Fusionner les laboratoires pharmaceutiques pour maximiser les rendements
La première solution, la plus simple, consiste à organiser des regroupements, des fusions et des absorptions, afin de réaliser des économies d’échelle.
En 2002, suite au rachat de Warner Lambert, d’American Home Products puis de Pharmacia (qui avait lui-même absorbé Upjohn et Monsanto), Pfizer est le premier laboratoire au monde : il représente 11 % du marché mondial des médicaments — quinze ans plus tôt, Merk, qui occupait cette position, ne détenait que 5 % de ce même marché. Les géants britanniques Smith Kline Beecham et Glaxo Wellcome ont fusionné en 2000 (après que Glaxo et Wellcome se sont eux- mêmes regroupés en 1995). Sandoz et Ciba-Geigy ont eux aussi fusionné en 1996, parce que leurs grands médicaments allaient tomber dans le domaine public. En Europe, Aventis a regroupé Hoescht et Rhône-Poulenc en 1999 ; et la même année, Sanofi a absorbé Synthélabo, qui manquait de nouveaux médicaments (et le groupe issu de cette fusion est à son tour en attente de regroupements).
Ces fusions entraînent des économies d’échelle importantes, en premier lieu grâce à la fermeture de sites industriels ; elles permettent de regrouper des services communs de recherche, comme la toxicologie, qui sont souvent surdimensionnés et donc inoccupés du fait de la baisse du rythme des découvertes. Les fusions permettent aussi de gagner du temps, de maximiser le rendement des médicaments pendant la durée de temps où ils sont protégés par un brevet. Car un laboratoire qui ne couvre pas le monde entier, avec des réseaux de visiteurs médicaux dans tous les pays, des équipes médicales influentes et capables de déposer des dossiers adaptés auprès des autorités de santé et d’obtenir des autorisations de mise sur le marché dans les meilleurs délais, des indications larges et des prix élevés, perd un temps précieux, qui ne se rattrape pas. Les fusions ont donc pour premier objectif de créer une force de frappe dans tous les pays importants, sans être obligé de faire des alliances coûteuses et de confier des licences à d’autres laboratoires. Elles permettent également de créer un rapport de forces maximal avec chaque État national, quitte à le menacer de se retirer et de ne plus commercialiser ses médicaments si les conditions d’exploitation et les prix ne sont pas satisfaisants.
De nombreux laboratoires ont utilisé l’argument de la « taille critique » pour justifier les fusions. Mais cette notion reste très vague : dans la phase actuelle de rendements décroissants, il semble bien que l’on n’atteigne jamais cette fameuse taille critique qui permettrait de maximiser le rendement desblockbusters disponibles (c’est toujours la prochaine fusion qui permettra de l’atteindre…). Ce qui est certain, c’est que plus la taille d’un laboratoire est importante et plus il doit mettre sur le marché de nouveaux blockbusters pour maintenir son taux de profit.