Le sommeil REM
Le sommeil REM: une fenêtre sur le monde des songes
La découverte du sommeil REM par Aserinsky et Kleitman en 1953, le fait que le réveil de ce stade du sommeil va de pair avec un souvenir clair et détaillé du rêve ont permis aux chercheurs d’identifier pour la première fois le moment du « rêve ». Il n’est pas difficile d’imaginer l’excitation qui s’est emparée des personnes intéressées par les rêves une fois qu’il est devenu évident que ceux- ci ne surviennent pas fortuitement tout au long de la nuit, mais à un stade du sommeil précis et clairement identifiable. La découverte du sommeil REM amena les psychiatres et les psychologues plus près des origines du rêve lui-même ; aussi n’est-il pas étonnant que la plupart des chercheurs spécialisés dans le sommeil qui se précipitèrent dans les laboratoires pour étudier ce qui se passait pendant le sommeil REM étaient ceux qui étaient plus particulièrement intéressés par le phénomène du rêve. Ces chercheurs n’avaient plus besoin de compter sur la mémoire de leurs patients pour en savoir davantage sur leurs rêves ; il leur suffisait de les réveiller au moment opportun pour pouvoir apprendre leurs rêves de première main. La technique était extrêmement simple : tout ce que le chercheur avait à faire était de demeurer sur le qui-vive tout au long de la nuit et d’observer les instruments qui enregistraient les ondes cérébrales du sujet, ses mouvements oculaires, son tonus musculaire. Au moment précis où la feuille d’enregistrement montrait la configuration spécifique du sommeil REM, le chercheur devait réveiller le patient. Comme nous l’avons déjà vu, cette configuration est facilement identifiable sans aucun risque — ou presque — d’erreur. Quelques minutes après l’apparition du sommeil REM, le chercheur ouvrait la porte de la chambre à coucher, prononçait doucement le nom du sujet et, quand il ou elle s’éveillait, lui demandait : « Avez-vous fait un rêve ? » Ce n’est que quelques années plus tard, pour des raisons qui deviendront bientôt évidentes, que la question fut revue et modifiée en : « Quelque chose a-t-il traversé votre esprit ? » Et, en effet, il était rare que l’on attendît en vain le déclenchement du sommeil REM. Dans 80 à 85 % des cas, les sujets qui s’éveillaient de ce sommeil étaient capables de fournir un récit clair et détaillé de leurs rêves. Si les rêves se produisent pendant le sommeil REM, pourquoi sommes-nous incapables de nous les rappeler chaque fois que nous nous réveillons au cours de celui-ci ? Après que le sujet s’éveille du sommeil REM, bien que l’histoire du rêve soit stockée dans une banque de données facilement accessible, elle n’y reste inscrite que pour un laps de temps très bref. Si nous détournons l’attention du sujet de l’histoire d’un rêve ou différons sa narration, la « banque de données » se referme, et les traces mnémoniques du sommeil sont rapidement brouillées. Dans de nombreux cas, cependant, les gens s’éveillent avec un sentiment intense d’avoir rêvé, mais ils sont incapables de se souvenir du moindre détail. C’est ce qui explique pourquoi il est plus facile de se souvenir des rêves après avoir été réveillé brusquement. Quand on s’éveille progressivement pendant plusieurs minutes, l’attention peut aller à la dérive, et l’histoire du rêve s’évanouit rapidement. La majorité des études menées dans les laboratoires de sommeil pendant les années soixante porte sur des réveils du
sommeil REM programmés pour obtenir des comptes rendus de rêves. Toutefois, tandis que de plus en plus de rêves étaient recueillis au laboratoire, il devint évident que les rêves au laboratoire étaient très différents de ceux recueillis pendant une cure sur le divan d’un psychiatre. Les rêves de laboratoire étaient plus courts, moins « étranges » et plus pauvres en contenu que ceux rapportés par la littérature psychiatrique ou psychologique. Beaucoup de ces rêves parlaient de choses quotidiennes, et peu d’entre eux incluaient des détails étranges qui rompaient avec la manière de penser de quelqu’un d’éveillé. Le « film » que l’on pouvait élaborer du contenu des rêves montrait que la majorité d’entre eux était basée sur les mêmes images et événements que ceux auxquels nous sommes exposés dans notre vie quotidienne. Les patients rêvaient de sujets qui leur tenaient à cœur : les juristes de salles d’audience, de juges et de criminels ; les médecins de salles d’opération, de couloirs d’hôpital et d’infirmières en blouse blanche ; les étudiants, de cours et d’examens. Il n’était donc pas surprenant de découvrir que ceux qui rêvaient de sujets d’intérêt général sur le plan national ou mondial étaient le plus souvent des hommes politiques ! Fred Snyder, un chercheur américain âgé, spécialiste du sommeil, résuma sa riche expérience de l’étude du contenu des rêves de la manière suivante : « Nos découvertes sur le contenu des rêves montrent qu’ils sont un reflet fidèle de notre vie éveillée. »
On a expliqué parfois ce résultat par la méthode de questionnement utilisée. La nécessité de réveiller le dormeur au milieu du sommeil REM afin de ne pas manquer le rêve évoque le fait de regarder un film jusqu’au milieu en manquant sa fin. D’autres explications furent avancées : le rêve dont on se souvient spontanément est fréquemment le dernier, et il est probablement exceptionnel en comparaison de ceux rêvés plus tôt au cours de la nuit. Y a-t-il donc une différence entre les comptes rendus de rêves de la période de sommeil REM qui se déroule tôt dans la nuit et ceux des périodes plus tardives ? On découvrit qu’il y avait, en effet, une évolution dans la configuration du rêve tout au long de la nuit, entre une période de rêve et la suivante. En général, quand ils s’éveillent de la première période de rêve, les patients racontent un rêve bref, parlant du présent, et qui souvent manque d’action ou de personnages centraux. Les récits deviennent de plus en plus riches en matière d’intrigue et de détails quand le rêveur est réveillé plus tard dans la nuit. Les comptes rendus obtenus au cours des pre mières heures du jour sont encore plus riches en détails, personnages et sentiments et, comparés à ceux des rêves de la première moitié de la nuit, ils tendent à évoquer davantage la petite enfance du rêveur. Ces rêves des dernières heures de la nuit, juste avant le réveil, sont ceux dont on se souvient spontanément.