Le traitement à la maison
Après avoir admis que l’hyperactivité est un problème biologique localisé au cerveau, après avoir constaté l’efficacité des stimulants pour corriger ce problème, on espérerait pouvoir s’arrêter et dire que tout est réglé. Malheureusement, ce n’est pas si simple que ça. D’abord, un certain nombre d’enfants ne réagissent pas aux médicaments pour une raison qui reste encore à découvrir. D’autres enfants souffrent de trop d’effets secondaires pour pouvoir utiliser cette médication. De plus, certains parents, pour toutes sortes de raisons, s’opposent à ce que leur enfant prenne des médicaments; plusieurs enfants refusent aussi de les prendre. Et surtout, les médicaments ne sont pas parfaitement efficaces et ils ne peuvent être utilisés vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
D’autres mesures devront donc être prises, autant à la maison qu’à l’école, pour optimiser le traitement. Je vais d’abord vous expliquer dans ce chapitre comment améliorer la situation à la maison. Je vous dirai pourquoi il est important, dès que le diagnostic est porté, d’informer et de conseiller l’enfant et ses parents. Puis je vous parlerai des avantages d’une formation spéciale pour les parents et la famille.
Lorsque je pose un diagnostic de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité et que je l’explique à l’enfant et à ses parents, je fais habituellement face à deux réactions opposées; j’ai l’impression d’annoncer en même temps une bonne et une mauvaise nouvelle.
La bonne nouvelle pour l’enfant (souvent aussi pour ses parents) est qu’il a vraiment «quelque chose». Depuis longtemps, il se demande ce qui se passe. Son entourage le traite de paresseux et il préfère accepter ce jugement, même s’il sait qu’il fait des efforts souvent très grands, plutôt que de passer pour «débile». Il sent de toute façon qu’il est normalement intelligent. Il ne comprend pas.
Pensant avoir à choisir entre être paresseux ou niais, il préférait que les autres optent pour le premier choix. Ce jeune garçon a donc été soulagé d’apprendre qu’il souffrait d’un handicap dont la conséquence était que, même s’il était très intelligent et s’il faisait des efforts considérables pour réussir à l’école, il avait beaucoup de difficulté. Evidemment, quand j’utilise le mot «handicap», je prends soin de bien l’expliquer et de vérifier ce qu’il signifie pour l’enfant. Une fois cette précaution prise, le mot ne lui fait plus peur. Je lui explique qu’il n’est pas «malade dans la tête» dans le sens communément reconnu à cette expression; son cerveau n’est pas «brisé», mais une partie fonctionne au ralenti; je lui explique que ce ralentissement est la cause de tous ses symptômes. J’insiste beaucoup sur le fait qu’il n’est pas responsable mais victime de cette situation. Je lui dis franchement que je ne peux corriger la situation, mais que je peux, avec la collaboration de ses parents et des intervenants scolaires, l’aider à vivre une vie heureuse et productive malgré son handi¬cap. La façon d’expliquer varie évidemment selon l’âge de l’enfant.
La plupart des enfants à qui j’ai eu à expliquer ces choses ont considéré le diagnostic comme une bonne nouvelle ou du moins comme une nouvelle rassurante. Il est évident que pour un enfant, et encore plus pour un adolescent, il n’est jamais agréable de se faire dire qu’il est différent des autres; mais comme il s’en était déjà rendu compte, il réagit habituellement bien. Plus l’enfant est jeune au moment du diagnostic et plus il sera difficile de lui expliquer clairement la situation. Il faudra souvent plusieurs rencontres et beaucoup de temps. Il faut surtout éviter de céder à la tentation de minimiser le problème dans le but de rassurer l’enfant; celui-ci est conscient qu’il a un pro¬blème et préfère généralement être informé de la façon la plus complète possible.
La nouvelle apparaîtra mauvaise surtout aux parents. Il est évident qu’eux aussi avaient réalisé l’ampleur du problème et qu’ils se sentent, jusqu’à un certain point, soulagés d’apprendre la vérité. Mais pour les parents, il est toujours difficile d’apprendre que leur enfant est handicapé, et il faut s’attendre à ce qu’une période d’adaptation soit nécessaire.
Dans notre société moderne, les familles nombreuses sont rares. En général, les parents ont tout au plus deux ou trois enfants. Ils s’attendent donc davantage à une certaine perfection chez leurs enfants, et apprendre qu’ils présentent un handicap provoque invariablement une réaction de deuil. Il n’est pas facile pour un parent d’accepter que son enfant ne soit pas «normal», et que cette «anomalie» risque de durer toute sa vie. Plusieurs parents ressentent donc une grande tristesse.
Ce deuil ne s’accompagne pas que de tristesse, mais plus souvent qu’autrement d’un sentiment de culpabilité. On pourra disserter longtemps sur les causes de cette culpabilité, mais quel parent n’en a pas ressenti devant même le plus petit problème de son enfant? Comme si un bon parent ne pouvait avoir que des enfants parfaits!
Puis la tristesse fait face à la colère. Colère qui éclate contre soi-même au départ (culpabilité) et qui risque de se retourner ensuite contre les autres. Contre l’enfant, même si on sait bien qu’il n’est responsable de rien. Contre le système: les enseignants, les directeurs d’école, tous les intervenants du système scolaire. Et comme personne n’est parfait, on trouve souvent de bonnes raisons de se plaindre.
Je pense qu’il faut passer par toutes ces phases avant d’en arriver à une certaine forme d’acceptation. Il est évident que la tristesse, la culpabilité et la colère ne disparaîtront jamais complètement et seront toujours là, prêtes à ressurgir. Mais avec le temps, une certaine sérénité s’installe qui permettra au parent de se mettre à l’ouvrage pour donner à son enfant une plus grande chance de réussir.
J’ai constaté que la culpabilité était plus grande quand le parent est lui-même un ancien enfant hyperactif. Mais dans ces cas, la plupart du temps, le soulagement de comprendre enfin son propre problème est le sentiment dominant. De toute façon, il est très important de vérifier les antécédents des parents d’un enfant hyperactif.
Mais il ne suffit pas d’informer, même si c’est là une étape essentielle; il faut aussi savoir écouter les parents et l’enfant, et les soutenir tout au long de ces étapes. Les psychologues et les travailleurs sociaux peuvent jouer un rôle important à ce stade.
Vidéo : Le traitement à la maison
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