Batire une nouvelle chaine alimentaire
Une agriculture durable au service de l’homme
Le caractère multifonctionnel de l’activité agricole est maintenant reconnu. En effet, le rôle de l’agriculture est loin de se limiter à la production de matières premières standard pour l’industrie agroalimentaire. Son importance dans le maintien de l’environnement et du tissu rural est évidente. La capacité de l’agriculture à fournir un approvisionnement alimentaire sûr et abondant a constitué le fil directeur du développement agricole jusqu’aux problèmes rencontrés de surproduction et de manque de débouchés.
Par ailleurs, les relations entre alimentation et santé ont commencé à prendre une bonne place dans la préoccupation des consommateurs et des pouvoirs publics. Cette orientation nouvelle a été prise en considération par le secteur agroalimentaire qui se l’est largement appropriée, laissant l’activité agricole à son rôle habituel de fournisseur de denrées. Finalement, les choix du consommateur sont largement dépendants de l’offre de l’agroalimentaire en fonction des critères de prix, de goût ou d’informations publicitaires sans que l’on soit assuré qu’il en résulte un équilibre nutritionnel.
Il apparaît clairement que la régulation de l’offre alimentaire par les seuls critères économiques n’est pas suffisante pour assurer
le bien-être et la santé du consommateur. Pour éviter toutes sortes de dérives, la chaîne alimentaire doit donc être repensée d’aboutir à des solutions équilibrées, porteuses de bien-être et de santé, dans lesquelles les secteurs économiques concernés trouvent leur juste place et en particulier le secteur agricole.
Connaissant les besoins nutritionnels de l’homme, on pour- rait définir la nature des aliments à produire ; cela aurait bien entendu des répercussions sur l’ensemble de la chaîne alimentaire. Ce schéma peut sembler utopique puisqu’il est très difficile de modifier les habitudes alimentaires de la population, mais également les pratiques professionnelles de tous les acteurs impliqués : agriculteurs, transformateurs, distributeurs, restaurateurs, et il ne faut pas sous-estimer les diverses pesanteurs.
Une des manières de procéder pour induire un changement profond dans la gestion de la question alimentaire serait de conduire une large réflexion a l’échelon des pays pour faire émerger de nouveaux consensus, pour justifier les propositions de réformes aux diverses étapes de la chaîne. Dans ces conditions, les pouvoirs publics auraient toutes les facilités pour soutenir les orientations les plus opportunes en conciliant intérêts généraux et intérêts économiques particuliers.
Quelles solutions doit-on rechercher pour tisser les liens entre agriculture-environnement-alimentation-santé, et quelle culture nouvelle doit-on introduire pour progresser dans cette problématique ? Comment introduire un objectif de nutrition préventive dans la multifonctionnalité de l’agriculture ?
La réponse à ces questions est théoriquement facile : en rendant parfaitement compréhensibles les relations entre alimentation et santé, en précisant le rôle et les responsabilités de chacun à toutes les étapes de la production-transformation-distribution, en organisant, par un cahier des charges, l’élaboration de la qualité nutritionnelle, en recherchant des solutions aux facteurs limitant cette approche. Les possibilités d’action des pouvoirs publics à l’échelle nationale et européenne sont considérables, via les diverses aides. Encore faut-il que les subventions agricoles accordées le soient pour des finalités mieux définies ; la production d’aliments de bonne qualité nutritionnelle est un objectif général auquel les citoyens peuvent adhérer.
Les deux idées-forces pour la construction d’une politique agri- le peuvent se synthétiser autour de deux concepts : celui d’une culture durable pour signifier la nécessité de la préservation et ¿¿la permanence de l’activité agricole dans un environnement turel bien préservé, et celui d’une agriculture nourricière au sens de son efficacité pour nourrir les hommes et préserver leur santé.
La conception classique de l’agriculture durable est souvent limitée aux modalités de la production agricole. Dans une vision plus globale, la notion d’agriculture durable doit prendre en compte sa mission nourricière en même temps que ses conditions de réalisation sur le terrain.
Expliquer et développer en pratique les deux concepts constitue un préalable indispensable pour construire un système de production alimentaire équilibré. Il ne s’agit pas de réglementer inutilement, mais de clarifier les objectifs nutritionnels que la société attend des activités agricoles et agroalimentaires. Le développement de l’agriculture durable doit se situer dans une perspective de nutrition préventive, et la validité de tels enjeux sociétaux est suffisamment forte pour susciter une très large adhésion sociale à ce projet.
Comme pour le concept de nutrition préventive, les attentes liées au concept d’agriculture durable doivent être bien mieux définies. Pour le monde agricole, la notion d’agriculture durable fait principalement référence à la permanence de l’activité agricole, aux possibilités de son adaptation et de son renouvellement, au maintien du potentiel agricole et de sa rentabilité économique. La possibilité pour le paysan de bénéficier d’un cadre de travail très complexe et équilibré, adapté aux diverses situations, dépend du respect de ces bases. Dans la mesure où l’agriculture a été déconnectée d’une responsabilité nourricière directe, d’une mission claire dans le développement de la nutrition préventive, ce secteur n a pas développé une réflexion suffisante pour faire le lien entre les activités de production et les objectifs nutritionnels à atteindre.
à long terme, une agriculture ne peut être durable et soutenue si elle correspond aux attentes sociétales de bien-être et de santé. De plus, pour l’agriculture, l’obligation d’être nourricière et Protectrice offre à ce secteur une perspective de valorisation et de renouvellement très intéressante et un défi passionnant à relever.
La force d’une approche globale de la production agricole et alimentaire en fonction d’intérêts fondamentaux, écologiques, nutritionnels et sociaux contribuera à redonner un second souffle à l’activité humaine des plus nobles et des plus remises en question dans l’approche productiviste actuelle.
Le terme d’agriculture durable permet donc de réunir sur un même concept des exigences et des objectifs complexes et interdépendants tels que : le maintien ou l’amélioration de la fertilité des sols, la préservation ou l’amélioration de l’environne- 1 ment, une production alimentaire sûre et suffisante, la prise en ‘ compte d’objectifs nutritionnels et de santé, le maintien d’un tissu rural le plus riche possible, la création d’un cadre de travail 1 épanouissant pour les paysans.
Selon une analyse conventionnelle, il peut paraître très difficile de mener de front la réalisation de ce vaste programme. Or les conditions d’une mise en place d’une agriculture durable nécessitent au contraire la prise en compte de tous ces éléments et des divers enjeux et contraintes. Il est compréhensible, par exemple, que des contraintes concernant l’amélioration de l’environnement soient également favorables au maintien de la fertilité des sols ou à la sécurité alimentaire. Une bonne répartition des productions végétales et animales, l’adoption des assolements nécessaires à la fertilité des sols ne peuvent être que favorables à la régularité des productions alimentaires. La prise en compte des objectifs nutritionnels implique une meilleure maîtrise des techniques de culture et d’élevage et une revalorisation des productions agricoles. C’est en fixant un cadre de travail intéressant et suffisamment rémunérateur que le monde agricole pourra attirer des professionnels compétents désireux de valoriser leur travail dans un cadre naturel. C’est sans doute en jetant de nouvelles bases, en repensant le fonctionnement de la chaîne alimentaire et la place de l’agriculture qu’il sera possible de bâtir un nouveau mode d’agriculture beaucoup plus attractif.
Donner de nouvelles missions à l’agriculture
À l’évidence, il y a un déficit de réflexion prospective et surtout de conceptualisation globale, si bien que le monde agricole donne l’impression de partir à la dérive malgré le cadre de la poli-agricole commune européenne. De plus, ce sentiment difficile, voire d’impasse atteint beaucoup d’autres régions coles du monde. Les contraintes de la rentabilité économique, r^11 orise des industries agroalimentaires et de la grande distribu- on les habitudes nouvelles des consommateurs introduisent théoriquement une pesanteur telle que beaucoup d’experts ou de politiques en concluent que le système actuel n’est quasiment pas réformable. Sans faire preuve d’un optimisme béat, on peut espérer qu’une approche globale et une vision logique plus conforme aux intérêts généraux, plus équilibrante pour la société et plus compatible avec la préservation de l’environnement finiront par apparaître comme la seule solution viable à long terme qu’il conviendra de soutenir.
Pour mettre en place cette agriculture durable, il est important bien sûr d’harmoniser les politiques publiques en matière d’agriculture, d’alimentation et de santé, ce qui fait cruellement défaut, et aussi de faire adopter par les acteurs du monde agricole cette vision d’une agriculture porteuse d’équilibres écologiques et de santé.
Le public demeure très peu informé du contour de l’agriculture durable telle que nous l’avons survolée. Il apprend par exemple l’existence d’un mode d’agriculture raisonnée auquel il adhère assez naïvement alors que cette approche est bien réductrice, basée principalement sur le bon usage des intrants (engrais, pesticides, etc.), trop facilement mise au service de l’agrochimie et de la grande distribution pour l’établissement de cahiers des charges très ponctuels. Malgré ces risques de récupération, cette démarche est un premier pas intéressant pour progresser vers des modes d’agriculture moins polluants, encore faut-il que l’agriculture raisonnée se fixe des règles de plus en plus exigeantes.
L’agriculture biologique est un des modèles possibles d’agriculture durable à condition qu’elle soit suffisamment efficace Pour nourrir les hommes. Classiquement, l’agriculture biologique a des contraintes de moyens et pas d’obligations de résultats. Dans l’esprit de ses pionniers, il s’agissait d’éviter tout recours à des intrants chimiques, de favoriser les méthodes de culture, d’élevage, d’assolement, de compostage qui favorisent la
vie microbienne des sols, de mettre les plantes et les animaux J position de bénéficier de facteurs environnementaux naturej pour qu’ils expriment de la sorte leur propre naturalité. É idem ment, cette approche génère ses limites, et les réponses naturel» I les ne sont pas toujours conformes aux attentes de l’homme 1 notamment en matière de rendement. Il ne faut pas oublier qii3 l’intensification de l’agriculture conventionnelle a souvent généré des conditions défavorables au niveau écologique au bon déroulement d’une production sans un recours important aux pesticides. Ainsi, la conduite de l’agriculture biologique demande un savoir-faire complexe basé sur une compréhension globale des conditions de terrain. Néanmoins malgré ses difficultés de mise en œuvre et de rendements souvent plus faibles, l’agriculture biologique « tient la route », elle est suffisamment nourricière et naturellement tournée vers le développement d’une offre alimentaire équilibrée pour l’homme. La composition de ses productions végétales, notamment en fruits et légumes, est plutôt plus riche en matière sèche, en micronutriments, et le bénéfice vis-à-vis de l’exposition aux pesticides est bien réel. L’agriculture conventionnelle est apparemment plus compétitive que l’agriculture biologique, elle crée ainsi des conditions peu favorables au développement des circuits bio, mais la comparaison des deux systèmes devrait tenir compte des nombreux coûts induits par les modèles conventionnels de production alimentaire.
En fait, l’offre en aliments bio, en produits céréaliers, en variétés de fruits et légumes est sensiblement différente de celle des circuits conventionnels et rend compte principalement des différences des deux systèmes d’approvisionnement. On trouve en abondance dans les circuits bio une gamme de produits animaux et de fruits et légumes, de pains bis et complets, des huiles vierges d’origines très diverses (colza, bourrache, carthame, sésame, germe de blé) en plus des huiles traditionnelles, des produits céréaliers de meilleure densité nutritionnelle ou peu courants en provenance de variétés rares (petit et grand épeautre, kamut, orge, quinoa, millet), une grande diversité de légumes secs, des jus de fruits peu clarifiés et bien d’autres produits spéciaux. Si l’approvisionnement en produits issus de l’agriculture biologique se traduit par une plus grande diversité et un meilleur
ilibre alimentaires, ce type de chaîne alimentaire est alors fièrement
satisfaisant. Par contre, si la recherche d’aliments biologiQues entraîne, chez certains consommateurs, une monotonie alimentaire, le bénéfice de la démarche est largement annulé.
L’agriculture biologique, fort dénigrée par le passé, se développe très lentement, sans doute parce quelle est encore régie par des règles trop traditionnelles qui ne lui donnent pas pour l’instant une capacité suffisante d’essor. La place de l’agriculture biologique varie fortement dans les pays européens, plus faible en France qu’en Allemagne, au Danemark, en Italie. En France, un effort suffisant n’a pas encore été réalisé pour la rendre plus performante et compétitive. Malgré ses handicaps, la démarche biologique correspond bien à l’approche intégrée qu’il faut favoriser au maximum pour préserver l’environnement, garantir la sécurité des aliments et couvrir les besoins nutritionnels.
En dehors du champ strict de l’agriculture biologique, l’esprit de l’agriculture durable, tel qu’il devrait se développer, correspond à ces mêmes objectifs. Dans son acception la plus dynamique, l’agriculture durable aurait pour mission de garantir une offre nutritionnelle de qualité, élaborée de concert avec un secteur agroalimentaire qui partagerait les mêmes objectifs. Dans cette vision, finalement bien logique, une bonne organisation de la chaîne alimentaire faciliterait l’adoption par les consommateurs de régimes alimentaires équilibrés. De plus, un dialogue suivi et constructif pourrait s’établir entre les représentants des consommateurs et des professionnels de l’alimentation. À partir de ce suivi collectif, les consommateurs pourraient modifier certaines pratiques alimentaires pour davantage tenir compte des contraintes agricoles, et les secteurs agricoles et agroalimentaires pourraient modifier leurs activités pour mieux répondre aux nouveaux besoins exprimés.
On peut objecter que le rôle de l’agriculture ne se limite pas à l’alimentation humaine et qu’il n’est pas évident de mener à bien tous les fronts de l’activité agricole, des aspects nutritionnels Jusqu’aux questions environnementales. Dans ce cadre, il est habituel de traiter séparément la question des obligations de Moyens ou de résultats ; dans la complexité du champ de l’agriculture durable, cette distinction est souvent moins claire qu’il n’y
paraît. Il est certes peu constructif de se focaliser sur des interdits dans le domaine des engrais ou des pesticides puisqu’il convie^ d’avoir la réponse la plus adaptée à chaque situation. Cependant l’agriculture durable doit dépasser l’esprit de l’agriculture rai sonnée, diminuer sans doute très fortement les apports azotés, l’usage des pesticides, abandonner le caractère productivir d’une grande partie de l’agriculture conventionnelle pour rechercher des équilibres écologiques et agronomiques complexes et favorables à l’élaboration de la qualité nutritionnelle.
L’engagement pour une agriculture durable, porteuse d’un équilibre environnemental et clairement orientée vers des objectifs d’excellence nutritionnelle nécessitera l’acquisition d’une culture nouvelle en matière d’écologie, d’agronomie et de nutrition humaine. Il n’y a rien d’extraordinaire, au contraire, à ce que les agriculteurs se soucient des problèmes écologiques, de la qualité de leurs productions et des bienfaits attendus pour les consommateurs.
Certes, l’agriculture durable doit investir le champ de la nutrition humaine pour être efficace et se valoriser, mais elle doit accomplir cette mission en préservant les sols, la flore, la faune. Selon les Indiens, la terre ne nous appartient pas, il serait normal, dans ce même état d’esprit, de conditionner l’aide aux agriculteurs, au respect de cette terre et au bon usage de sa potentialité.
Maîtriser sur la durée notre potentiel DE PRODUCTION AGRICOLE
Longtemps, la préoccupation majeure des pouvoirs publics a été de produire en quantité largement suffisante de la nourriture pour le pays, voire pour l’exportation. Cet objectif élémentaire ne doit pas être oublié, mais géré différemment ; en effet, ce n’est pas en intensifiant à outrance que l’on peut travailler sur la durée puisque cela conduit toujours à des systèmes fragiles, déséquilibrés avec souvent une qualité alimentaire diminuée. À long terme, la gestion des ressources alimentaires est davantage un problème de choix judicieux de méthodes de culture et d’élevage ou de bon équilibre entre productions animales et végétales, plu-
que de rendements élevés. Or la rentabilité à court terme favorise surtout l’obtention de rendements élevés, même s’il est des limites économiques pour l’utilisation des intrants Engrais, produits phytosanitaires, dépenses diverses).
Les questions posées concernent la définition des systèmes ¿e production les plus durables et les plus nourriciers, en fonction des situations de terrain. L’objectif d’améliorer ou de maintenir la fertilité des sols, de préserver l’environnement et la vie rurale est consensuel et facile à cerner ; il n’est pas aussi évident de bien caler les objectifs nutritionnels dans ce cadre, en termes de sécurité quantitative et d’exigence qualitative.
En France, le potentiel agricole est considérable et excédentaire malgré le recours à une forte production animale qui, si elle occupe des terrains peu propices à la culture, consomme également la majorité de nos céréales (produites dans des conditions de culture intensive). C’est un luxe difficilement justifiable d’autant que, du point de vue nutritionnel, le niveau de consommation des produits animaux et surtout des produits laitiers atteint des summums, comme dans d’autres pays industriels.
Pour trouver un nouvel équilibre, il n’est pas nécessaire de bouleverser les habitudes alimentaires, il suffit de valoriser les produits végétaux les plus délaissés (légumineuses, céréales, légumes, fruits). De tels ajustements sécuriseraient notre paysage alimentaire (nous aurions besoin de moins de céréales à paille, de maïs irrigué ou de soja par exemple pour nourrir les animaux) et correspondraient aux modes alimentaires préconisés par tous les nutritionnistes. N’oublions pas que chaque année nous perdons des surfaces agricoles importantes à cause du développement urbain et routier. Surtout, il est bien possible que nous ayons besoin de sols arables pour la production de matières premières industrielles ou énergétiques.
En dehors de la situation des pays riches (souvent dotés de climats propices à la production agricole), il existe une nécessité de mieux nourrir une population humaine croissante. Sur les 6-2 milliards d’humains qui peuplent la terre, il en est encore envi- r°n 800 millions qui souffrent de la faim, sans parler des deux DliUiards qui sont victimes de carences nutritionnelles diverses. À ^ piètre bilan, il faut ajouter les conséquences néfastes de la
« transition nutritionnelle » dans les pays occidentaux et main nant dans beaucoup de mégapoles de par le monde. Le parada est que les deux tiers des gens qui ont faim sont des pays Beaucoup d’agriculteurs du tiers-monde n’ont guère les moyeiw de produire de quoi s’alimenter correctement et ne disposent pgj de revenu monétaire pour acquérir de la nourriture. Pourtant ]j productions vivrières ne manquent pas à l’échelle de la planète- elles atteignent en moyenne les 300 kilos dequivalent-céréales alors même que les besoins n’excèdent pas 200 kilos par personne et par an. Elles sont donc mal réparties et mal utilisées. Certes,
« la révolution verte » a été un grand succès, mais elle a ses limites si elle contribue à augmenter l’exode rural ou si les productions agricoles sont mal utilisées pour assurer une nourriture équilibrée au plus grand nombre. Le problème principal est bien de développer une agriculture nourricière, ce qui nécessite de valoriser toutes les ressources végétales possibles et de ne pas se limiter aux productions les plus rentables. Parfois les facteurs limitants sont liés au savoir-faire culinaire ou à une mauvaise répartition entre l’agriculture et l’élevage. Si elle s’en donne les moyens, si elle gère correctement les potentialités agricoles et si elle adopte des modes alimentaires sûrs et économes sur le plan agronomique, l’humanité dispose de ressources alimentaires excédentaires et renouvelables. À condition de ne pas nous engager dans les voies hasardeuses d’une alimentation de type occidental et de développer une agriculture nourricière !
Trouver une juste place à l’élevage
L’élevage a toujours joué un rôle clé dans le paysage agricole français (et même mondial), en particulier avant la mécanisation de l’agriculture. Même après cette période, il permettait d’exploiter des surfaces peu cultivables, d’utiliser divers sous- produits végétaux, de jouer un rôle dans l’assolement par le retournement des prairies temporaires et d’être une source de matières organiques. La situation de l’élevage a bien changé, et, avec la spécialisation des entreprises agricoles, son développement ne s’inscrit plus nécessairement dans un système écologique équilibré.Tgs dérives productivistes visant à augmenter trop fortement « if oroduction et la consommation de produits animaux ont des bouleversements qu’il convient de rectifier. Parmi
dérives, on peut citer les élevages industriels de porcs, de volaiUes’ complètement déconnectés des espaces naturels, mais aussi certaines pratiques d’élevage des ruminants.
On a souvent avancé que les élevages industriels permettaient de fournir de la viande aux consommateurs les plus démunis. Ils servent sûrement à exporter des produits à des prix concurrentiels, mais leur utilité nutritionnelle dans un pays développé est contestable. Certes, nous avons besoin de viandes mais pas nécessairement en grande quantité, et la qualité organolep- tique et nutritionnelle doit rester un critère essentiel. En fait, la consommation de poulets dits de batterie participe au maintien d’une alimentation à deux vitesses contre laquelle il est légitime de lutter.
Certaines régions connaissent également les inconvénients écologiques et odorants dus à la concentration d’élevages hors sol de canards ou de porcs. Si le public avait été invité à débattre de cette question, nul doute qu’il se serait prononcé pour des élevages moins concentrés (souvent concentrationnaires), moins polluants et mieux répartis sur le territoire. Par contre, il est illusoire d’attendre que le consommateur face à l’étalage n’achète plus la plus basse qualité, les bas prix ayant toujours un rôle décisif dans l’acte d’achat d’une catégorie de consommateurs. Les changements doivent venir d’une prise de conscience collective et de l’intervention des pouvoirs publics ; on cesse bien de produire des voitures de mauvaise qualité parce que peu sûres alors qu’elles auraient tout de même trouvé preneurs sur le marché.
En dehors des dérives concernant la qualité nutritionnelle ou l’impact sur l’environnement, il est éminemment souhaitable que 1 élevage participe au maintien du tissu rural et soit mieux réparti dans les régions. Les erreurs commises ont été nombreuses. La Production de nos pauvres vaches laitières a été poussée à 1 extrême, ce qui a réduit fortement leur nombre ainsi que celui des élevages laitiers. Il est évidemment plus raisonnable d’assurer la production laitière dans des conditions écologiques avec des conduites d’élevage qui favorisent l’utilisation directe des prairies.
Pour cela, il n’est pas nécessaire d’avoir des animaux à très hamj potentiel laitier, et il est de toute façon peu rationnel de transfor mer les vaches laitières en usines à lait, dévoreuses de céréale*] subventionnées et de tourteaux de soja américain. De plus, cettS façon de nourrir les animaux n’est pas idéale pour obtenir du lait de qualité supérieure.
Autre bouleversement regrettable, le bas prix des céréales a permis d’obtenir de la viande de porc ou de volaille plus avantageuse que celle de mouton ou de bœuf. On nourrit actuellement les porcs avec une nourriture presque exclusivement céréalière, ce qui ne correspond pas à leur physiologie digestive plus tournée vers une diversité végétale, il n’est pas étonnant dès lors que leur lisier soit si nauséabond. La consommation de la viande de porc a tendance à supplanter celle des ruminants. Or les troupeaux ovins sont, dans des pays comme la France, très efficaces pour l’entretien du territoire (quel contraste avec les pays du Maghreb où ils ont contribué à la désertification par un surpâturage chronique !). D’autre part, la baisse du prix du porc a contribué à maintenir une consommation plutôt élevée de charcuterie pour un bénéfice nutritionnel plus que discutable. Peut- être un jour réussirons-nous à harmoniser le paysage agricole, l’environnement rural et la qualité de l’offre nutritionnelle.
L’objectif général est certainement de mieux intégrer les élevages dans l’activité agricole du territoire, de faire en sorte que les ruminants puissent utiliser les zones de montagnes ou les régions d’herbages. La production du quart de l’énergie sous forme de produits animaux (hypothèse très raisonnable) est déjà suffisante pour occuper une très grande partie du territoire ; elle peut très bien s’intégrer dans un cadre d’agriculture durable, tant que nous n’aurons pas de crise d’énergie ou d’approvisionnement en soja. Par contre le maintien d’une consommation de produits animaux, qui en France pourraient atteindre, au dire de certains experts, 40 % des apports caloriques, est déraisonnable puisque cela entraîne une charge lipidique et protéique de l’alimentation peu compatible avec une politique de santé publique. Il faut noter, dans cette surconsommation, la part grandissante des produits laitiers, ce qui est surprenant, en terme, de comportement nutritionnel humain.
RENFORCER LA QUALITÉ NUTRITIONNELLE DES VÉGÉTAUX
puisque les besoins en glucides complexes et micronutri- ents sont très élevés, la consommation des produits végétaux est primordiale pour nourrir les hommes, quelle que soit la disponibilité en produits animaux. C’est pourquoi il est si important d’optimiser les productions végétales dans une optique d’agriculture durable et de santé humaine.
La consommation directe de produits végétaux par l’homme lève l’impératif de disposer de rendements élevés compte tenu de la grande efficacité alimentaire des productions végétales (nombre d’habitants nourris par unité de surface cultivée). Cette dimension pourtant évidente n’a pas été prise en considération. Puisque l’utilisation des surfaces est peu limitante (seule une toute petite partie du territoire est consacrée à la production de blé, de pomme de terre, de légumes, de fruits ou d’autres aliments directement consommés par l’homme), l’accent aurait dû être mis principalement sur la qualité. En fait, c’est plutôt la productivité qui a été recherchée afin d’assurer le maximum de rentabilité à l’hectare. L’intensification a été favorisée par le manque de critères objectifs pour définir la qualité et en vue de disposer de matières premières à bas prix ; cette évolution a été accentuée par la pression de lagroalimentaire et de la grande distribution ainsi que pour des raisons de concurrence internationale.
Utilisés dans leur plus grande diversité possible, les produits végétaux ont un potentiel santé remarquable (lorsque l’ensemble des recommandations nutritionnelles est respecté). Encore faut-il que leur composition soit optimale, or elle peut être affectée par le choix des variétés et des techniques de production. Dans la majorité des cas, ces critères de qualité ne sont pas pris en considération dans les options agronomiques. C’est sans doute un des derniers secteurs économiques (pourtant fondamental puisqu’il touche à la santé) qui échappe entièrement à un suivi normal de la qualité.
Le choix des variétés et des techniques culturales doit être adapté pour répondre à un très grand nombre de critères dans le domaine tant agronomique que nutritionnel. La possibilité de disposer de variétés à la fois résistantes aux maladies, intéressantes au
niveau organoleptique et nutritionnel est bien la meilleure appj^j che possible. Jusqu’ici, les semenciers ont imposé des critères a qualité agronomique et de rendement pour l’inscription des varié- tés et seulement de vagues critères nutritionnels. Or il est certaine- ment possible d’obtenir une amélioration sensible de la densité nutritionnelle par la sélection génétique.
Comme pour l’alimentation humaine, l’agriculture a délégué à des entreprises extérieures le soin de sélectionner les plantes à cultiver, ce qui a favorisé la standardisation des productions et réduit l’influence des terroirs. Depuis deux cents ans, la sélection des semences agricoles et la production de plants (légumes, fruits) sont tombées progressivement sous la coupe de grandes firmes industrielles. Bientôt ne seront utilisables que des variétés inscrites sur un catalogue officiel. Des milliers d’espèces ou de variétés de plantes alimentaires ne seront plus disponibles ou menacées de disparition, les semenciers ne s’intéressant qu’à un petit nombre de variétés répondant aux exigences de l’agriculture productiviste. Certes, la sélection génétique a permis d’améliorer considérablement l’efficacité de l’agriculture, mais il y a un risque réel de diminution de la biodiversité. De plus, le monde paysan est progressivement exclu du long travail d’observation, de sélection et des choix culturaux, désormais aux mains de quelques spécialistes plus soucieux de standardisation que de diversité culturale et alimentaire.
Les végétaux peuvent être cultivés dans des conditions extrêmes de climat, de chaleur, d’écart de température, de lumière, d’humidité ou d’agronomie. Pour ces facteurs également, on manque cruellement d’expertise nutritionnelle. Il est urgent d’engager ce type de recherches. L’impact de certaines techniques (culture sous serres, hydroponie) a certainement des conséquences sur la qualité nutritionnelle qu’il convient de préciser pour différencier tomates de plein champ ou de serre par exemple.
L’influence de bien d’autres facteurs environnementaux sur la qualité nutritionnelle des produits gagnerait à être précisée pour comprendre les conséquences de la nature des assolements, des variations en matières organiques du sol ou de l’environnement phytosanitaire. Les équilibres subtils variétés-terroirs- saisons devraient pouvoir être mis en valeur dans un objectif de
alité nutritionnelle, et le monde paysan pourrait s’impliquer <fs directement dans cette démarche.
Il faut apprendre également à gérer les productions végétales les plus frag^es (fr1^ et légumes) en fonction de la proximité ¿es centres urbains sans les cantonner pour cela dans des zones jnaraîchères très intensives. Une filière de maraîchages de plein champ pourrait fournir des produits saisonniers plus rustiques, moins coûteux et sans doute de meilleure densité nutritionnelle. Le développement de contrats entre consommateurs et agriculteurs pour la livraison directe des fruits et légumes de la ferme est une solution de bon sens qu’il faut promouvoir. Au lieu de cette évolution, l’importance des grands bassins de production s’accroît ainsi que le rôle des organismes collecteurs et des grandes surfaces dans l’organisation de productions beaucoup trop standardisées.
Au niveau sociétal, on sait qu’il existe de nombreux freins à la consommation des fruits et légumes. Le secteur agroalimentaire et la distribution ne doivent pas seuls régler ces problèmes, les producteurs eux-mêmes gagneraient à être en contact plus direct avec les consommateurs et à prendre des initiatives pour proposer des solutions qui facilitent l’usage de ces produits à des coûts acceptables. Il est temps que le secteur agricole fasse un lien étroit entre la qualité des productions végétales et l’usage que pourra en faire le consommateur pour son bien-être et sa santé. Réciproquement, les consommateurs devraient entreprendre des démarches pour passer commande auprès des paysans de la nature des produits dont ils aimeraient disposer.
De la monotonie des assiettes à celle des champs de blé
Dans l’offre alimentaire courante, des produits céréaliers de base tels que le pain ou les céréales de petit déjeuner ne brillent Pas par leur excellence ou leur originalité. L’évolution de la production céréalière est parmi les exemples les plus frappants d’une dérive productiviste avec des conséquences écologiques, alimentaires et géopolitiques difficiles à maîtriser.
Sur un plan très général, on a souvent argumenté que l’augmentation des rendements avait permis de résoudre les problèmes de la faim dans de nombreux pays du monde. Cela est soutenable
dans des pays tels que la Chine, l’Inde ou des régions similaires qui ont bénéficié de la révolution verte. Par contre, la mise sur le rnar,| ché de céréales bradées au cours mondial dont le prix est quasi I identique pour l’alimentation animale ou humaine n’a pas particulièrement aidé les pays du Sud à développer une agriculture nom-. I ricière et n’a pas favorisé l’évolution vers des céréales de haute qualité nutritionnelle dans les pays riches. 1
La maîtrise des productions céréalières dépend du type d’agriculture que l’on veut construire et de la qualité de l’alimentation humaine que l’on veut obtenir. Quelques données chiffrées | permettent de mieux situer la place des céréales dans l’alimentation humaine. Pour satisfaire ses besoins en glucides et en d’autres éléments, l’homme a besoin d’un minimum de 200 g de céréales par jour et d’un maximum de 500 g si elles constituent l’essentiel de la ration. En France, compte tenu de l’abondance des autres produits alimentaires, la consommation journalière de céréales de toutes origines avoisine les 200 g. Ainsi, la consommation de blé sous forme de pain, de biscottes, de biscuits, de viennoiseries ou de farine ne dépasse pas les 5 millions de tonnes sur les plus de 30 millions produites, ce qui représente donc envi- ! ron 15 % de la production. Même avec un rendement de 5 tonnes à l’hectare, un million d’hectares suffiraient à assurer cette disponibilité (soit moins de 5 % des surfaces cultivées).
Durant les cinquante dernières années, la consommation de pain a diminué de moitié tandis que les rendements à l’hectare de la production de blé ont doublé. À population constante, nous avons donc un besoin quatre fois plus faible de surfaces à ensemencer en blé pour nourrir la population française. Était-ce bien utile d’augmenter à ce point les rendements au risque d’enrichir en nitrates les eaux souterraines ou de contaminer le blé ou l’environnement par des pesticides ? Autre cercle vicieux, l’augmentation des rendements contribue souvent à dévaloriser la qualité du blé et des farines, ce qui n’est pas la meilleure façon de soutenir la consommation de pain. Avec des rendements de production agricole si élevés et des prix si bas, on a atteint une situation extrême de dévalorisation des matières premières qui ne laisse aucune chance de développement à des variétés de céréales moins productives, mais pourtant d’intérêt nutritionnel réel.
Au cours des multiples sélections en vue d’augmenter les dements, des facteurs génétiques intéressants, qui auraient pu accroître la teneur en certains micronutriments, ont probablement été ignorés. Certaines observations ont déjà permis de mettre en évidence une baisse très significative de la densité nutritionnelle en micronutriments dans les variétés modernes les plus productives.
De plus, le productivisme actuel n’a pas permis de résoudre lépineuse question de la teneur et de la qualité des protéines. Pour augmenter la valeur boulangère, les blés ont été sélectionnés sur leur capacité à accumuler du gluten avec des propriétés viscoélastiques améliorées, ce qui est peut-être un inconvénient sur le plan de la digestibilité et surtout de la tolérance à cette protéine.
Afin d’accroître les rendements et de maintenir une teneur en protéines suffisante des blés, l’agriculture fait un recours excessif aux engrais azotés. Il est très difficile d’obtenir un rendement de 80 quintaux de blé avec un taux protéique optimal de 12-13 %, et il est quasiment impossible de piloter une pareille synthèse sans risque écologique concernant les nitrates. D’ailleurs nos agriculteurs y parviennent difficilement, malgré la multiplication des apports d’azote et des traitements phytosanitaires pour accompagner de telles pratiques d’intensification. D’un côté de l’azote est apporté en excès, d’un autre côté la croissance de la plante est freinée par des produits « racourcisseurs de paille » ! En apportant de l’engrais azoté très tardivement, on peut forcer le blé à accumuler des protéines supplémentaires, mais, au dire des boulangers, cela n’améliore pas la qualité du pain. D serait souhaitable que la filière blé-pain apprenne à mieux communiquer ! En matière de produits céréaliers à visée humaine, il faudrait résolument s’orienter vers l’amélioration de la qualité nutritionnelle, avec le même effort que celui qui a été fourni pour la productivité. Il a fallu quarante ans pour doubler les rendements à l’hectare, avec parfois des dérives de qualité. Il y a lieu de Penser que des objectifs raisonnables d’optimisation nutrition- nelle pourront être atteints dans une dizaine d’années, et il est notable que les laboratoires publics et les semenciers sont maintenant plus actifs dans ce domaine.
Finalement, la production de blé a évolué en France cornmj au niveau mondial vers un produit standard de très faible valèj marchande avec des prix insuffisants pour rémunérer l’agiT] culteur. Au lieu d’acheter des blés de qualité suffisante et à leur juste prix afin d’obtenir ainsi directement des farines d’excellente qualité nutritionnelle, les transformateurs ont recours à divers artifices qui renchérissent le prix des farines, ce qui exclut ainsi l’agriculteur de la plus-value inhérente à la qualité. Il est compréhensible que cette situation doive évoluer vers la recherche d’une meilleure approche des filières de production avec le soutien des consommateurs et en vue d’atteindre des objectifs nutritionnels satisfaisants.
Mettre en valeur la qualité nutritionnelle
La maîtrise de la qualité nutritionnelle des produits ne peut s’organiser que si une information suffisante, un cahier des charges pertinent et un soutien économique efficace sont mis en place. Cela peut paraître surprenant, mais le monde agricole n’est pas particulièrement informé des relations entre alimentation et santé alors que la prise en compte de cette dimension modifierait profondément son activité en lui fournissant des repères pour l’élaboration de la qualité nutritionnelle de ses productions.
Évidemment, il est important que l’agriculteur comprenne le sens de son travail et connaisse les facteurs impliqués dans la qualité nutritionnelle pour qu’il participe, à son niveau, à la nutrition préventive. Une exigence dans la recherche de la meilleure qualité possible apparaît naturelle pour les vignerons lorsque le produit est particulièrement valorisé. La valeur de bien des produits alimentaires mérite autant d’attention que le vin. Pourquoi les céréaliers ne se passionneraient-ils pas pour la qualité du pain qu’ils produisent à partir de leur récolte de blé ? Déjà des boulangers- paysans produisent du pain bis au levain d’excellente qualité nutritionnelle et valorisent ainsi au mieux leur culture de céréales. Pourquoi les producteurs de fruits et légumes ne chercheraient-ils pas à mettre en valeur le potentiel santé particulier de leurs fruits et légumes ? Pourquoi les agriculteurs ne prendraient-ils pas en charge la production d’huiles vierges de composition optimale en acides gras par un choix judicieux de plantes oléagineuses ?dans cette direction, plusieurs étapes pourraient
CT La mise en place d’une information sur les relations « ali- jnentation-santé » pour tous ceux qui travaillent dans le domaine agricole et alimentaire serait un préalable pour faire évoluer durablement et en profondeur notre paysage alimentaire.
Ensuite, il conviendrait d’expliquer les itinéraires techniques à suivre et de rendre compte de la qualité nutritionnelle obtenue au final. Expliquer l’origine des facteurs de variation. Développer des technologies douces adaptées au secteur agroalimentaire mais aussi au secteur agricole. S’appuyer sur une politique de prix incitative.
Le développement d’une agriculture de qualité nécessite donc un suivi complexe et un cahier des charges discuté par tous les acteurs. Peut-être faudrait-il encourager les efforts des agriculteurs par une politique de contrats de production d’aliments de qualité avec un financement multipartenarial. On pourrait en effet imaginer qu’un ensemble de structures socioéconomiques participe à l’encouragement financier en faveur d’une politique agricole qui s’intégre dans une stratégie de santé publique. Cette orientation serait tout à fait complémentaire de l’effort demandé aux agriculteurs pour adapter leurs méthodes de production afin qu elles créent le moins possible de pollutions ou de déséquilibres écologiques.
La manière de gérer l’agriculture et les approvisionnements de proximité devrait faire l’objet de débats citoyens, de conseils de gestion alimentaire par des groupements de consommateurs et de professionnels de l’agriculture et de l’alimentation. Le principe d’une certaine souveraineté alimentaire à l’échelon régional pourrait être mieux défini et mis en application par une organisation des productions à cet échelon.
Développer des modèles d’agriculture durable
Dans l’idéal, l’exploitation agricole à développer serait celle qui serait génératrice d’écosystèmes équilibrés, et bien efficace Pour nourrir les hommes sur un plan qualitatif et quantitatif. Il est pas nécessaire pour cela de revenir à l’élevage et à la polyculture de jadis, mais par contre il est sûrement important
d’introduire une diversité de production suffisante, de demander« l’agriculteur de s’intéresser au devenir et à la performance nuiJ tionnelle de ses productions. Dans cet esprit, il est regrettable qug i beaucoup d’exploitations d’élevage aient abandonné toute produc. tion végétale à visée humaine. Bien conduite, une agricultui* appuyée sur l’élevage permet d’améliorer la disponibilité en matières organiques des sols, ce qui est essentiel pour entretenir la] vie microbienne du sol et assurer sa fertilité. Ces conditions aident évidemment à la production de céréales et de légumes de qualité et cet aspect est fondamental pour l’agriculture en général. S
Dans les exploitations sans élevage, la diversification des productions végétales est souvent insuffisante pour exploiter au mieux les potentiels du sol, bénéficier de bons assolements avec des rotations plus lentes des cultures.
La transformation, la vente directe, la valorisation maximale d’une partie des productions constituent des orientations de bon sens à la fois au niveau économique et pour favoriser les liens avec les consommateurs.
Finalement, à l’ère de la division du travail, le modèle de l’exploitation familiale de polyculture et d’élevage est certes dépassé à l’échelon individuel, mais il peut être repensé à l’échelon de territoires ruraux par le biais de regroupements complémentaires des exploitations, par la mise en commun d’ateliers de transformation et de distribution. L’idée directrice serait que chaque projet d’exploitation agricole puisse être intégré dans un ensemble harmonieux, à la fois sur le plan du paysage agricole et en fonction de débouchés alimentaires possibles, avec pour priorité la satisfaction des marchés de proximité, de la cantine scolaire jusqu’à la grande surface locale.