations, des état de fractionnement ou de quelques restitutions de vitamines per l dues. Il ne peut transcender une matière première de faible qualité en un produit extra sous tous les angles ; en matière d’alimentation, la magie concerne, à la rigueur, nos représenté mentales et non les qualités intrinsèques d’un produit Dans ces conditions, il semble donc qu’il y ait une survalorisation nutritionnelle des produits laitiers issus d’une chaîne de production trop intensive pour être d’une qualité optimale. Parce que l’industrie laitière a une forte capacité à standardise« les produits, l’importance de la qualité de la matière première récoltée à la ferme a sans doute été sous-estimée. I
Pourtant, beaucoup de travaux ont été effectués pour décrire ^ l’influence des facteurs alimentaires, des races et des méthodes d’élevage sur la qualité du lait. Comme pour les viandes, les paramètres nutritionnels à améliorer concernent principalement la qualité des matières grasses et la teneur en micronutriments. Les connaissances sur ces composés, qu’il s’agisse d’acides gras parti- j culiers (acide linoléique conjugué) ou des micronutriments, sont encore insuffisantes. Une analyse très fine de la composition du lait est donc indispensable pour objectiver les différences de qualité des produits laitiers et des fromages, et pour garantir/ la qualité d’une filière de production.
L’encouragement à consommer le plus fréquemment possible des produits laitiers se heurte à la problématique de la richesse en matières grasses du lait, notamment en acides gras saturés, lorsqu’elle n’est pas tempérée par une teneur suffisante en acides gras polyinsaturés ou en acides gras spéciaux (dits conjugués) formés par la flore du rumen ou la glande mammaire.
Le fait que les matières grasses du lait soient trop saturées est un inconvénient nutritionnel reconnu qui justifie l’écrémage de nombreux produits laitiers. Cependant au cours de cette étape, les vitamines liposolubles sont perdues et parfois réintroduites pour retrouver les teneurs initiales. De gros espoirs sont portés par la filière autour des acides linoléiques conjugués dont la teneur dans le lait dépend de l’alimentation des vaches. Il semble bien que les effets bénéfiques de ces acides gras soient à librer les matières grasses du lait serait certainement de les substituer partiellement ou totalement par des lipides d’origine végétale, équilibrés en oméga-3 par exemple. La technologie permet également de modifier les matières grasses du lait mais, compte tenu du défaut intrinsèque de la matière première, les ajustements n’ont pas une grande portée au niveau de la santé publique.
Il est intéressant de faire quelques commentaires sur des produits de consommation courante. Le développement de produits frais fermentés de type yaourt peut être perçu comme une réussite commerciale et nutritionnelle. La fermentation du lait réduit légèrement l’apport de lactose mais surtout favorise la tolérance digestive des adultes à ce sucre par l’apport d’une activité lactasique d’origine bactérienne. Cependant on peut observer des dérives dans la composition de ces produits avec l’utilisation de sucre, d’arômes, l’incorporation de fruits en bien trop faible quantité. Avec ces produits, le consommateur peut avoir l’impression de consommer des fruits, et la forte aromatisation induit certainement une déformation dans le goût et le comportement alimentaire des enfants, voire des adultes.
Les produits fermentés, source de bactéries susceptibles de rester vivantes dans l’intestin, font l’objet d’allégations très positives avec des bases scientifiques bien faibles ; il est dommage que l’on ne s’intéresse à la flore digestive qu’à propos de ces aliments qui sont loin d’être les plus déterminants pour la physiologie intestinale.
La qualité du beurre reflète évidemment celle du lait, et il n’est pas étonnant qu’elle soit moyenne à certaines périodes de 1 année, avec une consistance dure et une très faible teneur en caroténoïdes. En France, la diversité et la qualité de nos fromages forcent à juste titre l’admiration. Leur richesse en acides gras saturés pose toutefois un problème de santé chez les grands consommateurs de ces produits. Parmi les mauvaises pratiques ^inventaires, la teneur excessive en sel de certains fromages est à dénoncer. En plus de ses effets négatifs sur la pression artérielle,le sel induit une perte urinaire de calcium, ce qui va à l’enco des effets recherchés avec les produits laitiers.
Il n’est pas possible de parler des produits laitiers sans que leur rôle dans l’apport de calcium, ce qui constitue le f de lance de la filière. Il faut cependant souligner que l’apport i calcium n’est pas le seul facteur limitant pour la prévention dj l’ostéoporose, et que le discours associant étroitement produit* laitiers et prévention de l’ostéoporose est réducteur et bien dogl matique. De même, le fait de présenter les produits laitiers comme des aliments efficaces pour la prévention du risque l’hvpercholestérolémique, par l’addition de phytostérol, procède! d’une démarche marketing bien éloignée d’un esprit de nutrition préventive.
Finalement il est souhaitable que la filière laitière joue un juste rôle dans le développement d’une bonne nutrition, ce qui nécessite de faire des ajustements au niveau des produits proposés et du discours nutritionnel. On peut aussi émettre le vœu que cette filière prenne les mesures nécessaires pour préserver la typicité des fromages ou des laits et résiste aux sirènes de la standardisation industrielle.
Vidéo : En fin avec le modèle occidental de forte consommation de protéines animales
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