Alimentation parentérale
Voies d’abord et matériel
1. Voies veineuses centrales. — Lorsque la nécessité d’apports caloriques élevés exige l’administration de solutés hypertoniques, ceux-ci doivent être dilués dans un vaisseau à débit élevé.
La technique la plus utilisée est le cathétérisme percutané d’un gros vaisseau du cou ou du membre supérieur (veine sous clavière, jugulaire interne ou externe, céphalique, basilique). L’asepsie doit être rigoureuse, chirurgicale, lors de la pose du cathéter et lors des soins par l’équipe infirmière. Le trajet et la bonne position du cathéter (extrémité dans la veine cave supérieure) doivent toujours être contrôlés radiologiquement.
Pour diminuer le risque infectieux, d’autres techniques sont proposées pour les alimentations parentérales de longue durée : tunnellisation sous-cutanée, dénudation chirurgicale d’un vaisseau du cou avec un long trajet sous cutané, canulation par dénudation d’une collatérale d’un gros tronc veineux.
Les cathéters utilisés sont soit en chlorure de polyvynile (PVC) ou en teflon pour les alimentations de courte durée du fait de leur moins bonne tolérance veineuse, soit en silicone pour les alimentations parentérales de longue durée. Leur longueur varie suivant le vaisseau cathété- risé, leur diamètre interne est de 1 à 2 mm et leur diamètre externe de 1,5 à 3 mm.
2. Voies veineuses périphériques. — Il est possible de réaliser une alimentation parentérale apportant 2 000 Cal sur des veines périphériques en utilisant des solutés dont l’osmolarité ne dépasse pas 600 mosm/1. Le matériel utilisé est soit une aiguille métallique soit un cathéter court en téflon. Cette technique impose d’économiser le capital veineux superficiel, de changer les aiguilles toutes les 24 heures et les cathéters courts toutes les 48 heures.
Modes de perfusion
L’utilisation de grandes quantités de solutés glucidiques hypertoniques expose à des variations importantes de la glycémie et impose une grande régularité du débit de glucose tout au long des 24 heures. Ceci est réalisable à l’aide de pompes de perfusion continue à débit réglable munies d’un système de sécurité pour la détection des bulles d’air. La précision du débit de ces pompes est en moyenne de 5 à 10 p. 100.
Solutés utilisés
1. Solutés glucidiques. — L’apport calorique étant assuré en majeure partie par les glucides, on doit utiliser des solutés hypertoniques : glucosé à 10 p. 100 (550 mosm/1), à 30 p. 100 (1 650 mosm/1) ou à 50 p. 100 (2 750 mosm/1). Le débit doit être très régulier. Au début de l’alimentation parentérale, le débit en glucose est augmenté progressivement en quelques jours pour éviter hyperglycémie et glycosurie. La constatation d’une glycosurie ou d’une hyperglycémie supérieure à
11 mmol/1 doit faire utiliser l’insuline, soit sous forme d’insuline ordinaire par voie sous-cutanée toutes les 6 heures en fonction de la glycosurie, soit sous forme d’insuline tamponnée dans les flacons glucidiques (Actrapid) à la dose de 0,5 unités pour 10 g de glucose.
2. Émulsions lipidiques. — Les émulsions à base d’huile de sou (Intralipide) sont bien tolérées (tableau 60). Leur faible osmolariie (280 mosm/1) permet de les utiliser par voie veineuse périphérique. Elle? ont l’avantage d’avoir une forte teneur calorique pour un faible volume Leur perfusion doit se faire en plus de 4 à 6 heures. L’épuration plasmatique est environ de 12 heures.
2. Solutions d’acides aminés. — Les acides aminés sont disponible? sous forme d’hydrolysats ou sous forme d’acides aminés cristallisai (tableau 61).
- Les hydrolysats de protéines. — Ils contiennent 6 à 20 g d’azote par litre. Une fraction de cet azote total est sous forme de polypeptides peu utilisables. Leur teneur en ammoniaque est parfois élevée. Leur concentration en électrolytes est très variable d’un produit à l’autre.
- Les solutions d’acides aminés cristallisés. — Elles ont une compos – tion plus constante et certaines ne contiennent que des acides aminé? essentiels (Mullene). Elles ne contiennent ni ammoniaque ni polypeptide Les solutés les plus récents ont des formules en acides-aminés essentiel? et non essentiels proches de la protéine d’œuf prise comme référence.
3. Préparation des solutés. — Le risque majeur de l’alimentation parentérale est l’infection. Une asepsie stricte est impérative lors de l’adjonction des électrolytes et vitamines dans les flacons glucidique? L’idéal est la préparation sous hotte à flux laminaire, voire le mélange dans des poches uniques, des solutés glucidiques, lipidiques et d’acidei aminés sous hotte dans des locaux spéciaux.
Complications
1. Complications liées à l’abord vasculaire. — Les complications mécaniques (pneumothorax, hémothorax, ponction artérielle, embolie du cathéter, embolie gazeuse) sont pour la plupart la conséquence d’une faute technique. Certaines sont liées à la migration du cathéter : épanchements pleuraux ou médiastinaux, épanchement péricardique par perforation myocardique. Ceci impose une bonne fixation du cathéter, et des contrôles radiologiques de position.
Les thromboses veineuses sont d’autant plus fréquentes que le cathétc risme est prolongé et situé dans une veine à faible débit.
2. Complications infectieuses. — Ce sont les plus graves : leur fréquence varie suivant la durée du cathétérisme, la technique, l’affection sous-jacente (de 2 à 30 p. 100). Le mode de contamination est variable : surinfection des liquides perfusés, contamination de l’orifice de pénétration du cathéter. Les agents contaminants sont le plus souvent le staphylocoque doré et le candida.
La fréquence et la gravité des septicémies sur cathéter justifient en présence d’une fièvre non expliquée par un foyer infectieux patent, l’ablation du cathéter (et sa mise en culture). Ce simple geste a souvent pour corollaire l’apyrexie.
3. Complications liées à l’apport de glucose. — La tolérance glucidi que varie d’un sujet à l’autre et selon la pathologie sous-jacente et est diminuée en cas d’infection, d’agression, de pancréatite, d’insuffisance rénale…
Lorsque la glycémie dépasse 11 mmol/1, le risque de polyurie osmoti- que, de déshydratation, même de coma hyperosmolaire, est grand.L’hypoglycémie est un accident grave qui peut être dû à un surdosage en insuline (surtout lors de la phase de guérison où la tolérance glucidique est meilleure) ou à un arrêt brutal des perfusions glucidiques.
Des apports importants et prolongés de calories glucidiques peuvent être responsables de stéatoses hépatiques.
4. Troubles hydroélectrolytiques et acidobasiques. — Un bilan journalier précis des entrées et des sorties d’eau et d’électrolytes doit permettre d’éviter hypo ou hypernatrémie, hypo ou hyperkaliémie.
Exceptionnellement ont été décrites des acidoses métaboliques hyper- chlorémiques lors de l’administration de solutés riches en acides aminés cationiques.
5. Hypophosphorémie. — L’alimentation parentérale peut induire une hypophosphorémie sévère inférieure à 10 mg/1, avec possibilité de troubles neurologiques, insuffisance respiratoire et insuffisance cardiaque. Un apport de phosphate dipotassique ou disodique, parfois important, corrige ces troubles.
6. Complications dues aux lipides. — Elles sont rares (réaction d’intolérance précoce, anémie hémolytique, dépôts pigmentaires dans le système réticulo-endothélial, embolies graisseuses). Elles ont été décrites essentiellement avec les huiles de coton, actuellement abandonnées.
7. Carences diverses. — Des carences diverses ont été décrites au cours de l’alimentation parentérale prolongée (déficit en vitamine K, en zinc, en magnésium, en acides gras essentiels). Elles peuvent être prévenues par un traitement substitutif adapté.
Coût
- Le coût de l’alimentation parentérale est de 10 à 30 fois celui de l’alimentation entérale.