Les cancers du sein métastasés : Les solutions thérapeutiques
Selon quels critères allez-vous individualiser le traitement ?
Selon cinq principaux, qui sont :
- 1°- la présence ou non des récepteurs hormonaux et des récepteurs HER 2 qui permettra d’orienter la thérapeutique respectivement vers les-médicaments hormonaux ou vers l’herceptine ;
- 2°- le délai écoulé entre la fin du traitement de la tumeur primitive et l’apparition de la métastase ; plus ce délai est long et moins la maladie est agressive ;
- 3°- la localisation de la métastase, car certains sites vont requérir l’administration de traitements spécifiques. Ainsi, pour les métastases osseuses, nous prescrivons désormais, en plus des drogues de chimiothérapie ou d’hormonothérapie, des médicaments appelés bisphosphonates, qui diminuent considérablement les risques de complications au niveau du squelette. Ce traitement a constitué une avancée très importante car, il y a encore quatre ou cinq ans, les femmes atteintes de métastases osseuses souffraient fréquemment de fractures, au niveau des vertèbres ou du col du fémur ;
- 4°- l’état général de la patiente : on vérifiera, entre autres, la présence ou non d’hypertension, de diabète, de maladie cardiaque, etc. ;
- 5°- le souhait de la malade elle-même. Je m’explique : il est rare qu’on ait un seul traitement à proposer, et certains médicaments sont beaucoup plus toxiques que d’autres.
Rester à l’écoute de la patiente
Dans le contexte d’un cancer du sein avancé, où le traitement ralentit l’évolution de la maladie mais la guérit très rarement, de nombreuses femmes préfèrent renoncer à un lourd protocole de chimiothérapie, qui leur donne 5 % de chances Supplémentaires d’efficacité car elles redoutent les effets secondaires qui nuiront fortement à leur qualité de vie. Elles opteront dès lors pour un traitement plus « doux », quitte à perdre cet éventuel bénéfice supplémentaire de 5 %.
L’important, c’est de garder espoir : j’explique aux femmes atteintes d’un cancer du sein avancé qu’il peut, demain, y avoir une découverte qui va changer radicalement leur pronostic : je donne l’exemple de l’herceptine qui permet désormais à des femmes atteintes d’une forme de cancer très agressive de vivre de longues années ! C’est bien la preuve qu’un nouveau médicament peut changer le visage de la maladie ! Dans les prochaines années, d’autres drogues du même type vont certainement arriver sur le marché.
Quelles sont les armes dont on dispose actuellement pour combattre ces cellules cancéreuses ayant envahi un ou plusieurs organes ?
Il faut tout d’abord bien différencier les armes « ciblées » des armes « non ciblées ».
A quels types de cancer s’adressent les armes ciblées ?
Les traitements hormonaux
- 1°- Un premier type de traitement concerne les cancers hormonodépendants (la majorité des cancers du sein) : c’est l’hormonothérapie. Il existe plusieurs protocoles que l’on peut utiliser en séquence (en cas d’échec d’un premier traitement, on passe à un second) car ils ont différents mécanismes d’action. Parmi eux, l’anti-œstrogène « tamoxifène » couramment prescrit est capable de neutraliser les récepteurs (sortes de petites antennes sur la cellule) qui reconnaissent habituellement ces hormones ostrogéniques, lesquelles stimulent la croissance des cellules cancéreuses du sein en se servant des récepteurs comme courroie de transmission. Un anti-œstrogène plus récent, appelé « faslodex », agit via un mécanisme un peu différent : il détruit le récepteur et peut se révéler efficace après échec du tamoxifène.
Une deuxieme famille de medicaments hormonaux, appelés antiaromatases, a la capacité d’abaisser spécifiquement la production d’œstrogènes résiduels de la femme ménopausée. Ces médicaments diminuent en quelque sorte la « nourriture » des cellules malignes du sein. On peut dire qu’ils leur coupent les vivres !
Un troisième type de traitement hormonal consiste à administrer un progestatif, dont le mécanisme d’action n’est pas encore tout à fait élucidé mais dont on sait qu’il est antiprolifératif. Enfin, chez les femmes jeunes, une stratégie antihormonale très efficace consiste à mettre les ovaires au repos : cela peut se faire de manière réversible à l’aide d’implants médicamenteux sous la peau, ou de manière définitive, par chirurgie (ablation des ovaires) ou radiothérapie (irradiation des ovaires).
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2°- Toujours dans la catégorie des armes ciblées, il existe une autre forme de traitement, à base d’un médicament relativement récent : l’herceptine, qui, cette fois, s’adresse aux femmes porteuses d’un récepteur particulier, appelé HER 2. Mais 25 % seulementdespatientesatteintesd’uncancermam- maire sont porteuses d’un nombre suffisant de ces récepteurs pour pouvoir bénéficier de l’herceptine. L’herceptine est un anticorps qui, dirigé contre le récepteur HER 2, le bloque et empêche les facteurs de croissance nocifs de stimuler les cellules malignes. (Le taux des récepteurs HER 2 est indiqué dans le compte rendu de l’anatomopathologiste après biopsie de la tumeur primitive.)
Sous quelles formes s’administrent ces différents médicaments faisant partie des armes ciblées contre les cancers métastasés du sein ?
La grande majorité des traitements hormonaux s’administrent oralement, avec deux exceptions : le faslodex, qui est une injection intramusculaire mensuelle, et les implants pour la mise au repos des ovaires, qui sont insérés une fois par mois dans la peau du ventre.
Abordons à présent la catégorie des armes non ciblées contre les métastases d’un cancer du sein. Quelles sont-elles ?
La chimiothérapie
Ce sont des drogues de chimiothérapie que l’on peut administrer aux cancers du sein, qu’ils soient ou non hormono- dépendants. Nous avons la chance actuellement de disposer, pour le cancer du sein, d’une douzaine de molécules actives.
Ce qui est bien supérieur au choix des drogues disponibles pour traiter d’autres cancers, tel,par exemple, celui du poumon. Ces substances s’attaquent essentiellement aux cellules en division, mais, malheureusement, aussi aux cellules saines : surtout celles du cuir chevelu, du tube digestif, de la moelle osseuse (qui fabrique les cellules sanguines) et des muqueuses. D’où des effets secondaires bien connus : perte de cheveux, nausées, baisse des cellules sanguines, fatigue d’intensité variable, et inflammation, voire ulcération, des muqueuses.
Comment, parmi ces différentes drogues de chimiothérapie, choisissez-vous celle qui aura le plus d’efficacité sur telle ou telle patiente ?
Plusieurs paramètres vont intervenir dans ce choix.
• 1°- Le premier est l’histoire propre du cancer. (Une métastase peut, par exemple, apparaître un an après la découverte de la tumeur, ou cinq ans.) Nous tenons compte du temps écoulé entre le diagnostic et l’apparition d’une ou plusieurs métastases : un temps court signifie, généralement, une tumeur plus agressive.
• 2°- La localisation de la métastase a aussi son importance. Ainsi, un petit ganglion atteint dans le cou n’a rien à voir avec un envahissement de la moitié du foie !
• 3°- Un autre paramètre sera l’intensité des symptômes générés par la (les) métastase(s) et leur répercussion sur la qualité de vie de la patiente : nous lui demandons si elle souffre, si elle a perdu l’appétit… Et, en règle générale, la présence de ces symptômes fera porter le choix sur un traitement plus « fort », capable de donner un résultat plus vite.
• 4°- Nous tenons compte aussi des caractéristiques des cellules de la tumeur primitive, obtenues par l’examen au microscope (son agressivité, la présence ou non de récepteurs hormonaux, etc.) car elles sont presque toujours proches de celles des cellules métastatiques. Néanmoins, lorsqu’il y a une métastase facile d’accès, le cancérologue y fait effectuer un prélèvement pour en analyser les cellules de plus près. Ces résultats lui fournissent parfois des éléments plus solides pour mettre au point sa démarche thérapeutique.
Dans quels cas de cancers métastasés administrez-vous un traitement « fort » ou un autre moins agressif ?
Un traitement individualisé
Avant d’envisager tout traitement, il est capital, lorsque l’on découvre des métastases, d’évaluer si l’on a affaire à une situation clinique menaçant l’existence même de la patiente à court terme, ou si la maladie, plus indolente, ne représente pas un danger imminent.
Dans le premier cas, il y a atteinte importante d’un organe vital, comme le foie ou le poumon (on considère, par exemple, qu’une atteinte de plus d’un tiers du foie est préoccupante), et cette atteinte entraîne souvent des symptômes invalidants. Ainsi, une grosse métastase hépatique va faire perdre du poids, d’où une grande fatigue, et une métastase pulmonaire importante entraînera une toux chronique et un manque de souffle, même au repos.
Dans ces situations sérieuses, on aura tendance à administrer un traitement de chimiothérapie plus agressif, susceptible de faire régresser rapidement les métastases.
Mais heureusement, la majorité des rechutes avec métastases ne se présente pas sous une fomie menaçante : il y a, par exemple, une lésion osseuse, bien localisée, ou le foie est peu atteint, ou encore on découvre seulement deux petits ganglions dans le cou et le reste de la chaîne ganglionnaire est normal…
Dans ces cas-là, il n’y a pas urgence et on va administrer un traitement moins agressif que l’on va tenter d’individualiser.
Dans les cas de cancers du sein métastasés qui réclament un protocole moins agressif, comment traiter ces cancers porteurs de récepteurs ?
Des traitements plus doux
Les traitements seront adaptés au cas par cas. Ainsi, pour combattre des cellules cancéreuses porteuses de récepteurs hormonaux, on utilisera une hormonothérapie par voie orale. Ces traitements ont l’avantage d’être presque toujours bien supportés : il faut les poursuivre jusqu’à ce qu’ils cessent d’être efficaces (ce qui s’observe après des durées variables allant de quelques mois à quelques années). Ensuite, on met en route un autre protocole hormonal dont le mécanisme d’action est différent et nous avons à portée de main cinq à six médicaments hormonaux ; toutefois, le passage à la chimiothérapie sera nécessaire à un moment donné…
Pour traiter les cancers où l’on aura identifié la présence de récepteurs HER 2, on administrera de l’herceptine, par voie intraveineuse, et souvent au début, en association avec la chimiothérapie pendant trois à six mois ; on passera ensuite à l’herceptine donnée seule, qui est beaucoup mieux supportée que les drogues de chimiothérapie, avec l’absence de perte de cheveux, fatigue et nausées. De ce fait, elle est compatible avec une vie presque normale. Beaucoup de cancérologues poursuivent l’herceptine aussi longtemps que la maladie ne
manifeste aucun signe d’évolution, et cela peut vouloir dire un traitement de plusieurs années !
Et toujours dans le cadre de ces protocoles moins agressifs, comment traiter les métastases n’exprimant aucun récepteur ?
Pour ces métastases cancéreuses n’exprimant aucun récepteur ciblé par les médicaments connus, on prescrira une chimiothérapie ; celle-ci pourra être relativement douce, à base de Navelbine“ (par voie intraveineuse ou, depuis peu, par voie orale) ou de 5-fluorouracil, administré en petites doses, de façon continue, par un infuseur connecté à un « port-a-cath », un cathéter.
Une nouvelle drogue de chimiothérapie, la capécitabine, très proche du 5-fluorouracil, a l’avantage de se prendre par voie orale, deux semaines sur trois : elle donne de bons résultats avec des effets secondaires souvent très acceptables. Je l’utilise depuis environ trois ans pour traiter une patiente fleuriste dont la maladie est comme « gelée », et qui peut travailler quasi normalement.
Je le répète : il ne faut pas toujours sortir la grosse artillerie pour obtenir un bon contrôle de la maladie.
Dans les cas où il y a urgence et où vous devez administrer une chimiothérapie plus agressive, quelles drogues prescrivez-vous ?
Evaluer l’efficacité du traitement
Dans ces situations, nous choisissons les médicaments qui ont démontré le plus d’efficacité : les texanes et/ou les anthracyclines. Ils sont administrés seuls ou en combinaison, par perfusion intraveineuse, tantôt toutes les trois semaines, tantôt toutes les semaines. Heureusement, dans cette maladie métastatique, l’ennemi est visible et on peut évaluer très précisément, en six à huit semaines, l’efficacité du traitement : il suffit de faire effectuer, selon les besoins, un scanner, une radio ou une IRM, pour visualiser les métastases et apprécier leur évolution sous traitement. Ou encore on prescrira un examen sanguin qui permettra de comparer les taux des « marqueurs » (substances dans le sang qui augmentent huit fois sur dix en présence d’un cancer du sein avancé) avant et après traitement : un marqueur qui monte de manière régulière signe souvent une progression de la maladie et donc un traitement peu efficace. Toutefois, l’interprétation des marqueurs tumoraux est parfois complexe, et des erreurs d’interprétation par les patientes peuvent être source de très grande anxiété ; il est donc préférable de laisser le cancérologue regarder et interpréter les résultats.
Quand le traitement donne de bons résultats, on le continue, mais rarement pour des périodes très longues, vu les risques de toxicité. La durée habituelle d’une telle chimiothérapie est de quatre à huit mois, sauf dans le cas de certains médicaments très bien tolérés qui peuvent être prescrits pour des périodes plus longues.
On surveille bien entendu l’organisme par des examens mensuels. Si la maladie se « réveille », on envisage alors une autre thérapie : nous disposons heureusement de suffisamment d’armes en chimiothérapie pour pouvoir relever les défis successifs. Ce qu’il faut, c’est savoir utiliser ces armes judicieusement, au moment opportun, tout en laissant à la patiente le temps de récupérer psychiquement et physiquement entre les traitements.
Depuis peu de temps, on opère certaines métastases : dans quels cas cette chirurgie est-elle indiquée ?
La chirurgie
Grâce aux récents progrès obtenus par l’utilisation de chimiothérapies et d’hormonothérapies plus efficaces et de l’herceptine, on assiste aujourd’hui à des réponses parfois spectaculaires, où les métastases disparaissent presque complètement. La communauté médicale s’est donc ^ posé la question suivante : « Ces patientes pourraient- elles bénéficier d’une plus longue survie avec l’aide de la chirurgie » On propose donc à des patientes bien sélectionnées une intervention chirurgicale destinée à enlever ou à « brûler » les résidus éventuels de leurs métastases cancéreuses.
Pour le foie, par exemple, on peut utiliser des aiguilles de radiofréquence implantées chirurgicalement ou procéder à l’exérèse chirurgicale simple. Il est important toutefois de préciser que cette approche pluridisciplinaire plus agressive n’a pas encore apporté la preuve de ses bénéfices à long terme, et cela, pour les métastases aussi bien du foie, du poumon ou du cerveau.
Par ailleurs, il existe des contre-indications à la chirurgie d’exérèse des métastases : ce sont l’existence de métastases diffuses ou de trop grande taille et l’existence de multiples sites métastatiques.
Les nouveaux médicaments
Dans ce guide, j’aimerais ajouter une information importante : comme le cancer du sein métastasé n’est pas définitivement curable, à un certain moment les cancérologues sont souvent conduits à proposer à leurs malades de nouveaux médicaments à utiliser à l’essai. Si la patiente est correctement informée, cette approche est tout à fait justifiée et aura l’avantage d’offrir une chance supplémentaire.
Que conseillez-vous à vos patientes atteintes de cancer métastasé pour supporter moralement cette épreuve ?
Il est très important à ce stade de pouvoir bénéficier d’un soutien psychologique auprès d’unités de psycho-oncologie et de réhabilitation qui existent aujourd’hui dans la plupart des centres anticancéreux. Des associations de patients peuvent aussi apporter ce soutien moral (et pratique, quand c’est nécessaire). Il ne faut pas attendre d’être totalement déprimée pour recourir à une aide psychologique ou médicamenteuse. Un léger traitement aux antidépresseurs peut, par exemple, prévenir à temps un état dépressif.
Vidéo: Les cancers du sein métastasés : Les solutions thérapeutiques
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