La circulation : le fonctionnement cardiaque
L’automatisme cardiaque:
Au début du XIXe siècle, si le rôle moteur du cœur dans la circulation sanguine était parfaitement connu, l’origine des battements cardiaques n’était pas encore établie. A l’époque, c’est encore la théorie du médecin anglais William Harvey (1578-1657) qui prévalait, selon laquelle l’excitation de l’oreillette par le sang qui la traversait était le moteur de la pulsation (Degeneratione animalium, 1651). L’hypothèse d’une origine intrinsèque avait pourtant été avancée dès l’Antiquité par Claude Galien (131-201) qui avait observé, vers l’an 180, qu’un cœur prélevé chez un animal continuait à battre un certain temps en dehors du corps. Il affirmait ainsi: «La propriétépulsatile du cœur a sa source dans sa propre matière. » En 1842, le physicien italien Carlo Matteucci (1811-1868) enregistra un courant électrique à chaque contraction d’un cœur de grenouille isolé. Ce courant électrique cardiaque fut confirmé quelques années plus tard par l’anatomiste suisse Rudolph von Koëllicker (1817-1905) et le physiologiste allemand Heinrich Müller (1820-1864).
L’expérience de Koëllicker et Müller (1856):
Rudolph von Koëllicker et Heinrich Müller utilisent un montage expérimental très original, dans lequel un cœur isolé de bœuf ou de chien est mis en contact avec le nerf sciatique d’une patte de grenouille. À chaque contraction cardiaque, ils enregistrent un potentiel électrique sur le nerf sciatique qui déclenche la contraction de la patte de grenouille. Ils montrent ainsi qu’un courant électrique capable de stimuler le nerf – et donc de provoquer une contraction musculaire – est spontanément généré par le cœur lors de ses contractions rythmiques.
L’expérience de Stannius (1852):
Peu de temps avant les travaux de Koëllicker et Müller, le neurophysiologiste allemand Hermann Friedrich Stannius (1808-1883), influencé par les découvertes sur la commande nerveuse du mouvement, élabora la théorie dite neurogène, selon laquelle des ganglions nerveux associés à la paroi du cœur devaient être à l’origine de l’automatisme cardiaque. Cette théorie s’est par la suite avérée erro¬née, mais elle permit néanmoins de jeter les bases anatomiques et fonction¬nelles de l’automatisme cardiaque.
Dans l’expérience que nous relatons ici, Stannius cherche à préciser le rôle de chacun des ganglions qui ont auparavant été identifiés. Il effectue des ligatures à différents niveaux du cœur de grenouille.
Après mise en place d’une ligature entre sinus veineux et oreillettes, le sinus continue à battre normalement, mais les oreillettes et le ventricule s’arrêtent en diastole (ils sont relâchés). La pose d’une ligature supplémentaire entre les oreillettes et le ventricule provoque un redémarrage du ventricule, qui bat avec une fréquence de contraction plus faible que la normale. Enfin, lorsqu’une ligature est placée entre oreillettes et ventricule, sinus et oreillettes conservent une fréquence de contraction normale ; quant au ventricule, il s’arrête pendant un court laps de temps, puis reprend ses contractions sur un rythme propre, dit « idio-ventriculaire », plus lent que la normale.
Stannius conclut en caractérisant et en hiérarchisant les influences des différents ganglions. Pour lui, le ganglion sinusal de Remak est le rythmeur principal de l’automa¬tisme cardiaque. Lorsque l’on supprime son influence au moyen d’une ligature, le ganglion de Ludwig, inhibiteur, provoque un arrêt des oreillettes et du ventricule en diastole. La suppression de cette influence inhibitrice par la 7e ligature permet au ganglion de Bidder, ou rythmeur secondaire, d’entraîner les contractions ventriculaires. La 10e ligature confirme les rôles respectifs de ces deux ganglions.
En réalité, les ligatures de Stannius ne permettent pas d’affirmer le rôle de pacemaker des ganglions nerveux du cœur de grenouille. On montrera plus tard que ceux-ci ne sont que des relais des influx régulateurs du système nerveux autonome. Et la théorie neurogène sera supplantée par la théorie myogène, qui place les foyers à l’origine de l’automatisme cardiaque au sein même du muscle cardiaque (myocarde).
D’autres étapes clés:
En 1893, le médecin allemand Wilhelm His (1863-1934) pose les bases de la théorie myogène de l’automatisme cardiaque : en étudiant la chronologie du développement du système cardiovasculaire chez différents vertébrés, il observe que les battements cardiaques débutent avant le développement des nerfs cérébrospinaux et des ganglions sympathiques associés au cœur. Il décrit, au sein du myocarde, un tissu assurant la liaison entre les oreillettes et les ventricules. Son nom restera associé à ce tissu sous l’appellation faisceau de His.
Le tissu cardionecteur (à l’origine de l’automatisme cardiaque) fera l’objet de nombreuses études jusqu’aux premières années du XXe siècle. En 1906, Sunao Tawara (1873-1952), un médecin japonais, réalise des études histologiques sur le cœur de 150 patients décédés des suites d’une myocardite (inflammation du myocarde). Il est amené à examiner avec soin la paroi de la région auriculo-ventriculaire, où il identifie une région particulière: c’est le nœud auriculo-ventriculaire. En raison de la proximité de cette structure avec le faisceau de His, Tawara fait l’hypothèse que le nœud qu’il vient de découvrir est impliqué dans l’automatisme cardiaque. En 1907, l’anglais Martin William Flack (1882-1931) découvre chez les rongeurs, à la jonction de la veine cave supérieure et de l’oreillette droite, une structure qui diffère des fibres musculaires environnantes : c’est le nœud sino-auriculaire (ou nœud sinusal). Cet étudiant en médecine travaillait pour l’anatomiste écossais Arthur Keith (1866-1955) au London Hospital Médical College. Les deux scientifiques supposent que ce nœud sino-auriculaire constitue le principal pacemaker cardiaque. Leur hypothèse s’avérera exacte.
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