Le mental anticancer : L’EMDR soigne le sentiment d’impuissance
Mais de toutes les approches thérapeutiques pour libérer la force vitale, aucune ne m’a autant impressionné que la thérapie EMDR. Cette méthode qui fait référence aux mouvements oculaires (« eye movements ») qui accompagnent le plus souvent le traitement, a un nom tellement compliqué qu’on la désigne par son sigle. Mise au point par la psychologue californienne Francine Shapiro à la fin des années 1980, elle est devenue en moins de vingt ans le traitement le plus couramment utilisé pour guérir les traumatismes psychologiques.
Comme tous les psychiatres, je connaissais bien le problème des syndromes de stress posttraumatiques et je les redoutais, la plupart des traitements ayant peu d’effet sur les grandes blessures de la vie. Même les médicaments, qui doivent être prescrits sur le long terme pour qu’ils aient une quelconque utilité, ne réduisent généralement les symptômes que du tiers ou de la moitié50-53. J’étais donc extrêmement sceptique quand j’ai entendu parler d’une méthode de traitement qui consiste à faire bouger les yeux du patient de droite à gauche pendant qu’il repense à ce qui lui est arrivé de plus douloureux dans sa vie ! Mais toutes les études montrent qu’avec l’EMDR on peut vraiment parler de « guérison » puisque plus de 60 % des patients n’ont plus aucun symptôme lié à leurs souvenirs douloureux au bout de quelques séances, certaines études obtenant même 80 % de réponses positives (ce qui est comparable aux résultats des antibiotiques dans la pneumonie).
Peu de temps après avoir complété ma formation à l’EMDR, j’ai pu constater à quel point la libération rapide d’un traumatisme pouvait influer sur l’état du corps. Je me souviens particulièrement d’une malade de 65 ans, hospitalisée trois fois en trois semaines. Elle arrivait chaque fois en proie à une grave crise broncho-asthmatique. A la troisième admission, les médecins spécialistes de l’hôpital, soupçonnant l’existence de facteurs psychologiques, m’ont demandé de la voir pour donner, à mon tour, mon avis. J’ai simplement fait mon travail de psychiatre : je lui ai demandé ce qui s’était passé récemment dans sa vie. Elle m’a appris ce que personne à l’hôpital ne savait : que son mari était mort d’un infarctus sous ses yeux, une semaine avant que surviennent ses premiers étouffements. Il a suffi qu’elle mentionne l’événement pour fondre en larmes et respirer soudain avec difficulté. Je voyais déjà mes collègues furieux que je l’aie mise dans cet état. Comme elle devait quitter l’hôpital l’après-midi même, j’ai décidé de lui faire une séance d’EMDR sur-le-champ, sous le regard sceptique des internes. Je lui ai demandé, comme on le fait toujours en EMDR, de revenir sur l’image terrible, écrasante, de la mort de son mari. Je l’ai priée ensuite de suivre des yeux les mouvements de ma main de droite à gauche, tout en se concentrant sur ce qu’elle ressentait dans son corps. Cette séance fut particulièrement frappante. Elle revivait l’instant, dans sa maison, où le visage de son mari était devenu rouge, puis bleu, puis… mort ! Au bout de quelques secondes de mouvements oculaires, elle a poussé un cri, toute la tension de son corps se relâchant soudainement. Elle nous a regardés, un peu interloquée, puis elle a dit : « C’est fini, l’image est partie. » Elle semblait complètement soulagée et respirait normalement. Ses étouffements disparus, elle n’a plus eu besoin de revenir à l’hôpital. On ne peut certainement pas dire que le travail de deuil était entièrement accompli, mais elle en avait fait une bonne partie en « nettoyant » l’image la plus douloureuse. Et en sortant de l’impuissance, elle avait libéré la constriction constante de ses bronchioles pulmonaires…
Je me suis mis alors à pratiquer l’EMDR quasi systéma tiquement avec les patients souffrant d’un cancer. Je leur demandais de faire la liste des dix événements les plus douloureux de leur vie. Ces événements sont comme les vis qui maintiennent la grande plaque de métal qui écrase leur désir de vivre. Si on arrive à les «dévisser» une à une, on voit souvent le patient renaître à une tout autre possibilité d’habiter sa vie. Une fois déchargé du poids qu’il porte parfois depuis très longtemps, il peut tout envisager différemment. Il est bien évident que cela ne suffit pas à guérir du cancer, mais cela permet souvent aux défenses naturelles de reprendre leur élan.
Vidéo : Le mental anticancer : L’EMDR soigne le sentiment d’impuissance
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