Des apports lipidiques difficiles à maîtriser
Grâce au travail acharné des nutritionnistes, on dispose à l’heure actuelle de recommandations relativement sûres concernant les apports en acides gras, mais celles-ci sont loin d’être appliquées au niveau de l’offre alimentaire, et on ne voit pas comment le consommateur pourrait corriger de lui-même les déséquilibres induits par l’offre qui lui est proposée. À l’évidence, il est nécessaire de mieux gérer ce domaine de l’alimentation, comme bien d’autres, par une politique alimentaire tournée vers des objectifs nutritionnels de santé publique.
Sur le plan diététique, on connaît maintenant les limites maximales dans la proportion d’acides gras saturés qu’il convient d’essayer de ne pas dépasser ; ces derniers devraient représenter moins de 25 % des acides gras totaux, or la plupart des produits animaux en contiennent aux environs de 40 % ou plus. La disponibilité en huiles végétales particulièrement riches en acides gras insaturés est donc précieuse pour équilibrer les besoins nutritionnels de l’homme. La nature des huiles végétales devrait aussi faciliter un bon équilibre entre les oméga-6* et les oméga-3. On sait que le rapport de ces acides gras gagnerait à être inférieur à 5 alors qu’il est de l’ordre de 10 ou 20 dans les pratiques alimentaires courantes. Pour que les oméga-3 ne soient pas dilués dans un pool excessif d’acides gras, l’apport de lipides devrait être ainsi très modéré. L’offre en matières grasses devrait être organisée pour atteindre ces objectifs d’équilibre en acides gras. En plus du colza, il conviendrait de produire de nouvelles huiles naturellement riches en oméga-3 (lin, cameline, chanvre). De plus, beaucoup de légumes foliaires (épinard, céleri, chou, salade verte et pas seulement l’excellent pourpier) sont des sources intéressantes de ces acides gras essentiels.
Il est clair que la chaîne alimentaire n’a pas su mettre à profit les potentialités du monde végétal pour proposer à l’homme une offre lipidique équilibrante. Les huiles végétales sont également des sources remarquables d’antioxydants liposolubles tels que la vitamine E ; elles pourraient apporter aussi bien d’autres micronutriments intéressants qui sont perdus lorsqu’elles sont très fortement raffinées.
Il est difficile d’évaluer à quel point la disponibilité en matières grasses de qualité, celles de l’huile d’olive, celles des huiles riches en acide alpha-linolénique (colza, soja, noix), celles des huiles de mélange équilibrées en acides gras, celles des graisses de poisson très riches en acides gras à longue chaîne, exercerait des effets protecteurs sur l’homme et participerait à l’amélioration de son état de santé et de sa longévité. Inversement, on est loin d’avoir mesuré les conséquences négatives du mauvais statut nutritionnel en acides gras induit par la présence de graisses cachées de mauvaise qualité dans de nombreux aliments (viennoiseries, biscuits, glaces, plats préparés, charcuteries, produits laitiers, certaines margarines ou divers produits animaux). Il faut souligner aussi à quel point la surconsommation lipidique gène paradoxalement l’acquisition d’un bon statut en acides gras.
Pour conclure sur la problématique des lipides, il est vraiment regrettable que les bienfaits extraordinaires qui pouvaient résulter du développement des huiles végétales se soient transformés en une inondation lipidique dont les hommes et les femmes les plus exposés n’ont pas fini de pâtir.