Le complexe k et les epingles du sommeil
Quand donc pouvons-nous affirmer avec certitude que quelqu’un s’est endormi ? Il est difficile d’en juger par la seule apparence des yeux ; quiconque connaît un peu le cinéma ou le théâtre ne peut ignorer que feindre le sommeil est une affaire relativement aisée. Il suffit, pour en donner l’illusion, que la personne s’allonge sans bouger et ferme simplement les yeux pendant quelques minutes. Même des ondes cérébrales révélant une activité thêta continue ne fournissent pas une preuve absolue que quelqu’un s’est endormi. Si, pendant la position immobile et l’activité thêta continue, nous réveillons un groupe de dormeurs pour leur demander s’ils étaient en train de dormir, la moitié environ des personnes interrogées répond que oui, et l’autre que non. Beaucoup de gens sont capables de prêter une attention continue à leur environnement et de fournir des réactions immédiates, même lorsque l’activité électrique de leur cerveau est celle des ondes thêta. C’est la raison pour laquelle on appelle cette phase « demi-sommeil ». Des signes physiologiques supplémentaires sont requis pour pouvoir déterminer avec certitude si le sujet est effectivement endormi ou non.
Ces signes sont fournis par deux nouvelles ondes cérébrales qui n’apparaissent dans le cerveau que lorsque le sujet est bel et bien endormi : les complexes K et les épingles du sommeil. Le complexe K est une onde unique de grande amplitude, environ quatre fois plus importante que l’activité moyenne des ondes thêta. Les épingles du sommeil (sleep spindles) sont une activité électrique d’une fréquence de douze à quatorze ondes par seconde, ayant la même amplitude que les ondes thêta et une forme qui rappelle les épingles d’un métier à tisser.
À la différence des ondes alpha et thêta, qui apparaissent chaque fois pendant quelques minutes, le complexe K et les épingles du sommeil occupent une durée variable, comprise entre une demi-seconde et une seconde. Pour illustrer la différence entre la continuité des ondes alpha et thêta, qui fournissent l’activité de base du cerveau, et la soudaineté des deux ondes appelées « complexe K » et « épingle du sommeil », comparons les ondes cérébrales à des notes de musique : les ondes alpha et thêta sont semblables à une note monotone, continue, jouée par un violon avec une fréquence et une intensité plus ou moins régulières. Ces notes continues sont parfois interrompues par des notes plus courtes jouées par un tambour ou une trompette, qui représentent les complexes K et les épingles du sommeil. Les notes courtes nous permettent de déterminer avec une très haute probabilité que le sujet est bel et bien endormi. Dans 80 à 100 % des cas, la tentative pour réveiller des sujets après l’apparition des « notes du sommeil » montrera qu’ils dormaient effectivement. La phase du sommeil caractérisée par une activité de base thêta et l’apparition épisodique de épingles du sommeil et de complexes K est connue sous le nom de « sommeil stade 2 ».