Débuts de l’alimentation rationnelle : la notion d'acide aminé indispensable
Au début du XXe siècle, suite à la découverte des vitamines et au développement des tech¬niques d’analyse biochimique, plusieurs équipes orientèrent leurs recherches vers les aspects qualitatifs de la nutrition. Les chercheurs portèrent une attention toute particu¬lière aux protéines : on avait en effet observé que leurs qualités nutritionnelles variaient grandement avec leur composition en acides aminés. L’un des résultats les plus marquants de cette époque concerna l’importance de l’acide aminé tryptophane, qui avait été isolé en 1902 par le biochimiste anglais Frédéric Gowland Hopkins (1861- 1947). Des souris dont la ration protéique était exclusivement constituée de zéine, une protéine du maïs dépourvue de tryptophane, mourraient rapidement.
En revanche, si cette même ration était supplémentée en tryptophane, les animaux survivaient.
Parmi les chercheurs qui étudiaient les protéines, Thomas Burr Osborne, médecin et chimiste (1859-1929), avait acquis une solide expérience en isolant, entre les années 1890 et la première décennie du XXe siècle, la caséine (protéine du lait), la gliadine (protéine du blé) et la zéine, puis en établissant leur composition en acides aminés. En 1909, il entama une collaboration avec le biochimiste Lafayette Benedict Mendel (1872- 1935). C’est en 1916 que les recherches menées par ces deux chercheurs vont confirmer l’influence indéniable de l’apport de certains acides aminés sur la croissance.
Les expériences d’Osborne et Mendel (1916)
Osborne et Mendel s’intéressent aux besoins nutritionnels azotés. Ils conçoivent, chez le rat, un régime alimentaire de base assurant une croissance suffisante pour pouvoir mener à bien des expérimentations sur de longues durées (jusqu’à une année). Ils utilisent pourcela le surnageant obtenu par précipitation des protéines du lait à l’acide. Ce «lait sans protéines » peut ensuite être additionné de différentes substances à tester: la caséine ou la gliadine.
Après trois mois d’expérimentation, la prise de poids des jeunes rats est dix fois plus faible avec la gliadine qu’avec la caséine. Le pourcentage de protéines dans la ration alimentaire étant identique dans chaque cas, le besoin azoté global de ces animaux est donc couvert de façon semblable. Les différences de croissance observées entre les deux groupes d’animaux ne peuvent alors s’expliquer que par des différences de qualité nutritionnelle entre la gliadine et la caséine liées à leur composition propre en acides aminés. C’est essentiellement par la teneur en lysine et en tryptophane que ces deux protéines diffèrent, ce qui incite Osborne et Mendel à tester plus particulièrement l’influence de ces deux acides aminés sur la croissance des jeunes rats.
Lorsque le lait sans protéines est supplémenté en zéine, protéine extraite du maïs complètement dépourvue de tryptophane et de lysine, les rats perdent du poids. L’addition de tryptophane à la ration endigue l’amaigrissement, mais n’est pas suffisante pour stimuler la croissance. L’addition de tryptophane et de lysine à la zéine active fortement l’accroissement pondéral, puisqu’un doublement du poids des animaux est observé en 20 jours seulement.
Osborne et Mendel démontrent ainsi l’influence de la qualité nutritionnelle des protéines sur la croissance de jeunes rats. Us établissent que la lysine et le tryptophane sont des acides aminés essentiels devant être apportés de manière concomitante par l’alimentation pour couvrir les besoins de croissance et d’entretien. Les travaux d’Osborne et de Mendel sur la lysine et le tryptophane vont fonder la notion d’acide aminé indispensable, expression scientifique qu’ils utiliseront dès 1916 dans la publication de leurs travaux.
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