LES INFECTIONS BACTERIENNES ET PARASITAIRES DU FOIE:LA TUBERCULOSE HEPATIQUE
la tuberculose est une cause non négligeable de granulomatose hépatique puisque,dans80%descasdetuberculosemiliaire, le foie est impliqué, l’atteinte hépatique isolée étant possible mais en fait très rare.
Diagnostic des diverses formes de tuberculose hépatique
Dans le cas de tuberculose isolée, l’atteinte ne peut être reconnue que sur l’étude histologique et bactériologique d’un fragment de foie prélevé par biopsie.
La-tuberculose hépatique est habituellement associée à une tuberculose périto- néale. La laparoscopie reste le meilleur examen pour en faire le diagnostic : elle montre des granulations péritonéales ainsi que des adhérences épiploïques dont l’histologie est
lymphocytes, de cellules épithélioïdes et de cellules géantes multinucléées. La mise en culture des biopsies hépatiques et/ou péritonéales permet d’identifier le bacille de Koch.
Une forme de tuberculose, assez rare chez les Français, mais susceptible d’être observée chez les Africains transplantés, est la tuberculose des ganglions du péaicule hépatique. Cliniquement, elle peut se traduire par un syndrome de cholestase extra-hépatique consécutif à une compression des voies biliaires principales ou par des signes d’hypertension portale. Elle peut aussi donner lieu à la constitution de calcifications, visibles sur les radiographies d’abdomen sans préparation.
Le traitement
La tuberculose hépatique se traite, tout comme les autres localisations de la maladie, par la triple association, isoniazide- rifampicine-éthambutol. Habituellement, le fonctionnement hépatique est suffisamment bon pour permettre l’emploi de l’association isoniazide-rifampicine, dont la tolérance biologique sera régulièrement contrôlée. Cependant, si l’atteinte biologique hépatique est notable, on évitera remploi de cette association.
L’évolution de la tuberculose hépatique après un traitement bien conduit se fait le plus souvent vers la restitutio ad integrum du parenchyme hépatique. Parfois, cependant, subsistent des séquelles : discrète fibrose résiduelle ou même calcifications parenchyma- teuses, dont la présence peut éventuellement permettre un diagnostic rétrospectif.
L’AMIBIASE HEPATIQUE
l’amibiase hépatique est liée à la colonisation du foie par l’amibe pathogène Entamœba histolytica, qui se multiplie in situ et phagocyte les tissus nécrosés.
C’est à partir d’un foyer colique que s’effectue l’invasion hépatique, l’amibe essaimant par voie portale. En effet, l’atteinte hépatique est toujours secondaire à une infestation intestinale (constante dans la maladie, même si elle a pu passer inaperçue) en rapport avec une contamination orale par de l’eau ou des crudités souillées.
La fréquence de la localisation hépatique de l’amibiase varie selon la contrée d’origine du parasite. Si des complications hépatiques émaillent volontiers l’évolution d’une amibiase contractée dans les pays tropicaux, la survenue en est moins fréquente au cours des amibiases nord-africaines, et est franchement rare lorsque l’affection est autochtone.
Il faut enfin noter que l’atteinte hépatique survient lorsque l’amibiase intestinale n’est pas (ou plus) cliniquement évolutive.
Les caractéristiques cliniques
Il convient au préalable de formuler trois remarques d’ordre épidémiologique utiles au diagnostic :
— l’amibiase hépatique atteint électivement l’adulte de sexe masculin, la relative protection dont semblent bénéficier la femme et l’enfant trouvant peut-être une explication dans une protection hormonale au niveau du foie ;
— la localisation hépatique apparaît souvent comme primitive, l’atteinte colique étant passée complètement inaperçue et tout se passant comme si le parasite ne pouvait se multiplier dans la paroi colique, mais en était capable dans le foie ;
— la notion d’un séjour dans une région tropicale d’endémie effectué de quelques mois à plusieurs dizaines d’années plus tôt est quasiment toujours retrouvée.
Cliniquement, dans les formes classiques, le début des troubles est marqué par l’apparition brutale ou progressive d’une fièvre et d’une hépatomégalie douloureuse.
La fièvre, élevée, oscillante, s’accompagne d’une altération massive de l’état général. L’hépatomégalie est ferme, douloureuse avec des irradiations scapulaires majorées par l’inspiration, ce syndrome pleurétique ou pseudo-pleurétique droit s’expliquant par la fréquence des lésions dans le lobe droit du foie.
On retrouve parfois une tuméfaction limitée et une douleur exquise : ce point d’hypersensibilité correspond à l’espace intercostal en regard de l’abcès. Il existe une douleur à l’ébranlement qu’on ne recherchera que si le syndrome algique est fruste.
Lorsque l’abcès siège dans le loge gauche (15 % des cas environ), il peut être palpable, voire visible dans la région épigastrique.
Les formes cliniques particulières
Si, dans sa forme typique, l’amibiase hépatique est facilement reconnue, il est des formes susceptibles de poser des pièges diagnostiques. Ainsi les formes fébriles pures, caractérisées par la discrétion de la sympto- matologie locale, qui se résume à l’existence d’une népatomégalie, peuvent être confondues avec un paludisme de primo-invasion ou une septicémie.
Parfois aucune notion de séjour en pays d’endémie n’est retrouvée ; il ne faut toutefois pas éliminer alors systématiquement l’éventualité d’une amibiase, de rares cas de contamination autochtone ayant été décrits.
Dans certaines formes existe une douleur vésiculaire qui peut en imposer pour une cholécystite. Ailleurs, la mise en œuvre d’un traitement aveugle ayant partiellement et transitoirement refroidi l’abcès peut parfois être responsable d’un retard diagnostique ; certains antibiotiques ou antipaluaéens possèdent cet effet.
Enfin, il existe des formes fulminantes, ainsi que des formes très évoluées à la symptomatologie bruyante avec cachexie, hépatomégalie pseudo-tumorale et suppuration pleuro-pulmonaire par rupture intra- thoracique de l’abcès, mais elles se voient essentiellement dans les pays tropicaux et sont, en France, de survenue exceptionnelle.
Les examens complémentaires
La première série d’examens destinés à affirmer l’existence d’un abcès comporte :
la numération formule sanguine, qui montre une hyperleucocytose, le nombre des leucocytes s’établissant généralement au-dessus de 10 000 par millimètre cube, avec polynucléose
— neutrophile sans éosino- philie ; parfois, l’hyperleucocytose reste modeste, mais sans qu’il y ait jamais cependant de neutropénie ;
— la vitesse de sédimentation, qui est élevée, en règle supérieure à 50 millimètres à la première heure ;
— une radiographie pulmonaire, qui objective parfois une surélévation de l’hémicoupole droite, une condensation de la base droite ou un épanchement pleural, signes évocateurs mais inconstants et dont l’apparition est retardée ;
— une exploration fonctionnelle hépatique, normale ou discrètement perturbée, les premiers signes à apparaître étant une diminution de l’élimination de la BSP et une augmentation des phosphatases alcalines ;
— une scintigraphie ou mieux une échographie, qui affirmera l’abcès du foie en visualisant des lacunes, siégeant le plus souvent (85 % des cas) dans le lobe droit ; rappelons que la tomodensitométrie, si elle est possible, permet une analyse morphologique et topographique des lésions encore plus fine.
Dans un second temps, la nature amibienne de l’abcès est affirmée :
— sur la notion de séjour en pays d’endémie, et/ou éventuellement d’atteinte colique antérieure retrouvée lors de l’interrogatoire ;
— grâce à la recherche directe d’amibes dans les selles, laquelle n’est positive que dans un quart des cas environ ;
— grâce aux réactions immunologi- ques spécifiques surtout. Ces dernières sont
fiables ; les taux obtenus sont très élevés, supérieurs à 1/80 en immuno-fluorescence, supérieurs à 1/64 en hémagglutination. L’immuno-électrophorèse met en évidence la présence d’un arc spécifique. Cependant, ces réactions, dans l’abcès hépatique, ne deviennent positives qu’entre le cinquième et le dixième jour ; il existe par ailleurs un risque de fausses réactions positives (cancer primitif du foie chez l’Africain par exemple) et également de faux négatifs (exceptionnels il est vrai).
Le traitement
De toute façon, dès que le diagnostic est porté, voire simplement évoqué, le traitement doit être immédiatement mis en œuvre, avant même que soient connus les résultats sérologiques. Ce n’est qu’à ce prix que peut être prévenue l’apparition de complications : extension du foyer de nécrose intra- hépatique, fistulisation dans la plèvre, le poumon, le péricarde ou un viscère creux, ou autre localisation amibienne dans un organe à distance.
Le traitement comporte un double aspect : il faut d’abord détruire les amibes présentes dans les lésions hépatiques et également prévenir le risque de récidive par une stérilisation du tube digestif.
Le traitement curatif
Il repose sur des moyens médicaux, mais ceux-ci doivent parfois être assortis d’une évacuation chirurgicale du contenu de l’abcès.
- Le traitement médical
Le traitement médical de l’amibiase hépatique est essentiellement représenté par le métronidazole, prescrit par voie orale à la dose de 1,5 g à 2 g par jour pendant dix jours. D’autres substances dérivées du métronidazole peuvent également être utilisées : ce sont le
tinidazole, le séconidazole, et l’ornidazole. Ces médicaments sont habituellement très bien tolérés et leur efficacité est remarquable, s’exerçant aussi bien sur l’atteinte hépatique que sur l’atteinte digestive de l’amibiase.
Les résultats de ce traitement sont habituellement spectaculaires, avec disparition de la douleur en 2 ou 3 jours et défervescence rapide. L’hépatomégalie régresse plus lentement et la vitesse de sédimentation met un mois environ à revenir à des valeurs normales. Le titre des réactions sérologiques commence à décroître vers le troisième-quatrième mois du traitement. Quant aux cavités hépatiques constatées par la scintigraphie hépatique ou l’échographie, elles disparaissent en deux à dix mois selon leur taille initiale, avec resti- tutio ad integrum du parenchyme hépatique.
Les échecs du métronidazole sont rares. Quand tel est cependant le cas, on peut utiliser la déhydroémétine par voie sous- cutanée, à la dose de 1,5 mg par kilo et par jour, pendant dix jours. On associera alors la chloroquine, à la posologie de 0,40 g par jour, pendant dix jours également, cette substance agissant en synergie avec la déhydroémétine sur les localisations hépatiques.
- Le traitement chirurgical
Le traitement chirurgical n’a plus que des indications restreintes depuis l’utilisation du métronidazole.
Il est toutefois indispensable :
— lorsque le diagnostic d’abcès amibien est porté à l’occasion d’une fistulisation à la peau ou d’une rupture dans un organe de voisinage ;
— lorsque l’abcès est de très gros volume, et surtout s’il est situé dans le lobe gauche (risque de tamponade) ; l’évacuation chirurgicale ramène un pus brun-rouge chocolat contenant des amibes. Le traitement médical doit encadrer le traitement chirurgical et commencer avant l’intervention pour, ensuite, être poursuivi selon les modalités habituelles ;
— lorsque, malgré un traitement médical bien conduit, les signes locaux et généraux persistent de façon inquiétante.
Enfin, certains auteurs pratiquent volontiers une ponction évacuatrice systématique à double visée, diagnostique et thérapeutique, lorsque l’abcès a un volume suffisant et que sa situation, dans la partie externe du lobe droit, le rend aisément accessible.
La prévention des récidives
La stérilisation de la lumière colique, dont l’obtention est indispensable à la prévention des récidives, fait appel à la prescription d’amœbicides non absorbables : diphé- tarsone et oxyquinoléine, administrés de façon séquentielle pendant 30 jours environ. En effet, l’efficacité du métronidazole (ou de ses dérivés) sur les formes intestinales n’est réelle que dans 80 % des cas. Quant à l’émé- tine, elle n’a que peu d’action sur les amibes présentes dans la lumière colique.