Du sommeil aux rêves : Le sommeil et la création
Le sommeil favorise-t-il la création ? Des exemples semblent le montrer. Nombreux sont les chercheurs qui se sont laissés glisser dans le sommeil en réfléchissant à un problème et qui se sont réveillés brusquement au milieu de la nuit avec la solution. Le chimiste hollandais Kékulé raconte qu’en 1895, il trouva en dormant la structure chimique du benzène, une découverte qui révolutionna la chimie organique, en voyant en rêve six serpents se mordre mutuellement la queue. Il recommandait ensuite à ses collègues de beaucoup rêver. Le musicien Giuseppe Tartini rêva une nuit qu’il voulait vendre son âme au diable, pour créer une musique inoubliable. Il prêtait son violon au malin, qui lui jouait un air d’une surprenante beauté, lequel lui procura une telle émotion qu’il se réveilla. Il prit alors son instrument et composa immédiatement une pièce qui devint célèbre sous le titre des Trilles du diable. Richard Wagner se réveilla après avoir rêvé d’un cours d’eau musical et transcrivit le motif principal du prélude de L’Or du Rhin.
L’écrivain R. L. Stevenson affirmait qu’il pouvait, nuit après nuit, reprendre un rêve là où il l’avait laissé. Il s’offrait ainsi un feuilleton permanent, dans lequel il puisa pour écrire des contes. Il fut à ce point hanté par cette double personnalité de créateur, celle de la nuit et celle du jour, qu’il écrivit, pour s’en débarrasser, le célèbre Dr Jelyll and Mr Hyde. Lewis Carrol, l’auteur d’Alice au pays des merveilles, inventa un appareil, qu’il baptisa nyctographe, pour noter les idées qui lui venaient tandis qu’il dormait, sans tout à fait se réveiller. Le poète Saint- Pol-Roux affichait à la porte de sa chambre avant de s’endormir : « Le poète travaille ». Le biologiste François Jacob raconte, dans ses souvenirs, qu’il eut soudain l’illumination d’une découverte pendant qu’il somnolait au cinéma, devant un film sans intérêt, un dimanche après-midi d’été. Le mouvement surréaliste a donné une grande importance à la création pendant le sommeil et le rêve. André Breton et ses amis estimaient que c’étaient là deux éléments poétiques essentiels. Les Vases communicants ont été rédigés à partir de rêves. « Le poète à venir surmontera l’idée déprimante du divorce irréparable entre l’action et le rêve. » Si le sommeil et les rêves favorisent la création, cela pourrait signifier qu’ils se projettent vers l’avenir. Le rêve serait-il une forme de notre futur ?