Autres temps , autres lieux , autres mœurs pour la placebo
Socrate rencontra un jour Charmide, jeune homme qui souffrait de violents maux de tête. Il suggéra d’utiliser un remède qu’il tenait d’un médecin venu de Thrace. C’était une feuille qu’il fallait associer à une incantation, mais, pour le philosophe, « sans l’incantation, le remède n’avait aucun effet ». Toujours selon Socrate, ce médecin thrace diffusait un enseignement très remarquable : « Notre roi qui est un dieu affirme que, s’il ne faut pas guérir les yeux sans la tête, ni la tête sans les yeux, il ne faut pas non plus traiter la tête sans l ame et que, si la plupart des maladies échappent aux médecins grecs, la raison en est qu’ils méconnaissent le tout dont ils devraient prendre soin ; car, quand le tout est en mauvais état, il est impossible que la partie se porte bien.
En effet, c’est de l’âme que surviennent pour le corps et pour l’homme tout entier, tous les maux et tous les biens, ils en découlent comme ils découlent de la tête dans les yeux. C’est donc l’âme qu’il faut avant tout soigner si l’on veut que la tête et les yeux soient en bon état. » Dans ce texte qui devrait être mis en exergue de toute publication psychosomatique, se retrouve tout entière l’opposition entre l’Asie, où la médecine est fondamentalement globalisante et uniciste, et l’Occident qui ne croit qu’à une médecine d’organes, de symptômes et, pour parler psy, de « relation d’objet partiel ».
Mais comme dans sa définition élargie, l’effet placebo représente justement tout ce qui, dans et autour de la prescription ou de la réalisation de l’acte médical, augmente la puissance normalement attendue d’une thérapeutique « scientifique », il n’est pas sans intérêt pour notre propos de chercher à connaître les méthodes utilisées dans ces cultures où les résultats obtenus ne sont pas fondés sur une théorie physiologique à l’occidentale mais sont dépourvus d’assise scientifique.