Le THS et les risques de cancer du sein
A quel point ces hormones substitutives constituent-elles un risque de cancer du sein ?
Plusieurs grandes études épidémiologiques ont montré que les femmes traitées par ces hormones présentaient un risque modérément supérieur de cancer mammaire par rapport aux femmes non traitées. Avant août 2003, on ne disposait que d’études menées aux États-Unis sur une population traitée essentiellement par Premarin, peu utilisé en Europe et par l’acétate de médroxyprogestérone. La célèbre « WHI » jpeneur çwomen Health Initiative Study), conduite durant cinq ans sur huit mille femmes, avait notamment été arrêtée avant terme car les risques de cancer du sein et de maladies coronariennes liés au traitement hormonal dépassaient les bénéfices. Depuis, nous disposons des résultats d’une vaste étude anglaise (la « Million Women Study »), réalisée en Grande- Bretagne sur un million de femmes, recrutées par un programme national de dépistage mammographique. Cette étude (sur deux groupes, l’un traité, l’autre non) a démontré :
• 1°- une augmentation modérée des cancers du sein chez les femmes traitées, quel que soit le type d’œstrogène utilisé, Premarinwou molécule naturelle d’œstradiol, et quel que soit le procédé d’administration : patch, gel ou voie orale ;
• 2°- que ce risque s’élève avec la durée du traitement.
Le risque de cancer mammaire est-il le même selon que le traitement comporte des œstrogènes seuls ou associés à un progestatif ?
Les effets indésirables du THS
Cette étude a justement révélé que les patientes sous œstrogènes et progestatif ont un risque plus important que celles traitées seulement par œstrogènes. Il faut tenir compte du fait que peu de femmes traitées par œstrogènes et progestatif étaient incluses dans l’étude, ce qui doit faire interpréter les résultat avec prudence. Ona relevé dans cette étude dix-neuf cancers du sein supplémentaires (pour mille femmes) chez celles ayant reçu durant dix ans les deux hormones, et cinq cancers supplémentaires (toujours sur mille femmes) chez celles n’ayant reçu que des œstrogènes. Mais douze mois après l’arrêt du traitement, le risque de cancer mammaire redevient le même que celui encouru par les femmes qui n’ont jamais été traitées par hormones substitutives.
Ce traitement hormonal peut-il influencer les résultats d’un examen du sein ?
Il augmente la densité mammaire, ce qui risque de rendre une mammographie moins lisible et peut contribuer à un retard de détection d’un cancer du sein.
Outre un risque de cancer mammaire, quels autres effets secondaires un traitement hormonal substitutif peut-il entraîner ?
Si ce traitement est mal dosé (avec une trop forte proportion d’œstrogènes), il est capable d’induire un gonflement des seins, une prise de poids, voire l’apparition de microkystes au niveau des seins, ainsi que des saignements intempestifs justifiant une exploration utérine. Enfin, de nombreuses études ont démontré que ces hormones substitutives exposent à une augmentation du risque de thrombose veineuse, bien que ce risque demeure faible.
Compte tenu des risques encourus par ce traitement hormonal, à quelles femmes le prescrit-on ?
Les cas particuliers de prescription du THS
Aujourd’hui, on peut le proposer aux femmes qui souhaitent se débarrasser de bouffées de chaleur très invalidantes mais pour une durée courte et à doses minimales actives. Ce traitement est à réévaluer chaque année pour en analyser le rapport bénéfices-risques. En ce qui concerne l’emploi de ces hormones substitutives en prévention de l’ostéoporose, elles ne doivent être prescrites que chez les patientes présentant un risque fracturaire élevé, démontré par densitométrie osseuse (et ayant révélé une intolérance à tout autre traitement).
Et pour la minorité de femmes qui ont une ménopause précoce, les indications de ce traitement substitutif sont-elles les mêmes ?
Lorsqu’une femme est ménopausée avant 40 ans, la situation est différente, car là, la privation d’œstrogènes va être très longue et aboutira obligatoirement à une perte osseuse importante et à un risque cardio-vasculaire accru. Dans ce cas, il semble nécessaire d’administrer des hormones substitutives jusqu’à l’âge normal de la ménopause (environ 52 ans). Ce traitement consistera à remplacer une activité ovarienne qui aurait dû persister (alors que chez les patientes normalement ménopausées, on prolonge l’exposition des tissus aux œstrogènes). Dans la balance bénéfices-risques, pour les femmes, les bénéfices l’emportent, même si le risque de cancer mammaire chez ces femmes jeunes n’est pas encore évalué.
Quelles sont les contre-indications du traitement hormonal substitutif ?
Les contre-indications
Une femme qui a eu un cancer du sein ne doit en aucun cas prendre des œstrogènes, car ils seraient susceptibles d’induire une récidive. Ce traitement est aussi contre-indiqué chez celles qui ont des antécédents familiaux de cancer du sein (et cela d autant plus que ce cancer est survenu à un âge précoce) et celles ayant eu un cancer de l’utérus (d’éventuelles cellules résiduelles pouvant être réactivées). Il faut également éviter d’administrer ces hormones substitutives aux femmes ayant été atteintes d’un mélanome (cancer de la peau) et à risque vasculaire.
Outre ce traitement hormonal, de quels autres moyens dispose-t-on aujourd’hui pour lutter contre les bouffées de chaleur de la ménopause ?
Il est tout d’abord conseillé de respecter une certaine hygiène de vie, c’est-à-dire :
• 1°- éviter les facteurs déclenchants de ces troubles vaso- moteurs : plats épicés, café, situation de stress, boissons trop chaudes, alcool ;
• 2°- effectuer des exercices respiratoires (technique de yoga), certaines activités physiques, telles que natation ou jogging ;
• 3°- et enfin adopter une alimentation à base de soja.
Des médicaments peuvent aussi être prescrits pour diminuer l’intensité de ces troubles vasomoteurs. Le choix porte sur trois produits spécifiques :
• 1°- des phyto-œstrogènes (sauf en cas d’antécédents de cancer du sein) ;
• 2°- un acide aminé : l’Abufène® ;
• 3°- un vasodilatateur : le Climaxol’®1 ;
• 4°-en demierrecours, un antidépresseur : l’Effexor* (une étude américaine de la Mayo Clinic a démontré son efficacité).
Et comment, sans hormones substitutives, empêcher la sécheresse vaginale ?
Il existe différents produits locaux qui se sont révélés aussi efficaces pour ce type de sécheresse que pour les troubles urinaires liés à la ménopause. Ce sont :
• 1°- des gels lubrifiants à l’eau (exemple : le Replens ») ;
• 2°- des gels à l’isoflavone de soja ;
• 3°- des œstrogènes locaux en crème ou en ovule (exemple : le promestriène).
Et comment protéger le système osseux ?
Là encore, il faut commencer par respecter certaines règles d’hygiène de vie. Il est important de vérifier que l’apport quotidien dans l’alimentation en calcium et en vitamine D est suffisant. (A partir de la ménopause, il faut consommer 1500 mg de calcium par jour et 400 à 800 unités internationales de vitamine D.) En plus de cet apport, il est conseillé de prendre une complémentation médicamenteuse. (De nombreuses études ont démontré qu’une supplémentassions en calcium et vitamine D réduisait la fréquence des fractures.) A cette étape de la vie, il est aussi impératif d’arrêter de fumer : la nicotine exerce directement un effet nocif sur l’os. Autre recommandation d’hygiène de vie : l’exercice physique « en charge », tels tennis, golf, footing, gymnastique.
Pour les femmes n’ayant pu prendre d’hormones substitutives à cause, par exemple, d’un cancer du sein et qui sont déjà atteintes d’ostéoporose, quels sont les remèdes ?
Quels traitements pour l’ostéoporose ?
En début de perte osseuse, on peut administrer un traitement à base de raloxifène qui est maintenant autorisé chez les femmes ayant eu un cancer du sein depuis un an. Le raloxifène appartient à une nouvelle classe pharmacologique, les « modulateurs sélectifs des récepteurs des œstrogènes », qui agissent sur l’os mais pas sur les autres tissus cibles des oestrogènes (utérus, sein…). Curieusement, lors d’études ayant démontré son efficacité au niveau vertébral, on a aussi pu constater une réduction de la survenue d’un cancer du sein- chez les femmes indemnes traitées ! Mais il faut tout de même signaler que le raloxifène, comme le traitement hormonal substitutif, augmente le risque de thrombose veineuse chez les utilisatrices prédisposées aux problèmes vasculaires. A un stade plus avancé, en cas de perte osseuse confirmée (avec généralement un antécédent de tassement vertébral), on prescrit habituellement un traitement à base de bisphosphonates (dontl’alendronate) qui augmente la masse osseuse et diminue les risques de fractures des vertèbres et du fémur. Pourquoi le raloxifène avant les bis- phosphonates Parce que ces derniers ne peuvent être prescrits sur une trop longue durée et induisent parfois des acidités au niveau de l’estomac.
Parlons maintenant des femmes en traitement pour un cancer du sein. Comment peuvent-elles protéger leur système osseux et limiter les autres effets secondaires de la ménopause ?
Quand elles sont sous hormonothérapie, ces femmes prennent généralement du tamoxifène, médicament qui, au niveau osseux, se comporte comme un œstrogène et prévient la fragilisation osseuse : elles sont donc protégées de l’ostéoporose. (Mais ces patientes doivent surtout éviter la prise de produits à base de soja qui pourraient neutraliser l’action du tamoxifène.) En ce qui concerne les troubles (sécheresse vaginale, bouffées de chaleur…), les médications chez ces femmes en traitement sont les mêmes que pour celles qui ne reçoivent pas d’hormones substitutives. Pour les malades en chimiothérapie, il faut attendre la fin du traitement avant de penser à éradiquer les troubles de la ménopause. La priorité est à l’efficacité de la thérapie en cours.
enfin, peut-on autoriser une grossesse après un cancer du sein ?
La grossesse correspond sur le plan biologique à une « inondation hormonale » de l’organisme, par les œstrogènes et la progestérone et, a priori, expose donc à un risque de récidive, surtout pour les cancers hormonodépendants. Cependant, les cancers étant dépistés chez des femmes de plus en plus jeunes, la question de l’autorisation d’une grossesse se pose avec plus d’acuité. Un délai de cinq ans après le traitement du cancer est souvent souhaitable. Certaines études montrent qu’il n’y a pas plus de récidives après une grossesse chez les femmes considérées comme guéries.