Le cancer du sein : La démarche du diagnostic
Quels examens complémentaires faites-vous effectuer À la patiente arrivée chez vous, pour une première consultation, avec une radio mettant en évidence une tumeur apparemment cancéreuse. Quels examens complémentaires faites-vous effectuer ?
Avant de répondre, j’aimerais attirer l’attention de nos lectrices sur l’importance du premier contact entre la malade et le cancérologue. Tout d’abord, tout cancérologue devrait s’organiser pour qu’une patiente angoissée qui a une boule dans le sein soit reçue dans les soixante-douze heures ! C’est une urgence psychologique, qui évitera bien des nuits blanches. Mais c’est bien difficile en pratique, et il arrive malheureusement que les délais d’attente soient bien plus longs. Ensuite, le devoir praticien, dès le premier entretien, .est d’accorder à la malade tout le temps d’écoute nécessaire, de l’informer et de la rassurer : car aujourd’hui, les progrès de la médecine ouvrent
la voie à de plus en plus de guérisons. Maintenant, pour répondre à votre question, je dirai qu’avant même d’examiner minutieusement les radiographies et de demander d’autres examens, je soumettrai ma patiente à un questionnaire bien conduit, qui me permettra de faire connaissance avec elle et de m’informer sur son passé médical et les circonstances de découverte de la maladie ; puis je procéderai à un premier examen clinique précis qui, grâce à la vue et aux doigts, va me fournir un maximum d’informations.
Quelles sont ces informations ?
Lorsque la tumeur est palpable (ce qui n’est pas toujours le cas : il arrive que la tumeur ne soit décelable et mesurable que sur la mammographie, voire seulement sur l’échographie du sein), j’évalue :
- 1°- la taille du nodule palpable (qui peut s’avérer différente de celle mesurée sur la radio : par exemple 2 cm au lieu de 1 cm sur le cliché, à cause d’un œdème) ;
- 2°- l’existence ou non d’adhérences éventuelles de la (timeur : soit aux plans profonds (muscles) ; soit à la peau, qui est comme aspirée avec un méplat ou fripée comme une peau d’orange ; soit au mamelon, qui peut être plus ou moins rétracté. Ces aspects sont très fortement évocateurs de la nature maligne de la tumeur ;
- 3°- la localisation exacte de la tumeur dans le sein :
L’examen clinique
le traitement ne sera pas le même pour un cancer en contact avec l’aréole et le mamelon, très vascularisés, que pour une lésion .située à distance dans un quadrant externe ou interne. Dans
Le premier existe un risque important de dissémination à distance par voie sanguine, et d’autre part, la chirurgie conservatrice du sein, si elle est envisagée, sera techniquement difficile, voire impossible. Dans le second cas, une intervention partielle, dite « conservatrice », du sein peut en théorie être techniquement réalisable ;
- 4°- l’existence ou non de ganglions palpables au niveau de l’aisselle, beaucoup plus rarement de la base du cou. Quand il y en a, on relève leur nombre et leur taille. Ils sont généralement durs, peuvent être adhérents ou très mobiles, mais il faut savoir que des ganglions palpables ne sont pas forcément cancéreux, de même qu’il peut exister des ganglions envahis ;i une échelle microscopique qu’on ne palpe pas ;
- 5°-la présence éventuelle de signes locaux d’inflammation :
douleur, rougeur, chaleur, gonflement au niveau du sein.
Avec ce premier examen clinique et les clichés de mammographie, est-on déjà en mesure de diagnostiquer un cancer ?
Avec ce premier examen clinique et les clichés de la mammographie, on peut généralement se faire une opinion sur la malignité de la tumeur avec une bonne probabilité de ne pas
se tromper. Une échographie mammaire doit être couplée à la mammographie car elle apporte des informations complémentaires, en particulier quand les seins sont denses (ce qui est souvent le cas avant la ménopause ou sous traitement hormonal substitutif). Mais on ne peut avoir de certitude formelle qu’après avoir prélevé des cellules ou un fragment de tissu à partir de la tumeur, qui seront examinés au laboratoire.
Quelles analyses vont pouvoir fournir la certitude du caractère cancéreux ou non de la tumeur ?
Deux types d’examens sont possibles : une ponction ou une microbiopsie.
Cytoponction et mocrobiopsie
- La ponction (ou « cytoponction ») est réalisée avec une aiguille très fine, sans anesthésie. Le principe est d’aspirer des cellules, qui sont immédiatement étalées sur des lames, puis ultérieurement analysées au microscope. Rapide, ce test permet d’obtenir des résultats en quarante-huit heures. Cette analyse permet de confirmer qu’il s’agit bien de cellules cancéreuses et donne déjà quelques indications précieuses sur leur « carte d’identité ». Mais il faut savoir qu’il peut exister des résultats « faussement négatifs » : soit parce que les cellules aspirées sont difficilement identifiables, soit parce que l’aiguille a prélevé des cellules en dehors de la tumeur. C’est pourquoi la cytoponction doit être effectuée avec repérage et guidage sous échographie, a fortiori quand la tumeur est difficilement palpable.
La microbiopsie, elle, se pratique sous anesthésie locale et consiste à prélever une « carotte » de tumeur avec une aiguille plus grosse, ce qui permet une analyse plus complète et plus précise. On dispose en effet ici d’un fragment entier de la tumeur, et non de cellules dissociées, ce qui permet d’établir une « carte d’identité » de la tumeur plus fournie. Les résultats demandent une huitaine de jours. Je fais effectuer cette microbiopsie chaque fois que la cytoponction est négative, alors que l’examen clinique et l’image sur la radio ou l’écho- graphie évoquent une possibilité de malignité. La biopsie est aussi indispensable dans tous les cas où l’on a des raisons de penser que le protocole thérapeutique commencera par une chimiothérapie et non une chirurgie : on a ainsi un maximum d’informations sur les caractéristiques de la tumeur avant que les cartes ne soient brouillées par les effets de la chimiothérapie.
Le « protocole d’examen spécial », imprimé par lequel vous demandez à bénéficier de la prise en charge à 100 % des frais médicaux dans le cadre de l’ALD 30 (c’est-à-dire des trente affections de longue durée « exonérantes »), peut être rempli et adressé à votre caisse de Sécurité sociale dès que l’on dispose du compte-rendu de la cytoponction ou de la micro- biopsie, qui apporte la preuve de la maladie cancéreuse. Le secrétariat de votre cancérologue se chargera de la démarche. Même si la Sécurité sociale tarde à vous répondre, ce qui est souvent le cas, la prise en charge à 100 % s’applique rétroactivement aux frais engagés dès le début de la maladie.