Les méthodes thérapeutiques : thérapie par capture de neutrons
Les neutrons, piégés par certains atomes comme le bore, les transforment en d’autres entités, elles-mêmes radioactives, génératrices de rayonnements ionisants, donc à pouvoir thérapeutique. En concentrant préalablement du bore «froid» dans des cellules anormales, puis en traitant celles-ci par un faisceau de neutrons, on met indirectement en œuvre une technique de radiothérapie interne. C’est la thérapie par capture de neutrons.
Le 19 décembre 2002, l’AFP annonçait une première mondiale réalisée par une équipe italienne de Pavie dans le domaine de la lutte contre le cancer. Un jeune patient atteint d’un cancer du foie, considéré comme incurable, a été traité par une technique originale. De nombreuses métastases dans le foie avaient été décelées par échographie et les chances de survie avaient été estimées à 4 ou 5 mois. Le patient avait subi en 2000 une ablation de l’intestin à la suite d un cancer du colon.
Pour tenter de guérir ce malade, une technologie originale a été mise en œuvre. Le patient a tout d’abord été traité avec une solution de boronophénylalanine, un dérivé d’acide aminé qui a la particularité de se fixer plus fortement sur les cellules cancéreuses que sur les cellules normales, donc sur les cellules tumorales du foie. Après un certain temps d’incubation, le foie entier a été prélevé par chirurgie, lavé, transporté au réacteur nucléaire de recherche de Pavie où il a été complètement irradié par un bombardement neutronique pendant onze minutes avant d’être rapporté à l’hôpital pour être réimplanté dans le patient. Il s’est écoule 35 minutes entre les deux actes chirurgicaux. Toutes les métastases étaient détruites au bout de dix jours, et le tissu hépatique s’est reconstitué lentement. La réussite de l’opération n’a été annoncée qu’à la date anniversaire et le patient se portant bien a récupéré un foie normal.
En théorie, cette technique pourrait être applicable à tous les organes transplantables, reins, pancréas, poumons et doit une partie de son succès à l’absence de risque de rejet. Néanmoins, le foie possède l’avantage d’être un de ces rares organes qui se reconstitue naturellement avec le temps, donc facilite l’opération car le tissu sain subit aussi une part importante de destruction.
On connaît depuis longtemps les propriétés du Bore 10, isotope stable, qui, soumit à un rayonnement de neutrons, se transforme en Bore 11 instable se désintégrant rapidement en Lithium 7 sous une forme chargée et en Hélium 4 (en fait une particule alpha), à effets hautement ionisants. Plusieurs essais de traitement par irradiation externe avec un flux de neutrons d’un organe dans lequel s’est concentrée une substance contenant du bore ont été réalisés dans le passé. Deux produits contenant du bore, la boronophénylalanine et le borocaptate de sodium, ont des propriétés intéressantes qui leur permettent de se concentrer plus particulièrement dans des cellules tumorales. D’autres produits sont en cours d’évaluation, mais aucun n’est officiellement autorisé, tous ces essais se faisant pour le moment dans le cadre d’études cliniques. Les neutrons utilisés sont de faible énergie mais peuvent aussi agir sur d’autres atomes naturellement présents en grandes quantités dans les cellules telles que l’hydrogène ou l’azote. Néanmoins la réactivité de ces atomes vis-à-vis des neutrons est faible comparée à celle du bore et les effets secondaires pouvant en résulter sont considérés comme négligeables, à condition d’atteindre des taux élève de bore dans le tissu à irradier.
La technique est connue depuis le début des années 50. Elle s’est tout d’abord intéressée aux cancers de traitement complexe et difficiles d’accès, tels que les tumeurs du cerveau (glioblastomes et astrocytomes). Plus récemment, la technique s’est orientée vas le traitement de certains mélanomes. Elle n’est pourtant efficace que si une forte concentration de molécules contenant du bore est atteinte au niveau de la tumeur. Comme pour tous les radiopharmaceutiques, l’élément important de cette technique réside dans la qualité et la spécificité du vecteur.
Cette technique appelée Thérapie par Capture de Neutrons par le Bore (en anglais Boron Neutron Capture Therapy, BNCT) et cependant limitée par la disponibilité du matériel d’irradiation (une source de neutrons, donc un réacteur ou un accélérateur à proximité) et par les effets secondaires de ce rayonnement sur les organes et les cellules saines. L’extraction de l’organe et son irradiation en dehors du milieu hospitalier contournent tous ces inconvénients. La technique restera cependant limitée aux patients dont la maladie est confinée à un seul organe. En présence de métastases osseuses en plus des métastases hépatiques, un traitement de fond complémentaire aurait été nécessaire. Le résultat aurait été beaucoup plus aléatoire car essentiellement dépendant de la résistance du patient.
Cette première chirurgicale ouvre des perspectives nouvelles dans le traitement de certains cancers et accélérera le développement de nouvelles molécules à base de bore.
Enfin, rappelons à ce stade que la neutronothérapie, à l’origine, est une technologie d’irradiation directe des tissus cancéreux par des neutrons, qu’elle nécessite un équipement très particulier et que les neutrons sont des particules très ionisantes, donc très délicates à manipuler. La neutronothérapie est une technique de radiothérapie qui, suivant notre définition initiale, sort du champ de la médecine nucléaire.