Le syndrome de l'apnée du sommeil : méthodes de soin
Depuis les années soixante-dix où l’on a effectué les premiers diagnostics, le traitement du syndrome de l’apnée du sommeil a subi de nombreux changements. Puisque la forme la plus commune du syndrome est l’obstruction des voies respiratoires, le premier objectif est de permettre une circulation normale de l’air pendant le sommeil. Le premier procédé pour résoudre entièrement le problème, comme je l’ai déjà dit, était la trachéotomie. Une petite incision était pratiquée dans la trachée, qui restait ouverte pendant la nuit et était refermée pendant le jour. Elle évitait l’obstruction du pharynx. Bien que la trachéotomie fût très efficace et résolût entièrement le problème, ce procédé avait des effets secondaires et pouvait entraîner des complications qui limitaient son utilisation dans les cas les plus graves.
Dans les cas moins graves, on essayait d’agrandir chirurgicalement les voies respiratoires pour faciliter le passage de l’air. Des médecins étaient enclins à penser que l’élargissement des voies respiratoires permettrait plus facilement de lutter contre leur blocage. Ainsi, des procédés pour élargir les voies respiratoires nasales et ôter les amygdales, des tissus mous, et même la luette le petit corps de chair qui projette l’air vers le bas à partir du palais mou sont souvent utilisés. Certes, ces procédés améliorent la fonction respiratoire pendant le sommeil jusqu’a un certain point ; mais ils ne permettent de guérir complètement qu’un petit nombre de patients.
D’autres traitements se sont basés sur l’amaigrissement. Même s’il est devenu évident qu’un traitement diététique n’était pas suffisant dans la plupart des cas, dans les cas d’obésité extrême, une diminution drastique du poids, au moyen d’un acte chirurgical réduisant la taille de l’estomac, entraînait la disparition du syndrome et la guérison complète du patient. Nous avons examiné plus de soixante-dix patients extrêmement obèses souffrant du syndrome de l’apnée du sommeil au Technion Sleep Laboratory. Ils subirent tous une intervention chirurgicale et, à la suite d’une perte de poids drastique — de deux cents à cent kilos environ —, l’apnée disparut complètement. Mais une grande déception nous attendait : sept ou huit ans après l’opération, quand nous examinâmes un groupe de ces patients, nous nous aperçûmes que la moitié d’entre eux avaient repris du poids en dépit de la chirurgie. Et, en plus de cela, l’apnée du sommeil, elle aussi, était réapparue.
Le traitement le plus efficace du syndrome de l’apnée du sommeil a été développé dans les années quatre-vingt par un jeune médecin australien, Colin Sullivan. Son idée était aussi simple que géniale : pour lever le blocage respiratoire, il s’agissait de pomper l’air dans les narines du patient au moyen d’un masque fixé sur son nez. Au moment même où la pression de l’air atteignait un point critique, les apnées cessaient ainsi comme par magie, et le patient continuait à dormir sans être dérangé. Heureusement, le Technion Sleep Laboratory fut l’un des premiers au monde à adopter la technique du Dr Sullivan, grâce à la détermination et à l’aide financière de l’un de nos patients. M. H. était l’un des premiers patients chez lesquels nous avions diagnostiqué un syndrome de l’apnée du sommeil aigu.
Étant donné que ses enregistrements pendant le sommeil montraient également un grave dysfonctionnement de son rythme cardiaque, il dut subir immédiatement une trachéotomie qui entraîna une disparition complète du syndrome. Quelques années plus tard, des complications et une infection rendirent nécessaire la fermeture du stoma, ce qui causa une réapparition immédiate du syndrome. M. H. s’embarqua alors dans une série d’opérations chirurgicales qui, en fin de compte, n’améliorèrent pas son état. Je lui mentionnai la nouvelle découverte faite en Australie et, sans hésitation, M. H. me suggéra d’essayer de contacter Sullivan et d’examiner avec lui la possibilité de venir en Israël avec l’un de ses nouveaux appareils CPAP (continuons positive air pressure). Il allait sans dire que M. H. se proposait de défrayer toutes les dépenses qu’entraînerait ce voyage. Heureusement, il s’avéra que le directeur assistant de Sullivan, le Dr Ron Grundstein, avait des relations à Tel-Aviv. Deux semaines après notre conversation téléphonique, Grundstein arriva en avion en Israël avec une grande boîte métallique contenant l’étrange appareil récemment inventé.
Nous nous aperçûmes rapidement que l’aspect le plus compliqué du traitement consistait dans l’application du masque. Il fallait enduire le visage du patient d’une fine couche d’un composé adhésif semblable à du caoutchouc, le laisser sécher, puis le détachera du visage et le fixer à l’extrémité du tube d’air comprimé.M. H. fut ferme comme un roc pendant toute cette procédure, et sa récompense ne se fit pas attendre. Une fois que le patient se fut endormi, Grundstein augmenta progressivement la pression de l’air dans le masque jusqu’au point où l’apnée disparut complètement, et l’enregistrement montra des traces de sommeil REM agité.
Mais, à la différence du premier sommeil REM d’une nuit normale, le sommeil REM de M. H. se prolongea pendant environ une heure et quart ce qui représentait la plus longue durée que j’eusse jamais observée ! Grundstein n’était pas surpris ; il me dit que la première observation qu’ils avaient faite sur des patients qui avaient subi ce traitement était qu’au moment où les apnées disparaissaient ils entraient immédiatement dans un sommeil REM prolongé, ou bien dans un sommeil profond des stades 3 et 4. Il est presque certain qu’il s’agit là d’une compensation immédiate du déficit de sommeil REM et de sommeil profond résultant d’une longue période pendant laquelle le déroulement normal du sommeil REM et du sommeil profond avait été perturbé par les apnées.
Quand il se réveilla, M. H. s’exclama aussitôt : « C’était un sommeil de rêve ! » Quelques jours plus tard, Grundstein retourna en Australie, laissant à M. H. la machine CPAP. Un an ou deux plus tard, les premiers appareils pour le traitement à domicile du syndrome furent commercialisés. C’est une compagnie américaine qui, la première, s’aperçut des perspectives commerciales d’un tel traitement, et, aujourd’hui, des milliers d’appareils CPAP, produits par plusieurs industries différentes, sont vendus chaque mois. Rien qu’en Israël, plus de deux mille patients souffrant du syndrome de l’apnée du sommeil sont soignés grâce à cette méthode. La plupart d’entre eux utilisent la machine la nuit elle les accompagne même quand ils voyagent à l’étranger ou quand ils effectuent leur service de réservistes dans l’armée. Ni eux ni leurs compagnons ne peuvent imaginer ce que serait la vie sans l’appareil CPAP.