les chats revent -ils
Comme nous l’avons vu, le sommeil paradoxal n’est pas l’apanagé exclusif de l’être humain. À l’exception du dauphin et de l’échidné, chez lesquels il est absent ou prend peut-être une forme différente, il peut être clairement identifié chez tous les mammifères et chez la plupart des oiseaux. De surcroît, il est souvent plus aisé d’apercevoir le sommeil paradoxal chez des animaux comme le chien et le chat que chez l’homme. Chez le chien, par exemple, on peut discerner le sommeil paradoxal sans l’aide d’enregistrements électro-physiologiques. Pendant le sommeil paradoxal, les chiens sont plus actifs que les hommes ; ils bougent les pattes, les oreilles, les moustaches, remuent la queue, et même parfois ils semblent aboyer ou gémir, de sorte que l’observateur est aisément conduit à penser que l’animal fait l’expérience de quelque chose en dormant.
Ce degré d’activité élevé du chien pendant son sommeil constitue-t-il une preuve qu’il est en train de rêver ? Bien que nous ne possédions pas de réponse directe à cette question, il existe des preuves indirectes que le sommeil paradoxal chez les animaux est lié, en effet, à une sorte d’expérience du rêve semblable à celle que connaît l’être humain. La première étude scientifique effectuée sous contrôle et dont les conclusions ont été examinées était extrêmement originale, mais, pour des raisons qui restent obscures, elle n’a fourni qu’un rapport préliminaire. Afin d’essayer de savoir si les singes expérimentent quelque chose comme un rêve au cours du sommeil paradoxal, les chercheurs dressèrent un singe pour qu’il appuyât sur un bouton chaque fois que des films étaient projetés sur un écran. Une fois le singe dressé, on effectua un enregistrement électro physiologique de son sommeil afin de lui permettre de « raconter » son rêve. Le singe pressa le bouton instinctivement pendant le sommeil paradoxal, comme s’il voyait les films. Ces observations contiennent une certaine preuve que le singe a expérimenté quelque chose qui ressemblait aux films auxquels il avait été dressé à donner une réponse pendant son sommeil paradoxal. Je ne sais pas pourquoi seul un bref résumé de cette étude fut publié, mais il est possible que les premières découvertes ne furent pas corroborées par des observations ultérieures ou qu’il arriva quelque chose au singe, au cours de cette étude, qui força les chercheurs à
abandonner celle-ci en cours de route. Il est hors de doute qu’une étude de cette sorte requiert de longs mois d’entraînement intensif de l’animal avant que les tests de sommeil puissent même commencer.
Une autre preuve que les animaux font l’expérience de quelque chose d’analogue au rêve chez les êtres humains a été fournie par le travail de Michel Jouvet sur les chats. Le chat, qui passe la plus grande partie de la journée à dormir et dont le sommeil comporte un grand pourcentage de sommeil paradoxal, est très certainement le « champion du rêve ».
Grâce à un acte chirurgical extrêmement précis, Jouvet parvint à couper les passages neuronaux le long desquels les impulsions nerveuses qui inhibent les cellules nerveuses motrices de l’épine dorsale sont transmises pendant le sommeil paradoxal. Le résultat de cette chirurgie était que le chat pouvait entrer dans le sommeil paradoxal sans une perte de tonus musculaire, et l’on put observer alors un phénomène sensationnel : quand le chat entrait dans le sommeil paradoxal, il se levait et se lançait dans le répertoire comportemental le plus complexe qui fût, dans une série d’attitudes qui n’entretenaient aucun rapport avec ce qui se passait autour de lui. Après avoir observé de nombreux chats, Jouvet conclut que certains modèles comportementaux qui apparaissaient dans le sommeil paradoxal après la suppression du mécanisme inhibiteur étaient récurrents, parmi lesquels l’attaque, la défense et l’exploration. Pour un observateur, il semblait que l’animal était en train d’attaquer des ennemis invisibles à l’intérieur de sa cage ; il arrondissait le dos, ses poils se hérissaient, et il grondait, menaçant. Quelques secondes plus tard, il reculait, pris de panique, comme s’il percevait un invisible adversaire. Dans certains cas, l’animal se mettait debout et commençait à renifler tout autour de la cage comme s’il l’inspectait pour la première fois. Des tentatives pour détourner l’attention de l’animal à l’aide de flashes de lumière pendant qu’il était pris dans son rêve, ou même en lui présentant de la nourriture, furent sans effet. Le comportement du chat était complètement automatique ; certains considérèrent qu’il rappelait le somnambulisme humain. Les somnambules aussi, la plupart du temps des enfants ou des adolescents, se comportent automatiquement sans répondre aux sollicitations de leur environnement. Le somnambulisme, cependant, n’intervient pas pendant le sommeil paradoxal, mais toujours au cours du sommeil profond des stades 3 et 4, et il ne saurait donc être expliqué par la suppression du mécanisme qui inhibe le tonus musculaire.
Les découvertes de Jouvet sur les chats furent confirmées ensuite par le laboratoire d’Adrian Morrison à Philadelphie. Elles montrent une activité nerveuse intense dans le cortex cérébral moteur pendant le sommeil paradoxal. La paralysie motrice qui survient pendant le sommeil paradoxal fournit à l’organisme endormi un moyen de défense. Si l’inhibition ne se produisait pas, qu’est-ce qui empêcherait l’activation du modèle comportemental qui se crée de manière complètement automatique dans le cortex cérébral ? L’importance du mécanisme inhibiteur est ici mise en lumière, car les plus grands dangers que courent les enfants somnambules sont les blessures provoquées par le fait de se cogner à une multiplicité d’objets, de se perdre et de tomber.
Ces dernières années, des scientifiques ont observé des types de comportements humains qui rappelaient l’étrange comportement des chats de Jouvet. Les premiers à avoir décrit ce phénomène ont été Carlos Schenk, Mark Mahowald et leurs collègues de Min- neapolis, qui firent des rapports sur des personnes, surtout des hommes, qui venaient les voir au laboratoire de sommeil pour se plaindre de comportements violents pendant leur sommeil. Conformément aux témoignages donnés par leurs compagnes, ils s’éveillaient pendant la nuit et commençaient à se comporter de manière extrêmement violente sans aucune raison apparente, frappant tout ce qui se trouvait sur leur chemin. Au cours d’un colloque scientifique sur le sommeil, Schenk présenta une cassette vidéo qui montrait l’un de ces « réveils violents ». Il n’était pas difficile d’être impressionné par la force extraordinaire déployée par le comportement violent du sujet et par le fait qu’il s’agissait là d’une attitude purement « automatique ». Des enregistrements effectués sur des personnes qui souffraient d’attaques d’angoisse et de violence pendant leur sommeil révélèrent que celles-ci se produisaient peu après des réveils du sommeil REM. Bien que la raison de cette perturbation des mécanismes du sommeil onirique ne soit pas complètement éclaircie à ce jour, dans certains cas, on trouva des indices de dégénérescence du cerveau.
Quelle est la raison de l’activité intense qui se produit dans le cortex cérébral moteur pendant le sommeil paradoxal ? Jouvet, impressionné par le comportement moteur ordonné de ses chats opérés du cerveau, a fait l’hypothèse que l’un des rôles du sommeil
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paradoxal était d’activer les réseaux neuronaux qui sont liés au comportement instinctif. Les instincts sont une forme innée de comportement — en d’autres mots, des types de comportement moteur qui ne sont pas appris, mais imprimés dans le système nerveux avant même la naissance. Les modèles comportementaux de nombreuses espèces, qui incluent l’attaque, la défense ou l’accouplement, sont instinctifs, et les animaux accomplissent ces actes depuis la naissance, sans avoir été entraînés à le faire. Le premier sourire humain qui illumine un visage pendant le sommeil REM est un autre modèle instinctif de comportement ; le « sourire de rêve » parfait apparaît chez les nourrissons sans aucun apprentissage ou entraînement. Jouvet suppose que, pendant le sommeil paradoxal, ces réseaux neuronaux sont activés indépendamment des muscles qui sont liés aux cellules nerveuses et inhibés par le tronc cérébral. Cette activation est analogue à la mise à l’essai du programme d’un ordinateur géant effectuée pour s’assurer que l’ordinateur est prêt à fonctionner avant qu’il ne soit affecté à des tâches pratiques. Cette période de « rodage » permet au programmeur de découvrir tout problème passé jusque-là inaperçu et de mettre à l’épreuve les différentes fonctions de l’ordinateur avant de l’installer définitivement. Selon Jouvet, à cause de l’importance décisive des instincts pour la survie des espèces, les réseaux neuronaux liés aux instincts sont contrôlés chaque nuit.
Comme nous le verrons, ce n’est là qu’une des nombreuses théories sur le rôle du sommeil paradoxal qui ont été avancées ces dernières années.
Paradoxal était d’activer les réseaux neuronaux qui sont liés au comportement instinctif. Les instincts sont une forme innée de comportement — en d’autres mots, des types de comportement moteur qui ne sont pas appris, mais imprimés dans le système aveuxavant même la naissance. Les modèles comportementauxnombreuses espèces, qui incluent l’attaque, la défense ou l’ac- coupement, sont instinctifs, et les animaux accomplissent ces actes puis la naissance, sans avoir été entraînés à le faire. Le premier sourire humain qui illumine un visage pendant le sommeil REM est unautre modèle instinctif de comportement ; le « sourire de rêve» parfait apparaît chez les nourrissons sans aucun apprentissage ou entraînement. Jouvet suppose que, pendant le sommeil paradoxal, ces réseaux neuronaux sont activés indépendamment des muscles qui sont liés aux cellules nerveuses et inhibés par le cérébral. Cette activation est analogue à la mise à l’essai du programme d’un ordinateur géant effectuée pour s’assurer que l’ordinateur est prêt à fonctionner avant qu’il ne soit affecté à des tâches pratiques. Cette période de « rodage » permet au programmeurde découvrir tout problème passé jusque-là inaperçu et de mettreà l’épreuve les différentes fonctions de l’ordinateur avant de l’installer définitivement. Selon Jouvet, à cause de l’importance décisivedes instincts pour la survie des espèces, les réseaux neuronauxliés aux instincts sont contrôlés chaque nuit.
Comme nous le verrons, ce n’est là qu’une des nombreuses théories sur le rôle du sommeil paradoxal qui ont été avancées ces dernières années.