Le syndrome de l'apnée du sommeil : les risques
En dépit des allégations de ce médecin, la vie des malades du syndrome de l’apnée du sommeil est en danger chaque nuit : ne pas se réveiller d’un simple arrêt de la respiration serait suffisant pour les tuer par asphyxie. Mais le mécanisme de contrôle du cerveau fonctionne si bien que ce risque est extrêmement faible. Les gens qui souffrent du syndrome de l’apnée du sommeil ne meurent pas d’asphyxie au cours de leur sommeil, à moins d’avoir absorbé trop d’alcool avant de se coucher ou d’avoir pris une forte dose de somnifères, ces deux facteurs réduisant l’activité du centre respiratoire du cerveau. Mais la santé de ces personnes court un risque pour de tout autres raisons. Premièrement, leur tendance à s’endormir pendant la journée les expose constamment à des accidents possibles.
Un tiers des personnes chez lesquelles on a diagnostiqué un syndrome de l’apnée du sommeil au Technion Sleep Laboratory nous ont affirmé avoir frôlé des accidents au volant à cause de leur faible niveau d’éveil. 3 pour-sent admettaient avoir été impliquées dans des accidents de la circulation parce qu’elles s’étaient endormies au volant. Des études menées dans différents pays ont établi que des personnes souffrant du syndrome de l’apnée du sommeil sont plus fréquemment impliquées dans des accidents que des personnes qui ne souffrent pas de ce syndrome. Puisque ce syndrome est plus fréquent chez les hommes, il est certain que beaucoup de chauffeurs professionnels en souffrent. Je suis persuadé que le temps n’est pas loin où les examens médicaux des chauffeurs de véhicules du service public incluront un test sur la qualité de leur sommeil, et surtout sur leur fonction respiratoire pendant qu’ils dorment, et que ces tests seront nécessaires pour le renouvellement de leur permis. Jusqu’à maintenant, tous nos efforts pour attirer l’attention des grandes compagnies de transport public en Israël sur ce sujet sont restés lettre morte.
Mais s’endormir au volant n’est pas le seul danger auquel sont exposées les personnes qui souffrent du syndrome de l’apnée du sommeil. Leurs combats nocturnes pour reprendre leur souffle ont un effet notable sur leur fonctionnement cardiaque et pulmonaire. La moitié, environ, des malades de ce syndrome souffrent aussi d’hypertension, et il y a de nombreuses preuves que ce syndrome est aussi la cause de leur hypertension. Ces gens sont donc exposés à toutes les maladies et aux complications liées à une tension artérielle élevée. Dans une étude récente, nous avons découvert que le taux de mortalité par infarctus des malades du syndrome de l’apnée du sommeil était presque deux fois plus élevé que celui de la population normale.
Pouvons-nous mettre un terme à ce processus par un traitement adapté du syndrome ? Nous ne possédons pas suffisamment de données pour fournir une réponse tranchée à cette question, mais il est clair que, plus le patient est jeune, et plus grandes sont les chances de succès. C’est particulièrement vrai dans le cas d’enfants qui souffrent du syndrome de l’apnée du sommeil à la suite d’un blocage mécanique des voies respiratoires, et donc aussi d’une hypertension qui en résulte. La suppression du blocage entraîne un retour à la normale pratiquement immédiat de leur tension artérielle. De même, des soins couronnés de succès ont été accomplis sur des patients obèses qui ont perdu une partie importante de leur poids grâce à la chirurgie. Avec la disparition des apnées, on observe une nette amélioration de leur pression artérielle et de leur fonctionnement cardiaque.
Bien qu’une sorte de révolution dans l’attitude des médecins vis-à-vis du syndrome de l’apnée du sommeil se soit produite depuis les dix dernières années, j’ai l’impression que les cliniques et les hôpitaux publics ne consacrent pas encore assez d’efforts et de ressources à combattre ce problème. Même selon les estimations les moins alarmantes, quelque vingt millions de personnes souffriraient du syndrome d’apnée du sommeil aux États-Unis, dont la plupart ne seraient pas conscientes de leur état. À la lumière des effets de ce syndrome sur la vie quotidienne et la santé générale, le prix payé par la société est énorme.
L’absence de prise de conscience de ce syndrome et de sa signification médicale apparaît aussi dans le manque de formation pour le soigner. De nombreuses personnes chez lesquelles on a diagnostiqué ce syndrome dans un laboratoire de sommeil, et qui ont été adressées à leur médecin pour de plus amples analyses et un traitement, appellent le laboratoire pour se plaindre de ce que leur médecin de famille leur a simplement prescrit des somnifères « pour qu’elles puissent mieux dormir ». Une enquête récente que nous avons effectuée sur les mille cinq cents premiers patients à avoir été découverts au Technion Sleep Laboratory entre 1976 et 1988 a montré que seulement 52 pour-sent d’entre eux avaient reçu un traitement quelconque de la part de leurs médecins. Un examen du changement d’état clinique des patients qui ont été soignés, par rapport à ceux qui ne l’ont pas été, montrait clairement que l’état des patients qui avaient reçu un traitement était de loin meilleur. Pourtant, on a pu remarquer ces dernières années une prise de conscience accrue du problème aussi bien en Israël qu’à l’étranger. La meilleure preuve en est qu’aujourd’hui, dans de nombreux pays, les étudiants en médecine sont censés connaître le syndrome de l’apnée du sommeil pour leurs examens de fin d’année.