Le cancer du sein : Une prise en charge personnalisée
Pouvez-vous tout d’abord nous expliquer pourquoi tous les cancers de moins de 2 cm sans envahissement ganglionnaire par des cellules cancéreuses ne vont pas être traités de la même façon ?
Les petits cancers de moins de 2 cm de diamètre qui n’ont pas atteint les ganglions de l’aisselle sont ceux qui ont les meilleures chances de guérison. En effet, la taille de la tumeur est souvent liée à la précocité du diagnostic et à la lenteur de croissance du cancer. De plus, l’absence d’envahissement des ganglions de l’aisselle par les cellules cancéreuses diminue considérablement le risque de métastases. Les chances de guérison définitive de ces cancers sont donc très grandes.
Malheureusement, certains de ces petits cancers sans envahissement ganglionnaire peuvent avoir une évolution plus grave : par exemple, récidiver quelques années plus tard dans le sein et parfois donner des métastases. Il est important d’identifier ces formes agressives de la maladie dès le départ car elles nécessitent des traitements appropriés.
Enfin, les femmes très jeunes qui sont atteintes d’une forme héréditaire auront une prise en charge particulière.
Ainsi, cette première rencontre entre vous, le cancérologue, et celle qui va devenir votre patiente est un événement primordial ?
Le bilan pré thérapeutique
Oui, car il faut, au cours de ce premier entretien, faire connaissance avec la patiente, prendre en compte ses craintes, ses interrogations sur l’avenir et le besoin de se préparer à affronter la maladie. Il faut avoir le temps, l’expérience et le cœur d’aborder longuement avec chaque patiente toutes les questions qu’elle se pose sur sa maladie et son avenir. Il faut être un bon médecin, à la fois techniquement et humainement. Le dialogue s’engage avec elle et éventuellement ses proches si elle le souhaite, dans la franchise, la clarté et la connivence. C’est aussi ce jour-là que je recherche certains éléments d’un intérêt capital pour le choix de la prise en charge globale de cette patiente, en particulier selon le fait que la patiente est ménopausée ou non.
Dès cette première consultation, je commence par faire « l’état des lieux » : un bilan complet d’examens (analyse de sang, notamment le dosage des marqueurs ACE et CA 15-3 qui serviront de repères pour le suivi, une scintigraphie osseuse, des échographies abdominale et pelvienne, et un bilan radiologique thoracique). Les résultats doivent renseigner non seulement sur l’extension de la tumeur mais aussi sur l’état de santé de cette patiente qui va entrer pendant plusieurs mois dans une lutte difficile contre le cancer.
Lorsque ma patiente a moins de 40 ans, je dois penser à un cancer héréditaire et l’interroger sur d’éventuels cancers du sein ou de l’ovaire survenus dans la branche paternelle ou maternelle du premier degré avant 40 ans. Si nécessaire, des tests permettant de mettre en évidence ces gènes anormaux associés au cancer du sein seront réalisés avec une simple prise de sang des frères, sœurs, cousines germaines, tantes : ils fourniront des résultats importants pour la malade et sa famille. En cas de résultats positifs, cette patiente devra être surveillée toute sa vie. Elle pourra aussi choisir la sécurité, c’est-à-dire accepter l’ablation des deux seins et, dans certains cas, des ovaires, comme cela se pratique aux États-Unis.
En ce qui concerne les femmes de plus de 70 ans, il est essentiel de procéder à une évaluation préalable de leur état de santé. Toutes les patientes âgées de plus de 70 ans doivent bénéficier d’une évaluation très complète, clinique et biologique, qui renseignera les médecins sur leurs capacités physiques, le fonctionnement hépatique et rénal. L’évaluation inclut également le bilan cardio-vasculaire, le fonctionnement cérébral et moteur. Les aspects familiaux et sociaux de cette patiente doivent aussi être pris en compte.
La chirurgie, la radiothérapie et l’hormonothérapie, et/ou l’immunothérapie, si la tumeur est sensible à ce traitement, ne posent pas de problèmes particuliers pour l’immense majorité des femmes âgées. Il n’y a donc aucune justification à un tabou systématique sur la chimiothérapie chez les personnes âgées.
La révision des mammographies que la patiente a eues au cours des précédentes années est-elle importante pour évaluer la vitesse de développement de la tumeur ?
L’interrogatoire de la patiente et l’examen des mammographies antérieures peuvent permettre d’identifier les tumeurs qui se sont développées rapidement, par exemple en moins de un an. Cette évaluation clinique et radiologique de l’agressivité du cancer est, en général, confirmée par l’examen au microscope de la tumeur du sein qui fournira des données capitales pour décider du traitement. Le degré d’agressivité des cellules cancéreuses, notamment leur capacité à envahir ou non des vaisseaux sanguins et lymphatiques autour de la tumeur, est un facteur aussi important que l’envahissement des ganglions de l’aisselle.