Asthme et traitement : Les moyens efficaces
La cortisone
La cortisone est un produit sur lequel on a écrit, raconté et chuchoté pas mal de vérités mais également beaucoup de bêtises. Il est juste de dire que la cortisone est un produit puissant et actif, mai qui a des inconvénients. L’énorme bêtise est de ne pas ajouter instantanément que ces effets sont fonction de deux paramètres, la dose et I durée de prise de ce type de produits.
La deuxième bêtise est d’oublier qu’il vaut mieux vivre avec quelque inconvénients dus à la cortisone, que d’être mort, ou, en fonction de la maladie correspondante d’avoir un rein détruit, ailleurs un poumon pratiquement non fonctionnel. La cortisone par la bouche, en comprimés, 01 par piqûre est un médicament des situations graves. Il faut savoir l’utilise H ne pas hésiter à le prendre à bon escient.
Ceci étant clarifié, nous pouvons aborder ce chapitre passionnant d l’étude des médicaments que sont les corticoïdes, classe de médicament dont fait partie la cortisone. Ainsi, nous ne distinguerons pas la cortisone des autres corticoïdes, et les appellerons indifféremment cortisone ou corticoïdes.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, nous ne savons toujours pa ( omment les corticoïdes agissent. Certes, nous savons un ensemble d’doses, que la molécule se présente à la surface de la cellule pour se lie à son récepteur, véritable serrure permettant au produit d’entrer. Nou savons qu’une fois entré dans la cellule, le complexe formé par le produ et son récepteur gagne le noyau de la cellule, qui est le lieu où l’infoimation de la cellule, les chromosomes, réside. À ce stade, le flou règne, pour se dissiper au niveau de l’action cellulaire, puisqu’il a été décrit une protéine, la lipocortine, qui serait activée par la survenue des corticoïdes dans la cellule. Le chemin de cette activation est connu, mais on ne sait pas comment elle est déclenchée. La lipocortine fait partie d’une famille de protéines du squelette de la cellule.
Que font les corticoïdes ? Ils inhibent le métabolisme de l’acide arachidonique, en bloquant sa libération, par le blocage supposé de l’enzyme libérant cet acide gras, la phospholipase A2.
Il existe de nombreux arguments expérimentaux pour penser que la lipocortine est l’intermédiaire de l’action des corticoïdes, mais ces arguments sont tous indirects, car cela n’a pas pu être montré directement: l’ajout de lipocortine dans une solution de phospholipase A2, in vitro, ne bloque pas le métabolisme de l’acide arachidonique, alors que l’administration de lipocortine à un animal mime les effets des corticoïdes. Le détail de l’action des corticoïdes reste ainsi à trouver.
Les corticoïdes inhalés sont maintenant en nombre important à la disposition du corps médical et des patients. On distingue l’Auxisone, qui est l’isonicotinate de dexaméthasone ; le Bécotide 50 ou 250, qui est le dipropionate de béclométhasone, et ses génériques, le Béclojet, l’Aidécine, et le Prolair Autohaler; le Bronilide, qui est le flunisolide; le Pulmicort, qui est le budésonide ; le Fiixotide, qui est la fluticasone.
L’efficacité clinique de ces corticoïdes n’est pas équivalente en théorie, dans des modèles d’étude expérimentale et d’étude clinique. Néanmoins, l’expérience clinique nous suggère que le paramètre le plus important pour déterminer l’efficacité d’un corticoïde inhalé est la manière dont il est pris et la régularité de sa prise par le patient. Les différences de puissance anti-inflammatoire des corticoïdes apparaissent alors marginales par rapport aux différences de doses réellement administrées du produit.
En revanche, leur tolérance est comparable dans notre expérience. La raucité de la voix qui apparaît peu après le début des corticoïdes inhalés disparaît en règle rapidement, dès lors que l’on demande au patient de bien se rincer la bouche. Quand cette raucité ne disparaît pas, on pourra changer de produit.
Il existe une différence de prix importante entre ces produits, qui s’explique par le fait qu’il a fallu de nombreuses années de recherche pour avoir l’autorisation de mise sur le marché. Néanmoins, avant de juger définitivement du niveau de prix d’un produit dans un certain dispositif, il faut apprécier son utilité réelle dans l’amélioration de l’observance du patient asthmatique. En d’autres termes, il faut se demander si ce produit, et probablement plus le dispositif d’administration avec lequel il est commercialisé, permet au patient une meilleure prise. En cas de réponse positive, il permettra une économie humaine et sociale qui légitime un certain coût, en apparence élevé.
Les modulateurs du calibre bronchique
On a vu qu’il existe deux types d’innervation au niveau des bronches, mais que les systèmes nerveux impliqués n’étaient pas ou peu responsa¬bles de l’asthme.
On utilise quotidiennement des produits qui miment l’action du système sympathique : ce sont les të2-mimétiques. Cette famille de médi- ( aments comprend beaucoup de médicaments, tant pour l’administration par la bouche que pour l’administration en sprays et en aérosols. On les ( lasse également par leur durée d’action. Schématiquement, cette durée d’action peut être de 4 heures environ ou de 12 heures environ. Les produits de chaque classe sont donc appelés R2-mimétiques de courte durée d’action pour ceux qui agissent 4 heures, et 62-mimétiques longue durée d’action pour ceux qui agissent 12 heures.
les B2-mimétiques courte durée d’action
Ces produits ont tous une durée d’action de l’ordre de 4 heures, et une l’ificacité, sinon identique, au moins très voisine. Ainsi, le critère de choix du produit sera fonction de son prix, sachant que les caractéristiques du produit, de sa voie d’administration et de sa tolérance sont très voisines par ailleurs.
Les B2-mimétiques longue durée d’action
Ces médicaments ont été commercialisés récemment. Le salmétérol cl le formotérol ont une longue durée d’action, alors que le bambutérol est une pro-drogue, qui n’est active qu’après un traitement enzymatique au niveau du poumon, ce qui le rend utilisable par la bouche.
Les anticholinergiques
Ce sont des produits qui s’opposent à l’action du système parasympathique. Ils ont une action appelée anticholinergique, car l’acétylcholine est le médiateur principal de ce système nerveux.
Le chef de file de ces produits dans l’asthme est le bromure d’ipratro-pium, l’Atrovent, en spray. Pour ce produit particulier, 5 % de la bouffée sont absorbés dans l’organisme, c’est-à-dire que 5 % de la bouffée passent dans le sang. Comme chaque bouffée représente 185 microgrammes de produit, ce qui passe dans le sang est de l’ordre de 10 microgrammes. La dose efficace par la bouche est de l’ordre de 24 000 microgrammes. L’absorption par bouffée peut donc être considérée comme négligeable sinon nulle.
Bien sûr, il existe toujours des patients sensibles à ces faibles doses, mais ils sont très rares. Une fois de plus, nous venons de constater que la voie inhalée est supérieure à la voie orale, par la bouche.
Les anticholinergiques diminuent également le volume des sécrétions bronchiques. Ils les assèchent. Cet effet peut être intéressant dans certaines formes d’asthme à sécrétions abondantes, ou de « bronchite chronique » très sécrétante.
Les autres produits
Les cromones
Cette classe de médicaments ne comporte que deux produits commercialisés sous forme de sprays en France, le cromoglycate de sodium ou lomudal et le nédocromil sodique, ou le Tilade. Ces produits se présen- imt sous forme de sprays ou de poudre sèche, car ils ne sont que très peu absorbés lorsque pris par voie orale. Ils ne peuvent pas bien passer ,111 travers de la paroi de l’intestin pour être transportés par le sang aux poumons. Il faut donc les donner aux poumons par une voie qui atteigne sa cible, sans que le produit soit détruit. C’est là un des intérêts de la voie inhalée.
Ce sont des traitements de fond, préventifs de la maladie asthmatique, leur efficacité certaine, malgré la nécessité de prendre des posologies élevées, et leur toxicité nulle en font deux produits intéressants dans le licitement de l’asthme allergique. Les désagréments observés lors de l’ulilisation du Tilade sont une impression d’acidité, ce qui a conduit le l.ibricant à présenter cette molécule sous forme mentholée. Quoi qu’il en soit, la persévérance du traitement par nédocromil permet de faire disparaître cette gêne.
Le Tilade a montré, en laboratoire, son pouvoir remarquable de prévention de l’arrivée des cellules inflammatoires sur le lieu de l’allergie. Il peut eiie proposé en première intention, selon le consensus international, dès que l’asthme justifie d’un traitement quotidien, même si l’on peut penser qu’il doit être associé aux autres antiasthmatiques. En revanche, il peut rapidement être abandonné dès que le nombre de prises dépasse un certain seuil, sous peine d’observer le découragement du patient qui, prenant régulièrement son traitement, ne verra pas ses efforts récompensés au niveau de son asthme, imparfaitement équilibré.
Comme le Tilade apparaît plus efficace que le Lomudal, sur les données d’études de laboratoire et sur les données des premières études cliniques, c’est ce produit qui doit être utilisé en premier.
Les théophyllines
Ces produits ont deux intérêts :
- Le premier intérêt est d’avoir été les premiers antiasthmatiques de ce siècle qui aient une efficacité certaine. Ainsi, les conditions d’utilisation de ce médicament sont parfaitement connues, ce qui est un facteur de sécurité majeur pour le patient.
- Le second intérêt de ces produits est la caractéristique anti-inflammatoire de ce produit, qui fait référence à son mode d’action en plus d’un effet de dilatation des bronches.
De nombreux patients ont été et sont parfaitement équilibrés sur le plan de l’asthme dès lors qu’ils prennent une théophylline, équilibre qui dispa¬raît dès que la théophylline est arrêtée.
Un effet associé correspond à sa formule chimique très proche de celle de la caféine. On utilise cette parenté avec la caféine, chez certains patients ayant une insuffisance respiratoire chronique pour stimuler leur conscience et les empêcher de dormir.
Depuis plusieurs années, les théophyllines connaissent un regain d’intérêt en raison de la possibilité de doser dans le sang la quantité de théophylline, et en raison de l’existence de formes d’action prolongée, qui permettent une seule prise par jour. Ce qui limite l’utilisation des théophyllines est la variabilité importante de son élimination par le foie. Il n’y avait pas moyen de s’assurer que les doses données de théophyllines étaient ou non dans la zone de l’efficacité, ou dans la zone du surdosage. Celui-ci, lorsqu’il était franc, s’exprimait cliniquement et était facilement connu devant un état de nervosité extrême, de l’insomnie, des i.ilpitations, une augmentation du rythme du cœur, des nausées, des /omissements, des douleurs du ventre au-dessus du nombril. Les formes i longue durée d’action permettent d’obtenir une efficacité plus nolongée. Ainsi, les théophyllines ont une place de choix dans le traite- iMMit de l’asthme.
l’arrivée de la cortisone inhalée et son absence d’inconvénients lors le son administration sous forme de spray ont fait que les théophyllines l’ont plus qu’une seconde place dans le traitement de l’asthme allergique. Il semble que les nouvelles molécules de cette classe de médicaments .oient plus efficaces et présentent moins d’inconvénients car uniquement actives au niveau du poumon. Affaire à suivre !
Le kétotifène
Ce produit se situe à part, car il associe des propriétés antiallergiques et antihistaminiques. Son nom commercial est Zaditen. Là encore, c’est m produit préventif de la crise d’asthme. Il est utilisé plus volontiers chez ‘enfant que chez l’adulte, sans que l’on comprenne bien pourquoi. Sa olérance est excellente, tout au plus existe-t-il de rares effets de type anti- listaminique, surtout une somnolence, mais transitoire, et sa toxicité tulle, ce qui est particulièrement apprécié chez l’enfant. Ainsi, son effi- adté certaine associée à une absence d’effets secondaires et toxiques najeurs font que Zaditen est un produit clé du traitement de l’asthme de ‘enfant.
Chez l’adulte, ce produit semble ne pas faire la preuve de son efficacité, ctte différence d’efficacité tellement importante entre l’enfant et l’adulte est surprenante. Dans la mesure où on donne à l’adulte les mêmes quan- ilés qu’à l’enfant, la non-efficacité du produit n’est-elle pas due à un iroblème de dosage ?
Il est dommage que l’on n’ait pas la réponse à cette question, car Zaditen est un des rares produits actifs préventifs actuellement disponibles par la bouche en comprimés.
La désensibilisation
Le nom exact est « l’immunothérapie spécifique ». C’est le moyen d’habituer l’organisme à l’ailergène pour lui permettre de ne plus réagir contre lui, et éviter les effets néfastes de cette réaction. Cette technique est longue, son emploi doit être bien pesé.
il est évident que l’on ne va pas donner un traitement antibiotique comme traitement de l’hypertension artérielle. Les antibiotiques traitent les infections dues à des microbes telles que les angines, et les médica¬ments contre l’hypertension artérielle n’ont aucune action contre les microbes. Il ne viendrait à l’idée de personne de changer le carburateur de sa voiture alors que la boîte de vitesses est en panne.
Pour la désensibilisation, c’est pareil : on ne désensibilise pas contre n’importe quoi. Contre quoi peut-on désensibiliser lorsque l’interrogatoire du patient ne révèle pas d’allergène évident, et que les tests cutanés montrent une positivité pour plusieurs substances?
La désensibilisation a montré son efficacité pour lutter contre certaines aillergies, les venins d’hyménoptères, les acariens. On peut désensibiliser les sujets qui ne sont sensibles qu’à un seul de ces allergènes ou bien à plusieurs allergènes contres lesquels la désensibilisation a été reconnue efficace Ce débat est encore l’affaire de spécialistes.
Il faut insister sur les contraintes et les dangers de cette technique, qui pour être efficace, doit être pratiquée avec des précautions rigoureuses.
Actuellement, la désensibilisation a des indications de plus en plus précises, ce qui fait que son efficacité est indiscutable. Les allergènes les plus utilisés pour la désensibilisation dans l’asthme sont ceux des acariens,
ceux des pollens et ceux du chat et du chien. La voie orale semble très prometteuse car efficace et avec moins de contraintes.