Le cancer du sein : La biopsie, un examen capital
Pouvez-vous nous rappeler pourquoi la biopsie de la tumeur prélevée est d’un intérêt capital ?
Que recherche-t-on lors d’une biopsie
Parce que c’est grâce aux renseignements qu’elle va fournir que le cancérologue pourra établir la stratégie de son traitement. D’où l’extrême importance de la compétence, en la matière, des anatomopathologistes qui analyseront cette biopsie ! Toute erreur peut avoir de graves conséquences en induisant .d’autre part, durant leur examen, ces anatomopathologistes auront la possibilité de vérifier si le chirurgien « a bien fait son travail » : s’il a enlevé la totalité de la tumeur en ne laissant que du tissu sain. L’analyse des prélèvements doit s’effectuer selon certaines règles qui sont :
• 1°- examiner des marges de résection (les bords de la pièce opératoire) ;
• 2°- relever la taille de la tumeur, analyser l’agressivité des cellules, estimer leur vitesse de « reproduction » et d’autres paramètres telle la présence ou non de récepteurs hormonaux et du récepteur HER 2 ;
• 3°- vérifier si, à proximité de la tumeur, des vaisseaux sanguins et/ou lymphatiques ont été envahis par des cellules cancéreuses.
Pourquoi chercher les récepteurs hormonaux et HER 2 ?
Les récepteurs hormonaux, situés dans le noyau de la cellule, constituent un facteur fondamental, puisque leur présence va permettre la prescription d’un traitement postchirurgical à base d’une antihormone ou d’un autre médicament. Les femmes, dont la tumeur possède des récepteurs hormonaux (± 80 % des tumeurs), ont un cancer dit « hormonodépendant » : leurs cellules cancéreuses sont réceptives à la stimulation des irstrogènes qui constituent une sorte de carburant pour la mineur, en favorisant la prolifération des cellules malignes. I es antihormones (tel le tamoxifène) vont bloquer ces récepteurs, un peu comme ils couperaient une arrivée d’essence, ci les cellules cancéreuses ne seront plus stimulées. Vous réalisez donc à quel point il est important de signaler l’existence de ces récepteurs !
En ce qui concerne le récepteur HER 2, il s’agit là de certaines substances (protéines) situées à la surface des cellules cancéreuses (comme une serrure). Lorsque ces récepteurs HER 2 sont activés par certains facteurs de croissance, des substances se trouvant dans le sang (comme la clé rentrant dans la serrure), ils entraînent une cascade d’événements dans la cellule qui aboutissent à la division de la cellule et à la prolifération de la tumeur. Environ 20 à 30 % des tumeurs mammaires possèdent ces récepteurs en quantité suffisante pour qu’on puisse là utiliser un traitement spécifique au moyen d’un médicament : l’herceptine.
Cette biopsie se pratique-t-elle au bloc opératoire ou, dans un second temps, en laboratoire ?
La pièce opératoire est déjà examinée dans la plupart des cas une première fois durant l’acte chirurgical, afin de vérifier si le chirurgien a opéré assez largement autour de la tumeur, avec une marge suffisante pour ne pas laisser de tissu cancéreux dans le sein. Après l’intervention, la tumeur enlevée est envoyée à un laboratoire d’anatomie pathologique où l’on établira tous les paramètres indispensables à l’élaboration d’un traitement.
À quel type de laboratoire faut-il s’adresser pour faire réaliser une biopsie d’une tumeur ?
L’analyse de la biopsie
Cette analyse doit être effectuée impérativement dans un laboratoire où les anatomopathologistes ont une grande expérience des prélèvements cancéreux et particulièrement en pathologie mammaire. Il peut s’agir aussi bien d’un hôpital universitaire que d’un centre anticancéreux ou d’un laboratoire privé, réputé pour son activité en cancérologie mammaire. Malheureusement, trop de biopsies sont encore analysées dans des laboratoires insuffisamment expérimentés dans ce type de pathologies et qui nécessitent la recherche de marqueurs cellulaires spécifiques dans un environnement de système de contrôle de qualité. Et je vous le répète : quand, dès le départ, il y a une erreur dans la prise en charge de la biopsie, la malade risque de suivre un traitement inapproprié, ce qui peut compromettre gravement l’évolution de la maladie cancéreuse.
Lors d’une biopsie, comment se déroule cette série d’examens en laboratoire ?
J’insiste tout d’abord sur le fait que les anatomopathologistes doivent impérativement travailler en équipe : il faut qu’ils aient la possibilité de confronter entre collègues leurs opinions, leurs analyses d’une même pièce opératoire. Dès leur arrivée au centre d’analyses, la tumeur et les ganglions axil- laires prélevés sont plongés dans le formol durant plusieurs heures : c’est l’étape de fixation (« coagulation des protéines »). Ensuite, des prélèvements sont effectués au sein de ces pièces opératoires et sont insérés dans un bloc de paraffine pour être solidifiés après un passage dans différents solvants. Le bloc entier est ensuite coupé en lamelles de 4 à 5 pm, lesquelles sont d’abord colorées pour être visibles avant d’être analysées au microscope par les anatomopathologistes du laboratoire. Les prélèvements qui posent un problème dans leur interprétation nécessitent d’être réexaminés successivement par plusieurs pathologistes, de façon à pouvoir limiter au maximum les risques d’erreurs.
Une patiente est-elle en droit de réclamer un échantillon de sa biopsie pour le faire analyser de nouveau dans un laboratoire de son choix ?
Tout à fait ! En Belgique, elle est propriétaire de son prélèvement et peut en disposer comme elle l’entend (en signant une décharge), au besoin pour le faire analyser de nouveau ailleurs. Ces prélèvements tumoraux sont conservés dans les archives du laboratoire où la biopsie a été réalisée la première fois. Quand une femme a des doutes ou si un nouveau marqueur pronostique fait son apparition, elle ou son médecin a ainsi la possibilité d’aller réclamer un échantillon, et cela, même plusieurs années après son opération. En France, le prélèvement est la propriété du laboratoire médico-légal pendant 25 ans mais les patientes peuvent en faire la demande si elle souhaite une nouvelle analyse via leur médecin traitant. Il faut savoir que les échantillons sont conservés dans un bloc de paraffine et que, même après des années, cela permet toujours d’effectuer une nouvelle analyse de qualité, pour autant que l’échantillon soit conservé dans de bonnes conditions.
En ce qui concerne la biopsie des ganglions, pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cette dernière technique du « ganglion sentinelle » ?
La technique du « ganglion sentinelle »
Le chirurgien injecte dans le tissu mammaire qui entoure la tumeur un produit de « contraste » coloré ou radioactif qui va suivre le trajet des vaisseaux lymphatiques pour attendre la chaîne des ganglions axillaires Ce produit, comme les cellules cancéreuses qui s’échappent de la tumeur, pénétrera d’abord dans le premier relais ganglionnaire. Grâce à ce procédé, le chirurgien pourra donc identifier parfaitement la porte d’entrée ou le premier relais des cellules tumorales. Lorsque, à l’analyse, ces ganglions sentinelles (un, deux ou trois…) qui constituent « le passage obligé » ne présentent aucune cellule cancéreuse, la probabilité de trouver d’autres ganglions envahis est très faible. En conséquence, on épargnera à la patiente un curage ganglionnaire complet, parfois source d’effets secondaires non négligeables, tels un œdème du bras, une perte de mobilité de l’épaule ou des troubles sensitifs au niveau des mains.
Si un chirurgien injecte le produit dans la tumeur et non dans les tissus avoisinants, quels risques encourt la patiente ?
Les tumeurs sont pour beaucoup d’entre elles fort fibreuses. Le centre de la lésion n’est pas pourvu de beaucoup de vaisseaux lymphatiques en revanche on note des vaisseaux lymphatiques en nombre en périphérie de la zone tumorale, et l’injection du produit peut se faire dans un tissu plus souple et plus propice à la diffusion du produit.
Existe-t-il un risque d’envoyer des cellules tumorales dans les vaisseaux lymphatiques en injectant dans la tumeur elle-même ?
Il est difficile de répondre à cette question. Il est vrai que rien n’est prouvé mais on peut imaginer que lors de « traumatisme » dans une tumeur cancéreuse ou lors de sa manipulation, il y ait possibilité d’une diffusion de cellules malignes dans les vaiseaux lymphatiques. En tout état de cause, celles-ci seraient éliminées lors de l’opération chirurgicale. De plus, si ces cellules détachées accidentellement existent, elles n’auraient probablement pas les mêmes caractéristiques que les cellules cancéreuses, plus agressives, qui se détachent d’elles-mêmes et qui envahissent la circulation sanguine. Lorsque aucun ganglion n’est envahi, on peut être plus optimiste quant à l’évolution de la maladie, et quand on relève des ganglions envahis, moins il y en a, meilleur est le pronostic.
Quels conseils donnez-vous aux femmes pour éviter toute erreur de parcours dès qu’elles ont décidé de faire effectuer une biopsie ?
Cette biopsie du sein ne doit être réalisée que par un chirurgien compétent en sénologie (qui connaît parfaitement les maladies du sein). Il leur faut s’assurer que ce chirurgien fera examiner la biopsie dans un laboratoire compétent en pathologie mammaire, c’est-à-dire possédant une grande expérience dans l’analyse de ces pièces opératoires.