Le cancer du sein : les cas habituels ou le traitement commence par une chrirurgie
Pour la majorité des cancers, à l’exception des trois situations que vous venez de décrire, le protocole thérapeutique va donc débuter par une chirurgie.
Pourquoi une chirurgie ?
Parce que la chirurgie permet de se débarrasser en un temps record de la masse tumorale locale. Celle-ci correspond à un nombre considérable de cellules (un gramme de tumeur contient dix milliards de cellules), et constitue une base de départ potentielle pour des cellules qui auraient l’intention de migrer a distance. Et parce que la chirurgie permet, par l’analyse complète de la pièce opératoire au laboratoire, de connaître le statut exact de la tumeur quant à son extension locorégionale et à la carte d’identité des cellules : toutes informa- i ions qui permettront de décider en toute connaissance des (•tapes thérapeutiques suivantes.
L’acte opératoire initial va-t-il permettre de conserver le sein ?
La tumorectomie:
On essaie évidemment de conserver le sein toutes les fois que c’est possible, et cela est généralement possible pour une tumeur de taille inférieure à 3 cm.
Avant l’opération, dans les cas où la tumeur est difficile à palper, l’acte chirurgical est facilité par la mise en place préalable sous repérage échographique d’un « hameçon » au contact de la tumeur, qui va permettre au Chirurgien d’orienter son incision pour trouver immédiatement la tumeur. L’acte opératoire consiste alors en l’exérèse simple de la tumeur (tumorectomie) ou d’un quadrant du sein comme un quadrant d’orange (quadrantectomie).
L’essentiel est de « passer en tissu sain », c’est-à-dire d’enlever en même temps que la tumeur une couronne de tissu sain autour d’elle, de plusieurs millimètres d’épaisseur, qui constitue en quelque sorte une zone tampon de sécurité. A côté de la salle d’opération, un spécialiste anatomopathologiste examine immédiatement les prélèvements effectués par le chirurgien selon une technique dite « extemporanée ». C’est lui qui confirme que les « berges d’exérèse » sont saines. Si ce n’est pas le cas, le chirurgien procède à des recoupes complémentaires, c’est-à-dire élargit le site d’exérèse, et les recoupes sont également examinées sur place. Mais la technique de l’examen anatomopathologique extemporané, qui a l’avantage de se faire en temps réel, est relativement imprécise. Ce n’est que huit jours plus tard que le compte-rendu anatomopathologique définitif-beaucoup plus précis cardans l’intervalle les prélèvements ont pu subir un traitement spécial au laboratoire favorisant leur lecture (fixation, colorations)- permettra de savoir avec certitude si l’ablation de la tumeur a été réellement complète. Il peut arriver malheureusement qu’on ait une mauvaise surprise et qu’une nouvelle intervention chirurgicale doive être programmée.
Et dans quel cas ne peut-on pas conserver le sein ?
On est malheureusement obligé de procéder à une mastectomie dans trois situations :
• 1°- quand la tumeur est nettement supérieure à 3 cm ;
• 2°- quand la tumeur s’est propagée par contiguïté à l’aréole et au mamelon, ou largement à la peau ;
• 3°- quand la tumeur est plurifocale : c’est-à-dire quand il existe un ou plusieurs autres foyers tumoraux à distance de la tumeur principale.
La mastectomie
Il est bien évidemment très important de savoir avant d’opérer si une tumeur est plurifocale. La réponse à la question est généralement apportée par l’examen clinique, la mammographie et l’échographie mammaire. La technologie la plus performante est l’IRM (imagerie par résonance magnétique) mammaire, qui peut déceler des foyers tumoraux l ignorés autrement. Le recours à cet examen est quasi systématique aux ttats-Ums par exemple. Mais la France a un retard important en appareils d’imagerie, et le parc d’appareils d’IRM disponibles est très réduit. Le « plan Cancer » ici encore a prévu de combler le déficit, mais, en attendant, les rendez-vous d’IRM mammaire sont difficiles à obtenir et les délais souvent très longs.
Un second foyer tumoral peut-il être décelé au cours d’une intervention que l’on avait prévue conservatrice ?
Oui, mais c’est rare. Si la patiente a été dûment avertie de cette éventualité, et qu’elle a accepté dans ce cas le principe ( l’une mastectomie (par consentement écrit), la mastectomie sera effectuée dans le même temps anesthésique et opératoire. Sinon, une nouvelle intervention chirurgicale devra être programmée.
Dans tous les cas, une mastectomie aujourd’hui (intervention de Patey) n’a plus rien à voir avec les interventions délabrantes et mutilantes d’autrefois (intervention de Halstedt). On n’enlève plus les muscles pectoraux situés derrière le sein, et le
Chirurgien laisse en place une fine cicatrice horizontale, qui favorisera le travail ultérieur du chirurgien esthétique. J’ai l’habitude d’insister auprès de mes patientes sur les progrès remarquables de la chirurgie de reconstruction mammaire. Il m’arrive même de leur dire que beaucoup de patientes se retrouvent avec des seins beaucoup plus beaux après qu’avant la maladie, ce qui est tout à fait vrai !
Et quelle attitude le chirurgien doit-il adopter envers les ganglions ?
La chirurgie des ganglions
Les ganglions de l’aisselle sont les premiers colonisés en cas de propagation lymphatique du cancer mammaire. C’est lors de cette première étape chirurgicale que l’on va pouvoir savoir si ces ganglions sont envahis ou non, information capitale pour la suite de la stratégie thérapeutique. Il y a encore quatre ou cinq ans, on pratiquait systématiquement un curage ganglionnaire : on prolongeait l’incision mammaire sous l’aisselle et on prélevait une dizaine de ganglions ou plus, qui étaient analysés en extemporané puis au laboratoire en même temps que la tumeur du sein.
Aujourd’hui, on n’effectue plus systématiquement un curage, car il contribue à la possibilité de complications locales ultérieures (lymphœdème ou « gros bras »). Pour minimiser les risques de séquelles, on pratique chaque fois que possible la technique dite « du ganglion sentinelle », où l’on prélève tout d’abord le premier ganglion de la chaîne des ganglions de l’aisselle. Si le ganglion sentinelle n’est pas envahi, on sait que les autres ganglions ne le sont pas non plus, et on 1rs laisse en place. S’il est envahi, on procède au curage complet. Cette méthode est réservée à ce jour aux petites tumeurs de diamètre inférieur à 2 cm. Pour les tumeurs de 2cm et plus, le consensus est de réaliser dans tous les cas un curage complet.
La chirurgie du sein est-elle une intervention « lourde» ?
Non. Que ce soit une tumorectomie ou une mastectomie, la durée d’hospitalisation est généralement inférieure à une semaine. Les suites opératoires sont habituellement très simples. Une complication est cependant possible après curage axillaire : la survenue d’une « poche » dans l’aisselle traduisant un épanchement sanguin (hématome) ou lymphatique (lymphocèle) que l’on peut être amené à vider par des ponctions successives.