Les reves, créatures du sommeil
Depuis l’aube de l’histoire, l’humanité s’est intéressée à l’origine et à la signification des rêves. Les sociétés primitives concevaient les rêves comme partie intégrante de la vie de leurs membres. Un Indien d’Amérique du Nord qui rêvait qu’il avait été mordu par un serpent se soignait immédiatement à son réveil contre les morsures de reptiles. Quelques tribus croyaient que l’origine des rêves était dans l’âme, qui quittait le corps pendant le sommeil pour parcourir le monde et qui manifestait son retour par le réveil du dormeur. Aussi était-il interdit de réveiller quelqu’un brutalement : son âme pouvait ne pas avoir le temps de regagner son corps. Dans les religions anciennes, depuis les religions sumérienne et babylonienne jusqu’à la religion grecque, les rêves étaient conçus comme un moyen de communication entre les dieux et les mortels. Les rêves étaient l’instrument de prophéties et permettaient de comprendre les intentions et les désirs des dieux. Saül désespère et se plaint au prophète Samuel en ces termes : « Et Dieu m’a abandonné et ne me répond plus, ni par les prophètes ni par les songes » (Samuel, 28- 15). Des gens, venus de tout le Moyen-Orient, accomplissaient des pèlerinages dans des lieux rituels spécifiques, dont les plus célèbres riaient les temples de Delphes en Grèce et de Memphis en Égypte, uniquement dans le but de rêver. Les pèlerins dormaient dans 1 enceinte du temple avec l’espoir que les dieux, ou les âmes des défunts, apparaîtraient dans leur sommeil. Au matin, la grande prêtresse interprétait leurs rêves et instruisait les rêveurs sur les actions qu’ils devaient accomplir. Plus tard, on crut que les songes résultaient des effets de stimuli physiques ou externes sur le cerveau du dormeur et que, par conséquent, les rêves accomplis avaient une valeur de diagnostic dans la mesure où ils concernaient la condition physique du rêveur. L’intérêt que l’on portait aux songes s’accrut tout particulièrement au XIXe siècle, quand le rêve commença à être considéré comme une passerelle entre la pensée normale et les hallucinations des malades et des fous. Il est certain que l’intérêt pour les rêves a atteint son point culminant après que Freud leur eut accordé une importance capitale dans la théorie psychanalytique. Dans son livre L’Interprétation des rêves, publié en 1900, Freud affirme que les rêves sont « la voie royale vers la connaissance des activités inconscientes de l’esprit ».
Freud et la psychanalyse sont aussi, pour une large part, responsables de l’image et de la signification populaires du rêve au XXe siècle. L’analysant allongé sur un divan de psychanalyste et relatant ses rêves est devenu le sujet d’innombrables plaisanteries et caricatures, mais, selon Freud, il ne suffit pas de raconter simplement un rêve pour guérir, car le récit de l’analysant est un recouvrement ou un camouflage du contenu latent du rêve, qui ne peut être mis au jour que par la psychanalyse.