Alimentation entérale
Voies d’administration
La sonde nasogastrique est la voie d’administration la plus utilisée. Les sondes en polyuréthane et surtout en silicone ont de nombreux avantages : meilleure tolérance nasale, pharyngée et œsophagienne, réactions inflammatoires (cesophagites, gastrites) plus rares, moindre risque de régurgitation. Le diamètre interne de ces sondes est en règle de 2 à 4 mm.
Des sondes en silicone, de petit diamètre interne (1,5 à 2 mm), multiperforées à leur extrémité, de 125 cm de longueur, peuvent être utilisées pour une nutrition gastrique ou jéjunale. Plus chères, et de mise en place difficile, elles ne sont pas d’utilisation systématique.
La bonne position de la sonde doit être contrôlée par un cliché radiologique.
Jéjunostomies et gastrostomies d’alimentation ont des indications rares : intolérance gastrique, fistule, obstacles œsophagiens ou gastroduo- dénaux, nutrition entérale postopératoire précoce.
Techniques d’administration
1. Technique discontinue par bolus. — Cette méthode, utile en l’absence de nutripompe, est astreignante et limitée par l’impossibilité d’administrer plus de 3 1/24 h. La réplétion gastrique par bolus de 200 à 600 ml peut entraîner des régurgitations et vomissements dangereux chez les patients ayant des troubles de la déglutition ou de la conscience.
2. Débit entéral lent et continu. — Les avantages sont nombreux : meilleure tolérance gastrique, ralentissement du transit, diminution des phénomènes d’intolérance liés à l’hyperosmolarité du mélange nutritif, meilleur rendement de la digestion et de l’absorption, apport possible de plus de 6 l/j.
De nombreuses pompes à débit constant, précises, munies d’un dispositif d’agitation, sont disponibles (Satas, Logeais, Dubernard, Nutrivar, Baron). Certaines sont réfrigérées, ce qui permet de limiter la pullulation microbienne. Ce risque, plus important avec les pompes non réfrigérées, impose que les rations ne soient préparées que pour des périodes n’excédant pas 4 à 6 heures.
Mélanges nutritifs
Les mélanges nutritifs diffèrent par leur osmolarité, leur digestibilité, leur concentration, leur teneur en lactose et en graisses, et par leur coût.
1. Aliments non dégradés. — Ils sont utilisés chez les malades ayant une activité protéolytique et lipolytique intestinale normale. On dispose de trois types de préparations :
- Mélanges préparés par les services de diététique à base de lait, sucre, viande, jaune d’œuf (mélange de E. Levy).
- Petits pots à usage pédiatrique.
- Mélanges préparés industriellement dont les avantages sont : composition précise, emploi immédiat, grande diversité. Ce sont des produits polymériques complets contenant protéines, glucides et graisses (Renu- tryl, Realmentyl, Shack, Flexinutryl, Dripsol, Nutrigil) ou modulaires contenant des protides (Alburone, Protéofon, Protil, Hyperprotidine). Leur osmolarité est faible. Leur teneur en lactose est faible, certains en sont dépourvus (Realmentyl, Flexinutryl, Vegegaby, Dripsol). Ils ont peu de résidu, sauf les produits à base de lait. Leur coût est faible.
2. Aliments prédigérés ou nutriments. — Ils sont disponibles sous forme modulaire contenant soit des glucides (Maltrinex, Caloreen, Caril) soit des triglycérides à chaîne moyenne (Tricème, Liprocil, Lipidoral). Ces produits, plus ou moins dégradés, sont d’absorption rapide. Leur osmolarité est peu importante. On peut, en associant ces produits, réaliser des régimes semi-élémentaires, avec en règle un apport calorique d’origine lipidique d’environ 40 p. 100.
Les nutriments sous forme monomérique (régime élémentaire) ne requièrent pas de digestion. Les produits contiennent des acides aminés, des glucides sous forme de glucose, maltose et oligosaccharides, très peu de lipides fournissant les acides gras essentiels (Vivonex STD, Vivonex HN, Flexical, Enteronutryl). Ils sont intégralement absorbés par le duodénum et le premier mètre du jéjunum. De faible viscosité, ils sont utiles pour les alimentations avec des sondes ou des cathéters de petit diamètre. Ils ont deux inconvénients majeurs : leur forte osmolarité et leur coût.
. Additifs. — Lorsque le transit est accéléré, on peut le ralentir à l’aide de produits diététiques (Arobon, Caruba) ou de médicaments (Atropine, Diarsed, Codéine, ¡modium). Les risques de ces produits sont l’iléus paralytique et le fécalome. En cas de grêles courts ou de fistules, il peut être utile d’associer un additif hypervisqueux (Tapioca à 6 p. 100).
Règles pratiques
Comme pour la nutrition parentérale, la nutrition entérale requiert une asepsie stricte.
Les mélanges nutritifs doivent être administrés par débit lent et continu en augmentant progressivement la concentration et le débit. Schématiquement, deux situations peuvent se rencontrer.
- Intestin virtuellement sain. — Augmentation progressive de 2 000 Cal à la vitesse de 2 ml/mn (soit 2 900 ml/24 h) le premier jour, à 4 000 Cal à la vitesse de 3 ml/mn (soit 4 300 ml/24 h) le troisième jour.
- Intestin virtuellement malade (rectocolite, maladie de Crohn, fistules…) : augmentation progressive de 1 000 Cal à la vitesse de
1 ml/mn (soit 1 440 ml/24 h) le premier jour à 4 000 Cal à la vitesse de 3 ml/mn (soit 4 300 ml/24 h) le sixième jour.
Complications
Les complications sont rares et généralement bénignes. Les complications dues aux sondes (otalgies, eustachites, vomissements, régurgitations, œsophagites peptiques) sont rares avec les petites sondes siliconées.
Les troubles métaboliques sont dus à un apport trop important en glucose et osmoles. De même que les désordres hydroélectrolytiques, ils peuvent être prévenus et contrôlés facilement.
Les complications les plus fréquentes sont la survenue de douleurs abdominales, des crampes, des diarrhées. Ceci peut être dû à une pullulation microbienne, un débit trop important, une concentration trop forte, une intolérance au lactose. La survenue d’une diarrhée brutale au cours d’une alimentation entérale impose l’arrêt momentané de la nutrition et un examen bactériologique des selles et du mélange nutritif. Ces complications sont en règle faciles à traiter, ce qui permet de poursuivre la nutrition entérale.