LES HEPATITES AIGUËS TOXIQUES ET MEDICAMENTEUSES
Acôté des agents viraux spécifiques, A certains toxiques et de nombreux médicaments peuvent déclencher un processus hépatitique aigu ; ainsi en est-il en particulier de l’alcool, qui reste actuellement en France le plus grand pourvoyeur de cette pathologie.
L’hépatite alcoolique
L’hépatite alcoolique représente la forme la plus fréquente d’hépatite toxique en France. Lorsqu’un individu absorbe une forte quantité d’alcool, il peut habituellement la métaboliser sans aucune lésion. Cependant, dans le cas contraire, trois lésions hépatitiques imputables à l’alcool sont possibles, à savoir la stéatose, l’hépatite alcoolique et enfin la cirrhose. Ces trois lésions peuvent d’ailleurs être diversement associées. Alors que la stéatose est constituée par l’infiltration du parenchyme hépatique par des globules graisseux en plus ou moins grand nombre, l’hépatite alcoolique est caractérisée par deux lésions hépatiques distinctes, qui sont la nécrose des hépatocytes et la présence de corps de Mallory. La nécrose hépatocytaire est de type acidophile. Elle s’accompagne d’une réaction inflammatoire essentiellement à polynucléaires. Les corps de Mallory sont des inclusions éosinophiles de trois microns de longueur, visibles dans le cytoplasme de certains hépatocytes. Leur absence n’autorise pas à éliminer le diagnostic d’hépatite alcoolique. Leur présence n’en est pas davantage pathognomonique.
Le diagnostic
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La forme habituelle
La forme la plus courante d’hépatite alcoolique est annoncée par des douleurs abdominales et de la fièvre. Un ictère s’y associe, en général modéré. A l’examen, le foie est normal ou peu augmenté de volume, à moins que l’hépatite alcoolique ne survienne sur une cirrhose déjà constituée. La biologie oriente très valablement le diagnostic car, dans les cas les plus typiques, on observe une hyperleucocytose parfois très importante (jusqu’à 30 000 leucocytes par millimètre cube). Cette hyperleucocytose s’accompagne d’une polynucléose neutrophile. La bilirubine est élevée, fonction de l’ictère. Les transaminases surtout ont un profil un peu particulier : elles sont en général modérément élevées (inférieures à 300 milliu- nités internationales par millilitre), les transaminases SGOT (ASAT) étant plus élevées que les transaminases SCPT (ALAT), ce qui est assez particulier à cette forme d’hépatite. Dans certains cas, les ASAT sont seules élevées, les ALAT étant normales. Les phosphatases alcalines sont normales (ou peu élevées). Le dosage de la #-glutamyl transpeptidase n’a guère d’intérêt ici. Cette enzyme n’a pas, en effet, la spécificité qu’on lui prête habituellement. Son élévation est constante dès lors qu’une des deux transaminases au moins est élevée. Si les deux transaminases sont normales, l’élévation de la £ -glutamyl transpeptidase oriente vers une hépatopathie, alcoolique ou d’une autre origine. L’association à une augmentation du volume globulaire moyen (VGM) des hématies est plus spécifique. Le diagnostic de certitude de l’hépatite alcoolique repose sur une ponction-biopsie hépatique. Cette biopsie est précédée d’une échographie hépatique dans les cas où on hésite avec une cholestase extra-hépatique. En effet, le risque est double : d’une part, il faut se garder de considérer ces patients comme chirurgicaux (cholécystite) car une intervention chirurgicale, inutile, serait mal tolérée, et d’autre part la biopsie hépatique n’est envisageable que si l’on a la certitude de l’absence d’un obstacle sur les voies biliaires extra-hépatiques. Cette forme habituelle de l’hépatite alcoolique rétrocède souvent en deux-trois semaines. La symptomatologie clinique et biologique régresse complètement. Il semble que la régression soit d’autant plus complète que l’hépatite alcoolique survient sur un foie préalablement sain. En revanche, si elle vient compliquer le cours d’une cirrhose, l’hépatite alcoolique peut revêtir un caractère de plus grande gravité.
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Les formes graves
C’est dans ces formes graves qu’on observe les plus fortes hyperleucocytoses, les anomalies biologiques comportant également une diminution de l’albumine, une augmentation des immunoglobulines avec ictère intense. Les signes de gravité de l’hépatite alcoolique sont l’intensité de l’ictère, l’existence d’une encéphalopathie hépatique et enfin l’existence de troubles de la coagulation (chute du taux de prothrombine). L’apparition d’un syndrome hépato-rénal (associant une insuffisance rénale et des troubles hydro- électrolytiques avec hyponatrémie et variations diverses de la kaliémie) serait également de très mauvais pronostic. Dans les formes où sont présents tous ces signes de gravité, l’évolution est souvent mortelle en quelques semaines malgré toutes les mesures thérapeutiques tentées. Dans les autres cas, il peut se constituer une cirrhose hépatique si elle n’existait pas auparavant.
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Les formes frustes
A l’opposé, on observe des formes frustes, marquées uniquement par une élévation modérée des transaminases SCOT (ASAT), sans ictère, sans fièvre, sans poly- nucléose. Ces formes atténuées ne seraient pas diagnostiquées si des examens biologiques hépatiques n’étaient pratiqués de façon systématique lorsque les patients sont hospitalisés en urgence. L’utilité de la biopsie hépatique est ici discutable, car l’évolution se fait généralement vers la régression de façon rapide et complète. Ces formes atténuées sont probablement extrêmement fréquentes.
L’évolution
Les diverses modalités évolutives possibles après une ingestion importante d’alcool sont schématisées sur le tableau P. 71 . Une stéatose alcoolique évolue généralement vers la guérison. Si l’intoxication alcoolique reprend, une nouvelle stéatose peut se produire, mais la stéatose pure n’évolue jamais vers la cirrhose. En revanche, l’évolution de l’hépatite alcoolique peut se faire soit vers le décès, soit vers la guérison, un moyen terme étant constitué par l’évolution soit rapide, soit progressive vers une cirrhose. La cirrhose hépatique alcoolique est en effet actuellement considé- rée comme l’aboutissant évolutif d’hepatites alcooliques à répétition. L’hépatite alcoolique sur cirrhose préalable rend compte de ce qu’on appelait, il y a peu de temps encore, l’ictère habituel des cirrhoses. Actuellement, on estime qu’une cirrhose ne se décompense pas sans cause déclenchante précise, par exemple la survenue d’une nouvelle hépatite chronique.
Le traitement
Il n’existe pas de traitement curatif d’efficacité certaine pour l’hépatite alcoolique. On a proposé les corticoïdes dans les formes graves, mais les diverses études qui ont été menées pour en apprécier l’action ont apporté des résultats contradictoires, la majorité d’entre elles concluant plutôt à leur inefficacité. On a également essayé l’insuline et le glucagon, seuls ou associés, et les antithyroïdiens de synthèse (propyl-thiouracile) avec des résultats qui, s’ils étaient prometteurs au départ, se sont révélés décevants quant à l’évolution à long terme et à la survie. La tendance actuelle en matière de traitement de l’hépatite alcoolique est de fournir une bonne alimentation, suffisamment riche en protides, et même d’y adjoindre volontiers des perfusions d’acides aminés. Pendant ce temps, le sevrage alcoolique est réalisé au mieux grâce à l’utilisation de divers sédatifs.
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