La pédopsychiatrie en 2004 : Les enjeux conceptuels de ces nouvelles données
Nous ne ferons qu’en citer quelques-uns qui nous paraissent essentiels.
Le modèle polyfactoriel demeure incontournable (avec ses facteurs primaires de vulnérabilité et ses facteurs secondaires de cristallisation).
Le tout-psychogène a échoué, le tout-génétique ne marchera pas mieux.
D’où l’importance des effets de rencontre qui font de notre vie une destinée et pas seulement un destin ou une fatalité.
Clinique de l’instant ou clinique de l’histoire ?
On peut repérer aujourd’hui la substitution de ce nouveau clivage au clivage précédent qui opposait l’organogenèse à la psychogenèse, comme on l’a bien vu lors du dernier congrès de l’ESCAP (European Society of Child and Adolescent Psychiatry) qui s’est tenu à Paris en septembre 2003. La question est en fait de savoir tenir compte conjointement de l’instant et de l’histoire.
Les grandes classifications internationales (qui ont une valeur de consensus et non pas de véritables marqueurs nosologiques) sont, bien entendu, à réviser régulièrement, mais elles échouent encore à appréhender l’évident gradient qui existe entre le normal et le pathologique, et surtout à faire une place à l’histoire sans laquelle la pédopsychiatrie se vide de toute sa dimension véritablement psychopathologique.
Néoconstructivisme, néostructuralisme et phénoménologie :
Les développements actuels de la pédopsychiatrie vont bien au-delà d’un simple accroissement ou élargissement de la discipline psychiatrie en tant que telle.
Ils ouvrent sur une reformulation des positions constructivistes, structuralistes et phénoménologiques.
Constructivistes et phénoménologiques, cela est clair avec la psychiatrie du bébé.
Structuralistes aussi, mais avec désormais la prise en compte d’un structuralisme des processus dynamiques, et non pas seulement d’un structuralisme des états statiques.
Malheureusement, la pression des lobbys industriels et pharmaceutiques, les contraintes budgétaires et les encadrements des tutelles, ainsi que la collusion des médias et des tentations du grand public en matière de simplification risquent de nous faire rater cette chance pour la pensée.
La pédopsychiatrie est bien plus qu’une simple branche de la médecine : elle apporte véritablement une nouvelle vision de l’ontogenèse et de l’édification du sujet.
La fascination pour le quantitatif, l’évaluation et les psychotropes pourraient rabattre la pédopsychiatrie sur le fonctionnement incroyablement appauvrissant de la psychiatrie adulte actuelle, et ce n’est certes pas Ce que nombre de parents attendent de nous, actuellement, en France.
Ethique du sujet, éthique du savoir:
Le bébé, l’enfant et l’adolescent ont droit au respect et à la dignité en tant que personnes à part entière, quelle que soit la psychopathologie dont ils souffrent ou dont ils sont menacés.
Mais les parents ont également le droit de savoir ce qu’il en est de l’intensité et de l’origine des troubles de leurs enfants.
Il y a, là, un équilibre délicat à penser et réfléchir sans relâche.
C’est dans cette perspective qu’il nous faut impérativement privilégier la prévention, au détriment de toute prédiction.