Les aliments anticancer : Le curcuma est un puissant anti-inflammatoire
Un autre exemple remarquable de combinaison culinaire particulièrement efficace vient aussi d’Asie. Il s’agit cette fois d’une épice aux propriétés étonnantes : le curcuma. Les Indiens consomment en moyenne 1,5 à 2 g par jour de curcuma (un quart à une demi-cuiller à café), la principale épice du curry auquel il donne sa couleur orangée. C’est aussi un des ingrédients les plus couramment utilisés dans la médecine ayurvédique pour ses propriétés anti-inflammatoires. Aucun autre ingrédient nutritionnel n’est aussi puissamment anti-inflammatoire que la poudre jaune de cette racine. La principale molécule responsable de cet effet est la curcumine. En laboratoire, elle inhibe la croissance d’un très grand nombre de cancers : côlon, foie, estomac, sein, ovaire, et leucémie par exemple. Elle joue aussi sur l’angiogenèse et force les cellules cancéreuses à mourir (par le processus de suicide cellulaire appelé « apoptose »). Chez la souris, la curcumine prévient l’apparition de plusieurs types de tumeurs induites par des carcinogènes chimiques. Il n’est donc pas surprenant qu’à âge égal les Indiens aient 8 fois moins de cancers du poumon que les Occidentaux, 9 fois moins de cancers du côlon, 5 fois moins de cancers du sein, ou 10 fois moins de cancers du rein. Et cela malgré une exposition à de multiples cancérigènes présents dans l’environnement, sur une échelle probablement pire qu’en Occident…
Au M. D. Anderson Cancer Center de Houston, le professeur Bharat Aggarwal est considéré comme un brillant iconoclaste. Un des chercheurs en cancérologie les plus cités au monde, il est un des responsables du laboratoire de thérapeutique expérimentale du cancer. Comme le docteur Béliveau à Montréal, sa prééminence en biochimie et pharmacologie ne l’a pas empêché de garder un esprit ouvert à tout ce qui peut contribuer à la lutte contre le cancer. Durant sa jeunesse à Batala, dans le Pendjab, la médecine ayurvédique par les plantes était « la seule médecine que nous avions », dit-il. Il se souvient parfaitement de son efficacité.
Après son PhD (doctorat ès sciences) à Berkeley, il est le premier biologiste engagé par Genentech – célèbre compagnie d’ingénierie génétique médicale – pour identifier de nouveaux traitements moléculaires contre le cancer. C’est là qu’il découvre dans les années 1990 le rôle des facteurs inflammatoires dans le développement des tumeurs, ctont le fameux NF- kappaB. Il écrira plus tard que le contrôle des effets néfastes du NF-kappaB dans le cancer est « une question de vie ou de mort ». Depuis, il n’a cessé de chercher le moyen de contrecarrer ces mécanismes qu’il a mis au jour.
Le curcuma est mentionné dans les traités médicaux de l’Inde, de la Chine, du Tibet et du Moyen-Orient depuis plus de 2 000 ans. Aggarwal se souvenait de cette poudre jaune omniprésente dans la cuisine familiale. Il était tout naturel de l’étudier en premier. Mais il fallait l’évaluer exactement comme s’il s’agissait d’une nouvelle molécule issue de l’industrie pharmaceutique.
Aggarwal montre d’abord que la curcumine est très active sur les cellules cancéreuses en culture22. Puis, en 2005, il prouve qu’elle est capable d’agir sur des tumeurs du sein greffées à des souris qui ne réagissent plus à la chimiothérapie par le Taxol.
Chez ces souris, l’ajout de doses nutritionnelles de curcumine réduisait de façon impressionnante la progression des métastases. On trouvait encore des microtumeurs disséminées dans les poumons, mais, dans la majorité des cas, elles ne pouvaient plus grandir et ne présentaient plus de danger réel23. Pour les cancérologues du très sérieux M. D. Anderson Cancer Center, ces résultats improbables obtenus par des remèdes de grand-mère ne méritaient pas d’être pris en considération. Jusqu’au jour très récent où le docteur John Mendelsohn, président du centre, et cancérologue parmi les plus influents aux États-Unis, s’est trouvé dans la même conférence qu’Aggarwal et est resté pour écouter sa présentation jusqu’au bout. Il est immédiatement allé lui parler : « Je n’avais aucune idée que les preuves scientifiques de ce que vous avancez étaient si solides ! » a-t-il déclaré, sidéré. Dès son retour à Houston, il a donné son feu vert au lancement de trois essais cliniques avec le curcuma : dans un des cancers du sang les plus fréquents (le myélome multiple), un cancer gynécologique et en prévention du cancer du poumon chez les sujets à haut risque. Ces études sont actuellement en cours et les résultats ne sont pas encore connus.
Le curcuma illustre magnifiquement le rôle des grandes traditions culinaires comparé à la consommation d’éléments isolés. À Taiwan, des chercheurs qui ont essayé de traiter des tumeurs cancéreuses par le curcuma en gélules se sont aperçus qu’il était extrêmement mal absorbé. De fait, quand il n’est pas mélangé à du poivre – comme il l’a toujours été dans le curry -, le curcuma ne passe pas la barrière intestinale. Le poivre multiplie par 2 000 l’absorption du curcuma par l’organisme. La sagesse indienne a donc largement devancé la science dans la découverte des synergies naturelles entre les aliments.
Lorsque je faisais des recherches sur mon propre cancer, j’ai été stupéfait d’apprendre que même les tumeurs cérébrales aussi agressives que le redoutable glioblastome se montraient plus sensibles à la chimiothérapie lorsqu’on prescrivait en parallèle la consommation de curcumine.
D’après l’équipe d’Aggarwal à Houston, cette action prodigieuse du curcuma serait due en grande partie à sa capacité d’interférer directement avec le chevalier noir du cancer que nous avons rencontré dans le chapitre 4 : le NF-kappaB qui protège les cellules cancéreuses contre les mécanismes de défense du corps. Toute l’industrie pharmaceutique cherche de nouvelles molécules non toxiques capables de lutter contre ce dangereux allié des tumeurs. Or, nous savons désormais que la curcumine est un puissant antagoniste du NF-kappaB. Et elle a fait la preuve de son innocuité totale au cours des 2 000 ans d’utilisation quotidienne dans la cuisine indienne.
On peut combiner le curcuma avec tous les légumes ou avec le soja – haricots mung, fèves de soja ou tofu -, qui remplacent les protéines animales et apportent la génistéine mentionnée plus haut, détoxifie les carcinogènes et aide à contrôler l’an- giogenèse. Ajoutez une tasse de thé vert, et imaginez la puissance du cocktail qui vient jouer sans effet secondaire sur trois des principaux mécanismes de croissance du cancer…
Vidéo : Les aliments anticancer : Le curcuma est un puissant anti-inflammatoire
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