Des minéraux pour accompagner l'énergie
S’il suffisait d’apporter de l’énergie en proportion équilibrée pour résoudre les problèmes nutritionnels, la problématique de l’alimentation humaine serait fort simple. Or la fraction non énergétique des aliments, et en particulier l’apport des minéraux, joue un rôle fondamental dans les équilibres physiologiques et le maintien de la santé. Théoriquement, il serait possible d’ajuster la composition des aliments en minéraux pour obtenir les apports souhaités, d’ailleurs cette approche est couramment utilisée en nutrition animale.
En alimentation humaine, la gestion des apports en minéraux est plus difficile à maîtriser. En effet, une utilisation élevée de matières grasses et de glucides purifiés diminue fortement la densité nutritionnelle des régimes en minéraux. Quelques aliments particuliers sont supplémentés en minéraux, c’est le cas des farines pour bébés, de quelques boissons ou produits laitiers. Cependant l’enrichissement de quelques aliments ne permet pas de pallier les conséquences négatives de l’abondance des calories vides. Cette situation ne se traduit pas nécessairement par des carences fortes et facilement décelables en minéraux ; toutefois l’organisme est contraint à s’adapter à ce manque, ce qui le fragilise et le rend plus sensible à certaines pathologies en amoindrissant ses défenses immunitaires.
Sur le plan de la vulgarisation, l’attention du public est attirée sur le déficit en certains minéraux pour favoriser la consommation des aliments qui en sont riches. Ainsi, il existe un discours très incitatif pour la consommation des produits laitiers en vue de satisfaire les besoins en calcium ou pour la consommation de viandes en vue d’apporter du fer très disponible. D’autres minéraux moins identifiés à des aliments particuliers ne bénéficient pas du même soutien diététique. En fait, cette approche centrée sur un minéral particulier est insuffisante puisqu’il est nécessaire de couvrir au mieux les besoins d’un ensemble de minéraux par la diversité alimentaire. Une des premières conditions pour assurer un bon statut en minéraux
est aussi d’éviter de les perdre au cours des transformations alimentaires.
Pour une majorité de minéraux, les apports sont plutôt insuffisants par rapport à l’abondance énergétique des régimes à l’exception de deux minéraux qui se révèlent souvent en excès dans l’alimentation humaine, il s’agit du phosphore très abondant dans les viandes, les poissons et les produits céréaliers, et du sodium apporté par le sel.
Les pièges du sel
Un des progrès majeurs de la nutrition minérale serait de mieux assurer l’équilibre des deux minéraux essentiels à l’organisme : le sodium présent dans le sang et le secteur extracellulaire, et le potassium concentré dans les cellules. Pour bien fonctionner, l’organisme aurait besoin d’un apport plus élevé de potassium que de sodium ; le non-respect de cette règle a des conséquences considérables sur la prévalence de l’hypertension et des maladies cardio-vasculaires dans le monde.
Le geste du médecin qui place son stéthoscope sous un brassard gonflable pour mesurer notre tension nous est familier. Les deux chiffres qu’il nous annonce sont ceux de la pression artérielle. Le rôle de cette dernière est de maintenir un débit sanguin adéquat garant de la bonne oxygénation des organes et des tissus. La pression artérielle oscille au rythme de la pulsation cardiaque entre une valeur minimale, diastolique qui correspond à la relaxation du cœur, et une valeur maximale, systolique correspondant à la contraction cardiaque. Ces valeurs ne sont pas constantes, elles fluctuent continuellement au cours de la journée autour d’une valeur moyenne, pour permettre à l’organisme de s’adapter aux circonstances de la vie quotidienne (exercice physique, stress, sommeil…).
Néanmoins, pour un individu donné, les deux valeurs au repos de la pression artérielle, mesurées à chaque visite médicale, sont relativement constantes. Dans la population générale, ces valeurs se distribuent selon une courbe en cloche. Les études épi- démiologiques révèlent clairement que plus la pression artérielle est élevée (systolique ou diastolique), plus le risque est grand de développer des maladies cardio-vasculaires comme l’infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux.
L’hypertension peut être largement prévenue par un mode de vie sain avec de bonnes habitudes alimentaires et la pratique d’un exercice physique suffisant. Les principaux facteurs alimentaires responsables de l’hypertension sont : une consommation excessive de chlorure de sodium (sel de table), un apport insuffisant de potassium et de fruits et légumes, une consommation excessive d’alcool. Au contraire, contrôler son poids, faire de l’exercice physique et consommer en abondance des produits végétaux complexes, manger peu salé sont parmi les moyens les plus sûrs pour prévenir l’hypertension ou en retarder son apparition chez les sujets à risque.
Un très grand nombre d’enquêtes épidémiologiques ont permis de montrer que l’excès de sel et le relatif déficit des aliments en potassium avaient une influence déterminante dans le développement de l’hypertension. L’origine d’un tel phénomène est à rechercher dans l’histoire de l’humanité. Les primates comme les autres mammifères ont évolué pendant plusieurs dizaines de millions d’années dans un environnement particulièrement pauvre en sel. C’est seulement depuis dix mille ans environ que l’habitude d’ajouter de grandes quantités de sel dans la nourriture s’est répandue dans l’espèce humaine. Cette habitude a été adoptée au commencement de l’agriculture et de l’élevage avec la nécessité de conserver la nourriture pendant de longues périodes. De nos jours, la consommation individuelle moyenne de sel dans les pays industrialisés est d’environ 10 g par jour et celle de potassium d’environ 3 g. On estime que la consommation de sel chez les chasseurs-cueilleurs était inférieure à 1 g et celle du potassium supérieure à 10 g. Ainsi, le rapport de ces deux minéraux a complètement changé en faveur du sodium.
En parallèle de ces changements alimentaires, nos gènes n’ont pas beaucoup évolué depuis dix mille ans. Notre patrimoine génétique est encore adapté aux apports bas en sodium et élevés en potassium qui ont prévalu pendant les dizaines de millions d’années devolution des mammifères. Durant cette immense période, les espèces y compris l’espèce humaine ont accumulé des mutations et des polymorphismes génétiques leur
permettant de survivre avec un régime pauvre en sodium et riche en potassium. Les organismes ont acquis ainsi une capacité étonnante de conservation du sodium afín de lutter contre les fuites possibles par les voies urinaire, sudorale et digestive. Cette inadéquation entre nos gènes et notre alimentation actuelle expliquerait l’impact des régimes riches en sodium et pauvres en potassium dans la survenue de l’hypertension et des maladies cardiovasculaires associées.
La relation entre l’apport journalier en sel et la pression artérielle a pu être mise en évidence par l’absence quasi complète d’hypertension chez les populations qui absorbent moins de 3 g de sel par jour et par personne, et par la forte incidence de l’hypertension chez les populations qui en consomment plus de 20 g. L’exemple du Japon est très instructif; entre 1950 et 1960, la prévalence des hémorragies cérébrales avait une distribution régionale qui corrélait remarquablement à la fois l’apport alimentaire de sel et la fréquence de l’hypertension. À partir d’un nombre important d’études portant sur une grande diversité de populations, il a pu être montré que la pression artérielle était bien corrélée à l’apport de sel. Le niveau de consommation de sel est donc essentiel pour prédire le risque d’hypertension au sein d’une population, mais, cependant, tous les sujets n’y sont pas également sensibles.
Puisqu’il existe une relation entre le développement de l’hypertension et les risques cardio-vasculaires comme l’infarctus du myocarde ou l’accident vasculaire cérébral, la réduction du sel à l’échelon d’une population est une des mesures qui peuvent contribuer à diminuer l’incidence de ces pathologies. De plus, il apparaît que les personnes en surpoids ou obèses sont beaucoup plus sensibles à l’apport de sel que les personnes ayant un poids corporel normal. Les bénéfices en termes de pression artérielle et de fréquence des accidents cardio-vasculaires induits par une diminution du sel ingéré peuvent s’additionner aux effets bénéfiques de la diminution du poids corporel confirmant ainsi la nature multifactorielle du déterminisme de ces pathologies. La réduction des apports de sel aurait plusieurs autres effets bénéfiques sur le système cardio-vasculaire qui semblent indépendants du niveau de pression artérielle.
Bien que la réduction des apports de sel constitue un facteur important, voire déterminant pour la prévention des maladies cardio-vasculaires et également de l’ostéoporose (le sel accroît les pertes de calcium urinaire), la décision d’œuvrer clairement dans ce sens ne fait pas toujours consensus. Pour justifier cette réticence, le secteur de production alimentaire s’appuie sur le fait que la nocivité du sodium n’est pas la même chez tous les sujets. La nutrition préventive s’attache au contraire à mettre à la disposition de l’organisme des apports alimentaires optimaux pour faciliter le fonctionnement de l’organisme, et cela est la seule méthode rigoureuse et efficace pour une bonne gestion de la santé.
En pratique, il est important de réduire en particulier le sel caché des aliments, celui du pain, des fromages, des conserves, de nombreux produits transformés. Il faut noter que la recherche du goût salé dépend du niveau d’apport quotidien en sel, c’est pourquoi il est possible dans ces conditions de se déshabituer progressivement et très fortement du sel. De plus, il serait judicieux que le consommateur puisse utiliser le sel à bon escient en association avec les autres condiments. À cette fin, la richesse en sel dans les aliments transformés devrait être plus clairement indiquée et surtout réduite au maximum.
Cependant, pour obtenir la meilleure efficacité préventive, la baisse de consommation du sel ne suffit pas si elle n’est pas accompagnée d’une augmentation des apports en potassium. Cet élément, très abondant dans les cellules, en permanence échangé avec du sodium pour rester dans le contenu cellulaire, est un véritable antidote au sodium. La participation du potassium à la prévention de l’hypertension et des maladies cardio-vasculaires peut sembler plus indirecte que celle du sodium. Pourtant, augmenter l’apport en potassium permet non seulement de réduire la pression artérielle, mais aussi le besoin de médicaments anti- hypertenseurs. Il est probable que l’effet hypotenseur des régimes riches en fruits et légumes résulte pour une bonne part de leur richesse en potassium.
Le potassium présent dans les produits végétaux tels que les fruits, les légumes et les pommes de terre se trouve essentiellement sous forme de sels de citrate, malate ou d’autres acides
organiques et non de chlorure de potassium. Ces sels naturels de potassium présentent l’avantage detre des éléments alcalinisants (ils sont transformés en équivalents bicarbonate dans l’organisme) qui ont pour effet de réduire les pertes urinaires de calcium, en particulier celles qui sont induites par les apports excessifs de chlorure de sodium et de protéines. Longtemps, le potassium alimentaire, largement éliminé dans les urines, a été considéré comme un élément en excès. Cela est surprenant puisqu’il est certain que les organismes ont été adaptés à des apports de potassium élevés et de sodium faibles. L’effet bénéfique d’un apport élevé en potassium sur la morbidité et la mortalité cardio-vasculaire a d’ailleurs pu être confirmé par plusieurs grandes études épidémiologiques. Paradoxalement ce minéral ne bénéficie pas d’apports nutritionnels conseillés au même titre que tous les autres éléments. Or notre organisme a sans doute besoin d’une abondance de potassium pour bien fonctionner, pour que les cellules fassent le plus facilement possible le plein de ce minéral, ce qui a certainement de nombreux impacts cellulaires favorables telle la sensibilité des tissus à l’insuline.
Dans les pays industrialisés, le régime alimentaire est caractérisé par de faibles apports de potassium (de l’ordre de 2 à 3 g par jour). Il est fort probable que les résultats d’enquêtes épidémiologiques sur les effets délétères du sodium auraient été encore plus nets si on avait considéré la valeur du rapport potassium/sodium. On pense que le potassium permettrait d’augmenter l’excrétion rénale de sodium et réduirait celle du calcium et du magnésium, deux minéraux également favorables au maintien de la tension artérielle.
Le discours sur la prévention de l’hypertension ne doit pas être limité à la seule réduction du sodium, et il faudrait mettre plutôt l’accent sur l’équilibre du rapport potassium/sodium. Pour être vraiment efficace en matière de conseils diététiques, il est intéressant de souligner l’intérêt des bonnes associations alimentaires. On peut recommander ainsi de toujours associer à un aliment salé un produit riche en potassium. Par exemple : du jambon avec du melon, des charcuteries avec des pommes de terre ou des légumes secs, du fromage avec de la salade ou des pommes de terre, des viandes avec des légumes, etc. À l’inverse, il est peu judicieux d’associer deux produits salés ou pauvres en potassium : pain-fromage, pain-charcuterie, pâtes-fromage sans y ajouter un produit végétal complexe naturellement riche en potassium. Ces conseils diététiques sont bien sûr à apprécier également à l’échelon d’un repas entier. Ils constituent une méthode didactique simple et efficace pour lutter contre l’hypertension. La maîtrise du rapport potassium/sodium constitue une bonne stratégie à la fois pour guider les comportements alimentaires individuels et améliorer sensiblement l’état de santé des populations.
Calcium et société de consommation
Avec le vieillissement de la population, l’ostéoporose est devenue une maladie grave, très répandue. La déminéralisation osseuse, de l’ordre de 30 à 40 % à l’âge de quatre-vingts ans chez beaucoup de femmes, provoque des tassements vertébraux ou est à l’origine de fractures osseuses (col du fémur, poignet) avec des séquelles graves ou invalidantes.
C’est pourquoi le calcium est doté d’un statut particulier en tant qu’élément majeur du squelette qui en accumule environ un kilo. L’os est un tissu vivant, siège d’un perpétuel remaniement osseux par le biais de deux types cellulaires, les ostéoblastes pour la fixation du calcium et les ostéoclastes pour sa libération.
Le rôle des facteurs impliqués dans l’acquisition d’un maximum de masse osseuse autour de vingt-cinq ans a été très bien étudié. L’apport calcique doit être suffisant, mais il faut que son absorption digestive et sa fixation dans l’os soient favorisées par la vitamine D. L’exercice physique ainsi qu’une alimentation équilibrée en énergie et en protéines sont aussi des éléments importants pour assurer une bonne croissance et une bonne minéralisation osseuses. En faisant l’hypothèse qu’il faut vingt ans pour stocker un kilo de calcium osseux, il suffit d’en fixer environ 140 mg par jour pour aboutir à ce capital osseux. Cela signifie que l’ordre de grandeur du calcium stocké par rapport à celui qui est ingéré varie sans doute de 15 à 30 % selon que l’apport alimentaire est voisin de 1 g ou 0,5 g. En période de croissance, l’intestin a la capacité d’absorber très activement le calcium alimentaire. Il est clair qu’une alimentation complexe et
l’équilibre acido- basique de l’alimentation et de l’apport en sodium et potassium. Ces pertes sont accrues par une consommation très élevée de sel ou de protéines, et on comprend ainsi que les habitudes alimentaires des pays occidentaux sont peu favorables à la prévention de l’ostéoporose malgré les apports très élevés de produits laitiers.
Dans la pratique, la nature des régimes alimentaires est plus ou moins favorable au maintien de l’équilibre acido- basique. Il existe en effet des régimes relativement acidifiants abondants en viandes ou fromages salés ou plutôt alcalinisants du fait de leur richesse en fruits, légumes ou pommes de terre. Tous ces produits végétaux contiennent des acides organiques de potassium métabolisés en équivalent bicarbonate de potassium. Ainsi, les sulfates générés par le métabolisme des acides aminés soufrés des protéines peuvent être neutralisés par les sels organiques de potassium d’origine végétale. Sans un équilibre suffisant, entre viandes et fruits et légumes, le métabolisme osseux délivre du calcium pour assurer l’équilibre acido-basique. Il n’existe certainement pas de consommateur qui ait échappé au message calcium-produits laitiers, par contre, la plupart ignorent l’importance de bien associer la consommation de produits animaux et végétaux pour assurer la conservation du calcium. Pourtant l’intérêt de la consommation de fruits et de légumes afin de maintenir la minéralisation osseuse a pu être mis en évidence dans des enquêtes épidémiologiques récentes. Ces produits végétaux pourraient agir par leurs effets alcalinisants mais aussi par l’apport de micronutriments favorables au métabolisme osseux.
Le fait de réduire la prévention de l’ostéoporose à l’apport de calcium laitier, au moins dans la vulgarisation la plus courante, est caricatural d’un esprit réducteur et du peu d’efficacité des politiques de prévention nutritionnelle.
Sur le plan physiologique, la recommandation d’élever les apports en calcium sans faire attention aux pertes (qui sont principalement urinaires) équivaut à augmenter le débit d’apport d’eau dans un bassin qui fuit sans se préoccuper nullement de la fuite. Or le niveau des pertes de calcium urinaires chez l’homme est fortement dépendant de
équilibrée, comportant un apport suffisant de produits laitiers ou d’autres sources de calcium (légumes, eaux minérales), est nécessaire à la formation osseuse. Dans la mesure où tout le calcium n’est pas entièrement digestible, qu’il existe également des pertes urinaires, que certaines formes de calcium dans quelques produits végétaux sont peu assimilables, il est prudent de recommander une consommation suffisamment généreuse de calcium, largement supérieure à 500 mg par jour (les ANC actuels chez les adolescents sont de 1 200 mg par jour, ce qui donne une marge de sécurité considérable). On peut comprendre que le rôle des produits laitiers dans les pays occidentaux ait pu être mis en avant pour disposer d’une large disponibilité en calcium. Il faut reconnaître aussi que bien des peuples ne bénéficient pas de ces aliments sans que cela altère la formation de leur squelette.
Il est par contre surprenant que les recommandations concernant les apports calciques demeurent très élevées chez les adultes (900 mg par jour). À partir de l’âge de trente ans, le réservoir en calcium se vide inexorablement pour atteindre une valeur critique en deçà de laquelle les risques de tassements vertébraux ou de fractures osseuses sont accrus. Durant cette deuxième partie descendante de la vie, l’organisme n’a plus la possibilité d’assurer une fixation nette du calcium ingéré. La possibilité de réduire les pertes osseuses de calcium par un apport élevé de calcium alimentaire est très limitée. D’ailleurs, au niveau mondial, on observe la plus grande prévalence de l’ostéoporose dans les pays occidentaux qui ingèrent pourtant les plus fortes quantités de calcium et de produits laitiers. Il est évident que d’autres facteurs nutritionnels et environnementaux sont à prendre en considération dans la prévention de l’ostéoporose. Pourtant, le discours nutritionnel dominant incite à une consommation le plus élevée possible de produits laitiers. Cette attitude est exemplaire d’une société de consommation où il est important de consommer abondamment sans nécessité avérée alors qu’il serait aussi raisonnable d’éviter certaines pertes.
l’équilibre acido- basique de l’alimentation et de l’apport en sodium et potassium. Ces pertes sont accrues par une consommation très élevée de sel ou de protéines, et on comprend ainsi que les habitudes alimentaires des pays occidentaux sont peu favorables à la prévention de l’ostéoporose malgré les apports très élevés de produits laitiers.
Dans la pratique, la nature des régimes alimentaires est plus ou moins favorable au maintien de l’équilibre acido- basique. Il existe en effet des régimes relativement acidifiants abondants en viandes ou fromages salés ou plutôt alcalinisants du fait de leur richesse en fruits, légumes ou pommes de terre. Tous ces produits végétaux contiennent des acides organiques de potassium métabolisés en équivalent bicarbonate de potassium. Ainsi, les sulfates générés par le métabolisme des acides aminés soufrés des protéines peuvent être neutralisés par les sels organiques de potassium d’origine végétale. Sans un équilibre suffisant, entre viandes et fruits et légumes, le métabolisme osseux délivre du calcium pour assurer l’équilibre acido-basique. Il n’existe certainement pas de consommateur qui ait échappé au message calcium-produits laitiers, par contre, la plupart ignorent l’importance de bien associer la consommation de produits animaux et végétaux pour assurer la conservation du calcium. Pourtant l’intérêt de la consommation de fruits et de légumes afin de maintenir la minéralisation osseuse a pu être mis en évidence dans des enquêtes épidémiologiques récentes. Ces produits végétaux pourraient agir par leurs effets alcalinisants mais aussi par l’apport de micronutriments favorables au métabolisme osseux.
Le fait de réduire la prévention de l’ostéoporose à l’apport de calcium laitier, au moins dans la vulgarisation la plus courante, est caricatural d’un esprit réducteur et du peu d’efficacité des politiques de prévention nutritionnelle.
Apport d’énergie et densité minérale, le juste équilibre
La présence de minéraux est nécessaire à l’entretien de la vie cellulaire végétale ou animale. L’organisme humain trouve aisément les minéraux dont il a besoin dans les aliments naturels. Cependant, plusieurs facteurs contribuent à rendre difficile une bonne nutrition minérale. L’intensification des productions agricoles, en augmentant les rendements, peut se traduire par une baisse sensible de la teneur en minéraux des produits surtout si les sols sont épuisés en matières organiques. Le facteur le plus fortement responsable de la déminéralisation de l’alimentation humaine provient en fait des transformations alimentaires. En extrayant avidement l’énergie des aliments, en produisant du sucre, de l’amidon, des matières grasses, en raffinant très fortement les céréales, l’homme dispose d’une alimentation appauvrie en minéraux, ce qui est paradoxal dans un contexte d’abondance alimentaire. La différence de densité minérale entre les divers ingrédients ou aliments est considérable surtout lorsque l’on exprime les teneurs en minéraux en fonction des apports caloriques ou de la matière sèche. Une farine blanche ne contient que 0,6 % de minéraux (par rapport à la matière sèche) contre 2 % dans une farine complète, 3 % dans les fruits et les légumes secs et 6-10 % dans les autres légumes. Les apports en minéraux des légumes sont donc en moyenne dix à vingt fois plus élevés que ceux des farines blanches. Chaque fois qu’une mère de famille prépare généreusement un gâteau riche en sucre, en matières grasses et en farine blanche, elle ignore sans doute à quel point cet aliment est pauvre en minéraux. Si, en plus, le dessert est accompagné de boissons sucrées ou d’alcool, les déséquilibres entre les apports de minéraux et d’énergie deviennent très élevés.
Par ailleurs, la teneur des divers minéraux majeurs (potassium, magnésium, calcium) et des oligo-éléments (fer, zinc, cuivre, manganèse, sélénium, molybdène, cobalt, chrome, iode, fluor) présents en quantité beaucoup plus faible diffère selon la nature des aliments, et seul un apport alimentaire bien diversifié permet d’assurer une nutrition minérale d’excellente qualité. Les produits animaux, viandes, œufs, produits laitiers, poissons, produits de la mer ont souvent une composition complémentaire de celle des produits végétaux. Cependant, le monde végétal est en soi suffisant pour couvrir tous les besoins en minéraux dont la biodisponibilité n’est pas toujours complète parce qu’ils peuvent être liés à des éléments qui empêchent leur absorption intestinale. Néanmoins, ces problèmes de biodisponibilité ont souvent été fortement surévalués pour justifier la consommation de produits animaux. Curieusement, les risques liés à l’utilisation de calories vides sont par contre bien plus ignorés.
Le savoir fer des végétaux
La carence en fer est souvent redoutée parce quelle est à l’origine, à un stade avancé, d’une anémie invalidante. Par ailleurs, à côté des anémies ferriprives avérées (avec réduction du taux de l’hémoglobine), il existe souvent des carences modérées en fer dont on connaît encore mal les conséquences sur l’état de santé. La carence en fer est particulièrement fréquente dans certaines tranches de la population comme les étudiantes (elle pourrait toucher environ 15 % de ces jeunes filles) qui, à l’évidence, se nourrissent mal. Les spécialistes estiment que ce mauvais statut en fer induit une baisse de la forme et aussi des performances intellectuelles.
À l’opposé, dans certaines maladies génétiques telles que l’hémochromatose ou même au cours du vieillissement chez certaines personnes souvent en surcharge pondérale, le fer s’accumule et peut exercer des effets délétères en particulier par ses propriétés pro-oxydantes génératrices de radicaux libres. Cet élément est donc loin d’être neutre.
En fait, le métabolisme de ce minéral est fort bien régulé compte tenu de son caractère indispensable mais aussi des risques biologiques liés à ses propriétés. L’originalité du métabolisme du fer tient au fait qu’il s’effectue quasiment en circuit fermé. Son pool dans l’organisme est de l’ordre de 2 à 4 g, et il suffit que l’intestin en absorbe 1 mg par jour pour compenser les pertes qui sont du même ordre de grandeur. Les femmes sont plus sujettes au risque de carences en fer
selon l’importance de leurs pertes menstruelles ; en conséquence chez elles, l’absorption intestinale de cet élément est souvent accrue, de 50 à 100 %, pour atteindre 1,5 à 2 mg par jour. Dans la majorité des cas,
l’absorption intestinale est bien régulée, proportionnelle aux pertes ou aux besoins nouveaux (grossesse), mais les régulations ne sont pas toujours parfaites vu la fréquence élevée des anémies ferriprives.
Le discours habituel sur la couverture des besoins en fer est exemplaire d’une vision réductrice de la problématique fer et santé puisqu’il ne met l’accent que sur la faible biodisponibilité du fer végétal en comparaison du fer héminique des viandes (celui des pigments rouges du sang et de la viande). Dans une alimentation naturelle équilibrée, constituée d’un mélange de produits animaux (viande, charcuterie, poisson, œuf) et de produits végétaux complexes (céréales complètes, légumes secs, tubercules, fruits et légumes), les apports de fer sont particulièrement élevés de l’ordre de 20 à 30 mg par jour, soit vingt à trente fois plus que l’absorption nette intestinale. Ainsi, il n’est pas étonnant que le coefficient d’absorption digestive de cet élément soit très faible, c’est une adaptation de l’organisme pour prévenir les risques de toxicité du fer absorbé en excès. Il n’y a pas lieu de s’en lamenter ! L’apport alimentaire en fer héminique, celui des abats ou des viandes rouges, représente en moyenne 1 à 2 mg par jour, et l’absorption intestinale de ce type de fer est particulièrement forte, de l’ordre de 25 %. Le revers de la médaille provient du fait qu’une ingestion trop élevée de fer héminique peut contribuer à favoriser la surcharge en fer. Par ailleurs, la disponibilité du fer non héminique peut être modulée par divers facteurs qui favorisent sa solubilité (acides organiques des fruits et légumes) ou qui la gênent (polyphénols, acide phy- tique). De plus, divers facteurs nutritionnels liés à la complexité du repas (vitamine C, viandes, poissons) peuvent également jouer un rôle favorable pour l’absorption du fer.
Une nourriture équilibrée plutôt riche en produits végétaux complexes et comprenant un apport modéré de viandes semble la meilleure situation alimentaire pour disposer d’un bon statut en fer, cependant l’apport de viandes n’est pas en soi indispensable. Pourtant le public continue d’avoir une vision plutôt déformée des besoins en fer. Par exemple, dans le discours nutritionnel classique, le fer végétal est quasi systématiquement dévalorisé au profit du fer héminique, et les régimes végétariens sont associés à
des situations à risque, alors que c’est l’abondance des ingrédients purifiés qui crée des risques de carences.
Les pertes de densité nutritionnelle de nombreux aliments sont aggravées par la diminution des quantités ingérées, en particulier chez la femme. Si la consommation alimentaire est faible et si les aliments sont plutôt pauvres en fer, il y a bien sûr un risque de carences. La meilleure façon pour une femme de se carencer est de disposer d’une nourriture monotone à base de céréales raffinées, de produits laitiers, de yaourts ou de produits sucrés. À l’inverse, les produits végétaux complexes, en particulier les fruits et les légumes riches en vitamines C (et en acides organiques), constituent une garantie remarquable de lutter contre de nombreuses carences, y compris la carence en fer. Lorsqu’il y a risque d’anémie, une consommation plus fréquente de viandes rouges, d’abats, de boudin avec un accompagnement de lentilles, de légumes, de fruits s’impose de même que la réduction du grignotage de produits sucrés et autres calories vides.
Les risques de la monotonie alimentaire
Lorsque des modes alimentaires monotones, riches en produits de faible densité minérale sont bien installés, un mauvais statut nutritionnel se développe, peu favorable à un bon état de forme et de santé. Il existe ainsi une frange importante de la population qui présente des carences en de nombreux minéraux. La tentation est grande dans ces conditions de recourir à des compléments riches en minéraux, une fois pour lutter contre la carence en magnésium, une autre fois pour combler un manque de zinc ou de fer, au gré d’impressions ou de diagnostics rapides. À l’évidence, dans la majorité des cas, il n’existe pas une seule carence mais un statut insuffisant dans un ensemble de minéraux et vitamines. Ces problèmes nutritionnels seraient plus sûrement résolus par l’adoption de comportements alimentaires équilibrés. La couverture des besoins en magnésium ou d’autres oligo-éléments nécessite de consommer suffisamment de pain ou de produits céréaliers peu raffinés en complément des autres aliments. En fait, il y a peu de risques, sauf dans les cas pathologiques avérés, qu’une alimentation complexe ne puisse satisfaire tous les besoins nutritionnels en minéraux.
La consommation de diverses eaux dont certaines sont bien minéralisées (les eaux chargées en sodium ne doivent pas être conseillées vu la richesse de beaucoup d’aliments en sel) joue également un rôle non négligeable pour assurer le bon statut en minéraux dont nous avons tous besoin. Cependant, l’impact de ces eaux est sans doute amélioré par l’équilibre alimentaire lui- même et le contenu en fruits et légumes des régimes. Ainsi, il n’est jamais possible de faire l’économie d’un régime équilibré.
Vidéo : Des minéraux pour accompagner l’énergie
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Des minéraux pour accompagner l’énergie