Les effets du placebo
Le placebo amène un certain nombre d’effets bien réels et objectivables, et, d’un point de vue à la fois scientifique et éthique, il est probablement plus correct de les reconnaître et de les utiliser, même si aucune théorie satisfaisante n’a encore été capable de les expliquer, ou de les négliger sous prétexte de non- spécificité. Le fait de ne pas connaître le mécanisme d’action du placebo n’est d’ailleurs pas, en soi, un véritable obstacle à son utilisation. Le véritable problème réside en fait dans le discours du prescripteur et dans la forme de la prescription, car ceux-ci découlent souvent de motivations secrètes, pour ne pas dire inconscientes, du thérapeute. Un de nos maîtres en psychiatrie avait pour habitude de déclarer sous forme de boutade que « seuls les psychanalystes devraient être autorisés à prescrire du placebo », ce qui était parfaitement logique puisqu’à l’époque, la psychanalyse régnait sans partage et représentait la seule amorce de sens à la psychiatrie. Le psychanalyste était donc censé être le seul à avoir accès à son propre inconscient, et par conséquent était le seul à véritablement savoir ce qu’il faisait.
La clarté des intentions
La prescription d’un placebo peut en effet recouvrir une multitude de significations plus ou moins inconscientes chez le prescripteur. Elle peut, par exemple, cacher une énorme agressivité : « Ce patient me met en échec, je vais lui montrer que ses symptômes ne sont que du vent. » Ce peut être aussi du mépris : « Je vais lui prouver qu’il (ou elle) n’est qu’un (e) hystérique », ou bien carrément du sadisme :
« Il peut bien attendre un peu avant detre soulagé. » Parfois aussi, il masque difficilement un sentiment de toute-puissance de la psyché, en démontrant que la force du psychologique (et par conséquence de celui qui le maîtrise) est supérieure à celle de la pharmacologie. En quelque sorte, le triomphe de l’esprit sur la matière. Selon l’intention secrète de chaque prescripteur, il est tout à fait évident que la prescription du placebo revêt des formes quelque peu différentes et que le message non verbal perçu par le patient peut également varier, ce qui d’ailleurs fait sans doute partie des éléments qui rendent le placebo efficace ou non, bénéfique ou négatif dans telle ou telle situation.
Lorsque le médecin ment volontairement, même si c’est pour la bonne cause, il émet forcément, à moins d’être un acteur consommé, rompu aux techniques d’art dramatique, un certain nombre de messages non verbaux, attitudes corporelles, inflexions de la voix, expressions du visage, etc., qui ont toutes les chances d’être perçues plus ou moins inconsciemment par son interlocuteur. Tous les ingrédients sont réunis pour mettre en scène une relation faussée, source de méfiance réciproque. Des questions plus ou moins insidieuses pourront dès lors être posées sur la nature exacte de ce fameux « remède miracle », amenant chacune un nouveau mensonge. Il paraît difficile, dans ce contexte, d’espérer une attitude positive et confiante de la part d’un patient qui doute de la parole de son thérapeute. C’est pourtant la conviction du prescripteur et son corollaire, la confiance du malade, qui sont les moteurs principaux de l’effet placebo. On arrive donc à un paradoxe dramatique puisque la série de mensonges déclenchés par la prescription mal comprise d’un placebo risque de détruire l’effet du placebo. Le seul moyen pour le praticien d’éviter le mensonge qui trahit est alors d’utiliser la formulation correcte : « Je vous prescris ce traitement, car il est le meilleur possible dans votre cas », ce qui implique évidemment que le médecin ne dise pas qu’il s’agit d’un placebo puisque, dans ce cas, le traitement risquerait de perdre toute efficacité et ne serait donc plus « le meilleur possible ».
Vidéo : Les effets du placebo
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Les effets du placebo
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