Des maladies sans traitements
La quasi-disparition de maladies infectieuses comme la diphtérie, la variole ou la poliomyélite a pu laisser croire que les maladies cardiovasculaires, le cancer, les troubles psychiatriques, l’arthrite rhumatoïde allaient prendre le même chemin : celui des livres d’histoire. Or, il n’en a rien été.
La médecine n’a pas pu être entièrement réorganisée sur le modèle des maladies infectieuses. Alors que dans ces dernières, on peut concevoir des tests in vitro et aussi utiliser des modèles animaux relativement fiables même en l’absence de médicaments déjà existants, il se trouve que ce n’est pas le cas dans la plupart des autres pathologies non infectieuses, c’est-à-dire pour l’essentiel les maladies liées au vieillissement, même si on a beaucoup de mal à les désigner ainsi. On peut faire toutes les hypothèses possibles (génétiques, virales) sur la maladie d’Alzheimer, qui touche 4 millions d’Américains aujourd’hui et qui en touchera 14 millions en 2050 du simple fait du vieillissement de la population. Il reste qu’en général la maladie apparaît après soixante-cinq ans et que le risque d’en être atteint double ensuite tous les cinq ans. Or, la mise au point de médicaments actifs dans la maladie d’Alzheimer est extraordinairement difficile : non seulement on en ignore complètement les muses, mais de plus, il faut attendre le décès du patient pour pouvoir examiner son cerveau et être certain que les améliorations passagères éventuellement obtenues lors de l’essai de candidats médicaments sont dues à une véritable régression des plaques dans le cerveau et non pas à des phénomènes spontanés.
D’ores et déjà, un quart de toutes les dépenses de santé aux Etats-Unis et dans la plupart des pays riches se concentre sur une très courte période de temps : dans les six derniers mois de la vie des patients. Cette seule statistique indique bien les limites de nos investissements gigantesques dans le domaine de la santé.
On préfère désormais laisser croire que ces maladies sont dues au mode de vie et en particulier aux habitudes alimentaires, ce qui a été contredit par toutes les études sérieuses, en particulier pour les maladies cardiovasculaires et pour le cancer. Ainsi les résultats de la grande étude menée au début des années 1980 par l’OMS (Organisation mondiale de la santé), sur 50 000 personnes simultanément en Grande-Bretagne, Italie, Belgique et Pologne, auraient du être considérés comme définitifs : un changement radical des habitudes alimentaires ne change pas les taux de mortalité dus aux maladies cardiovasculaires9. On continue pourtant à nous rabâcher que le progrès passerait désormais d’abord par la prévention et le changement tics habitudes de vie et non par de nouveaux médicaments.
De même, James Le Fanu a rappelé que les Mormons et les Adventistes du septième jour se ressemblent en tout, sauf que les premiers mangent de la viande alors que les seconds sont végétariens. On devrait donc trouver plus de cancers chez les Mormons que chez les Adventistes, puisque l’on incrimine le régime carné dans la survenue du cancer (du côlon en particulier). Or, cela n’est pas le cas : les taux sont exactement les mêmes. La démonstration faite dès 1950 par Bradford Hill de la responsabilité du tabac dans la survenue du cancer du poumon