Quelques remarques sur l’état actuel de la pédopsychiatrie
Évolution de la demande du socius:
Le sociologue J.-Y. Barreyre a bien montré que la demande du socius a beaucoup changé, depuis trente ou quarante ans, vis-à-vis de la pédopsychiatrie.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, en Europe, la pédopsychiatrie était sollicitée pour penser les enfants et les adolescents en matière de sujets souffrants et, à la lumière des expériences concentrationnaires, la psychiatrie a voulu sortir des murs de l’asile, ce qui a été facilité par le développement des psychotropes, et ce qui a donné lieu au développement de la politique des secteurs extrahospitaliers.
Aujourd’hui, le socius demande surtout aux pédopsychiatres de raboter des symptômes (les troubles obsessivocompulsifs, l’hyperactivité, les abus sexuels, la violence des adolescents…) et on parle moins de souffrance et de sujets.
C’est peut-être à propos du bébé que le concept de sujet se maintient le plus (« Le bébé est une personne ») et il y a sans doute là une responsabilité importante de la psychiatrie du bébé à exercer à l’égard du reste du champ de la pédopsychiatrie.
La pédopsychiatrie maltraitée:
— Un exemple parmi d’autres : 80 000 jeunes atteints de troubles du développement associés à des traits autistiques plus ou moins marqués dont la plupart vont
vers des IME beaucoup moins bien dotés que les hôpitaux de jour en temps et personnel soignant (1 psychiatre pour 150 à 200 enfants et 1 éducateur pour 7, contre
1 éducateur pour 2 ou 3 enfants et 1 psychiatre pour 12 enfants dans les hôpitaux de jour).
— Réduction programmée du nombre de psychiatres et de pédopsychiatres.
— Mise à mal de la politique de secteur, qui depuis 1970 n’est pourtant pas encore menée partout à son terme et qui n’a pas, de ce fait, encore porté tous ses fruits, même si elle fait, dans son principe, l’admiration du monde entier.
La pédopsychiatrie (et peut-être la médecine tout entière) n’est pas une dépense comme les autres.
On ne peut pas réduire sa conception à une simple politique de coût.
Un équilibre rigoureux entre Direction des hôpitaux et Direction générale de la santé a été perdu et doit être à nouveau recherché par une réhabilitation de la Direction de la santé mentale, laminée par la politique purement économique de nos Agences régionales de l’hospitalisation.
L’éthique d’une société se mesure à l’aune de l’attention qu’elle accorde à ses membres les plus déshérités sur le plan de la psychopathologie ou du handicap mental.
L’engagement présidentiel en matière de handicap ne doit pas faire oublier la maladie mentale et la pédopsychiatrie qui ne saurait, en aucun cas, se résumer à des questionnements purement symptomatiques.
Il importe de ne pas céder au consensus tacite qui existe souvent entre le public et les médias pour exclure la complexité.
Bien entendu, ce consensus nous confronte immanquablement à la complexité et celle-ci à la souffrance, à la mort et à la sexualité, mais cette complexité est inévacuable.
Selon Albert Einstein, « il faut rendre les choses complexes aussi simples que possible, mais pas plus simples que possible ». La vie est compliquée, le développement normal est complexe, et la pathologie l’est également, il ne sert à rien de vouloir le dénier.
Nous avons un effort nécessaire à faire envers les médias afin d’éviter tout triomphalisme illusoire et source de déception, et aussi parce que l’image que les médias donnent de nous, pédopsychiatres, infléchit subrepticement notre fonctionnement à notre insu (dialectique profonde).
Nous devons veiller à ne pas nous laisser dérober la psychopathologie (fleuron de l’école française) et à revaloriser sans relâche la clinique de l’histoire à côté de la clinique de l’instant, et conjointement à celle-ci.
« On se lasse de tout sauf de comprendre », écrit Virgile, et comprendre c’est déjà soigner, alors que décrire n’est qu’un premier pas de la compréhension.
Mais restons optimistes dans l’action, à défaut de pou-voir l’être dans la pensée, car les raisons d’espérer existent : il en est ainsi du changement qui s’opère aujourd’hui chez les étudiants qui ne veulent plus se contenter du DSM-IV comme seul manuel de psychopathologie.
Certes, je l’ai dit, la grande époque du structuralisme est passée qui laissait entrevoir une perspective unitaire du fait humain.
Mais la pédopsychiatrie ramène quelque chose de cette ambition, et j’espère – en dépit de tout – vous l’avoir fait suffisamment sentir ce soir.
Vidéo : Quelques remarques sur l’état actuel de la pédopsychiatrie
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