Le mental anticancer : Le lien corps-esprit
À 55 ans, au faîte de sa renommée, l’acteur Bernard Giraudeau apprend qu’il a un cancer du rein. Cinq ans plus tard, c’est la rechute. Quand il revient aujourd’hui sur sa maladie, les causes lui en apparaissent clairement :
« Je vais sans doute vous étonner : je m’y attendais. Cette annonce n’a donc pas été pour moi un tel choc. J’étais engagé dans une spirale de vie totalement folle qui me maintenait en permanence dans un état d’angoisse existentielle, celle qui accompagne souvent notre métier d’acteur. Instinctivement, je sentais qu’il allait m’arriver quelque chose ! Après mon opération, j’ai décidé que j’allais tout faire pour changer ma qualité de vie, donner davantage de temps aux êtres que j’aimais, mieux profiter de chaque instant. Mais j’ai très vite été happé par le rythme stressant, trépidant, d’une carrière de comédien, le paraître, et j’ai replongé dans une déplorable hygiène de vie. Cinq ans plus tard, je recevais le choc d’une deuxième annonce : j’avais une métastase au poumon. J’ai fait étudier les résultats des tests sanguins, que j’avais conservés depuis plusieurs années, par un ami médecin qui me suivait très régulièrement. Il m’a dit alors : “Chaque fois que tu t’apprêtais à jouer au théâtre, tu avais une montée folle des hormones du stress et un dérèglement de ton métabolisme.” Je me suis dit : Maintenant, tu n’as plus le choix, il te faut très vite changer de comportement et regarder la vie autrement si tu veux encore en profiter. »
Près de la moitié des femmes qui ont un cancer du sein sont convaincues que leur maladie est la conséquence d’un stress qu’elles n’ont pas su gérer – un avortement, un divorce, la maladie d’un enfant, ou la perte d’un emploi auquel elles tenaient.
De leur côté, les médecins ont de tout temps associé des causes psychologiques au cancer. Il y a deux mille ans, le médecin grec Galien avait noté qu’il se développait surtout chez les personnes déprimées. En 1759, un chirurgien anglais écrivait que le cancer accompagnait « les désastres de la vie, ceux qui occasionnent moult ennuis et chagrin ». En 1846, les autorités médicales anglaises considéraient que « la misère mentale, les retours de fortune soudains, les tempéraments de disposition morose […] constituent la cause la plus puissante de la maladie ». L’auteur de cet article, le docteur Walter Hyle Walshe, un grand chirurgien et la plus grande autorité sur le cancer au milieu du xixe siècle, y ajoutait son observation personnelle : « J’ai moi- même rencontré des cas où la relation semblait si claire que la remettre en question serait faire fi de la raison. »
Nombreux sont mes amis cancérologues qui arrivent aux mêmes conclusions aujourd’hui. D’autres, en revanche, n’y croient pas du tout. Peut-on réellement « se fabriquer un cancer » ?
Il faut généralement plus de dix ans, et parfois jusqu a qua runte, pour que l’anomalie dans une cellule – la « graine » – devienne une tumeur cancéreuse détectable. Au départ, des cellules saines se sont gravement déréglées, soit par l’effet de leurs gènes anormaux, soit parce qu’elles ont été exposées à des radiations, des toxines de l’environnement, ou d’autres cancérigènes comme le benzo-[A]-pyrène de la fumée de cigarette. Mais on ne connaît aucun facteur psychologique qui puisse fabriquer cette graine de cancer.
En revanche, tout comme l’alimentation, le manque d’exercice, la qualité de l’air et de l’eau, les stress psychologiques influencent profondément le terreau dans lequel la graine peut se développer. Même si son cas ne constitue en rien une preuve scientifique, c’est exactement ce que décrit Mernard Giraudeau.
Comme lui, la plupart des patients que j’ai connus se souviennent d’une période de stress particulière dans les mois ou les années qui ont précédé le diagnostic de leur cancer. Il ne s’agit cependant pas de n’importe quel stress. Le plus souvent, c’est une épreuve qui nous a laissé avec un sentiment terrible d’impuissance : le sentiment que notre vie ne nous appartenait plus, qu’il n’y avait plus de joie à en attendre. Beaucoup il’entre nous ont été confrontés à un conflit chronique qui semblait insoluble ou, comme pour Bernard Giraudeau, à des obligations si lourdes qu’elles provoquaient une sensation d’étouffement. Ces situations ne déclenchent pas un cancer, mais, comme le constate un article publié dans Nature Reviews Cancer en 2006, on sait aujourd’hui qu’elles peuvent lui permettre de se développer. Les facteurs qui contribuent au cancer sont si nombreux et variés que personne ne devrait se dire : « C’est de ma faute si j’ai développé cette maladie. » En revanche, chacun est à même de se dire : « Maintenant tu n’as plus le choix » et d’apprendre à fonctionner autrement. J’ai dû laire ce chemin moi aussi.
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