Anticancer : Retrouver l’alimentation d’autrefois
Nos gènes se sont constitués il y a plusieurs centaines de milliers d’années, à l’époque où nous étions des chasseurs et des cueilleurs. Ils sont adaptés à l’environnement de nos ancêtres, et spécialement à leurs sources de nourriture. Or, nos gènes n’ayant que fort peu évolué17, aujourd’hui comme hier, notre physiologie attend une alimentation semblable de celle qui était la nôtre quand nous mangions les produits de la chasse et de la cueillette : beaucoup de légumes et de fruits, de temps en temps quelques viandes ou œufs d’animaux sauvages, un équilibre parfait entre les acides gras essentiels (oméga-6 et oméga-3), et très peu de sucre ou de farine (la seule source de sucre raffiné pour nos ancêtres était le miel, et ils ne consommaient pas de céréales).
Aujourd’hui, les enquêtes nutritionnelles occidentales révèlent que 56 % de nos calories proviennent de trois sources qui n’existaient pas au moment où nos gènes se sont développés:
- les sucres raffinés (sucre de canne, de betterave, sirop de maïs, de fructose, etc.) ;
- les farines blanches (pain blanc, pâtes blanches, riz blanc, etc.) ;
- les huiles végétales (soja, tournesol, maïs, huiles hydrogénées).
Or, ces trois sources ne contiennent aucune protéine, aucune vitamine, aucun des minéraux, aucun des acides gras oméga- 3 essentiels aux fonctions de l’organisme. En revanche, il semble bien qu’elles alimentent directement la croissance du cancer. Voyons comment.
Le cancer se nourrit de sucre
La consommation de sucre raffiné a connu une véritable explosion. Alors que nos gènes se sont développés dans un contexte nutritionnel où nous n’en consommions que 2 kg par an et par personne, nous sommes passés à 5 kg par an en 1830, pour atteindre à la fin du xxe siècle le niveau ahurissant de 35 kg par an en France et 70 kg aux États-Unis !
Le biologiste allemand Otto Heinrich Warburg a reçu le prix Nobel de médecine pour avoir découvert que le métabolisme des tumeurs cancéreuses était largement dépendant de leur consommation de glucose (la forme que prend le sucre dans le corps, une fois digéré). De fait, le scanner PET (aussi appelé TEP en français), couramment utilisé pour détecter les cancers, ne fait que mesurer les régions du corps qui consomment le plus de glucose. Si une région se distingue des autres par une consommation excessive, il y a une forte probabilité qu’il s’agisse d’un cancer.
Lorsque nous mangeons du sucre ou des farines blanches qui font monter rapidement le taux de glucose dans le sang (ce sont des aliments à « index glycémique élevé »), notre corps libère immédiatement une dose d’insuline pour permettre au glucose de pénétrer dans les cellules. La sécrétion d’insuline s’accompagne de la libération d’une autre molécule, appelée IGF (insulin-like growth factor-I), dont la caractéristique est de stimuler la croissance des cellules. Bref, le sucre nourrit et fait croître rapidement les tissus.
Parallèlement, l’insuline et l’IGF ont aussi pour effet commun de donner un coup de fouet aux facteurs d’inflammation – que nous avons passés en revue au chapitre 4 – qui, eux aussi, agissent comme des engrais au profit des tumeurs.
On sait aujourd’hui que les pics d’insuline et la sécrétion d’IGF stimulent directement non seulement la croissance des cellules cancéreuses19, mais aussi leur capacité à envahir les tissus voisins20. Plus encore, des chercheurs qui avaient inoculé des cellules de cancer du sein à des souris ont montré qu’elles réagissaient beaucoup moins bien à la chimiothérapie quand le système insuline était activé par la présence de sucre21. Ils en concluent qu’il faut désormais développer une nouvelle classe de médicaments contre le cancer : ceux qui permettront de réduire les pics d’insuline et d’IGF dans le sang. Sans attendre ces nouvelles molécules, chacun peut déjà réduire dans son alimentation les apports en sucre raffiné et en farines blanches. Il est démontré que cette simple diminution agit très rapidement sur le taux d’insuline et d’IGF. Les conséquences sont très vite visibles, comme par exemple sur la peau.
En effet, le lien entre d’un côté le morceau de sucre dans le café, les confiseries, la baguette de pain blanc avec de la confiture, et de l’autre l’inflammation souterraine qui nourrit le cancer se mesure directement sur… l’acné.
Loren Cordain est chercheur en nutrition à l’université du Colorado. En apprenant que certaines populations – aux mœurs très différentes des nôtres – ne connaîtraient pas l’acné (due – entre autres mécanismes – à une inflammation de l’épiderme), il a voulu en avoir le cœur net. Cela paraissait impossible, tant l’acné semble un passage obligé de l’adolescence qui touche dans nos pays 80 à 95 % des moins de 18 ans. Cordain est allé avec une équipe de dermatologues examiner la peau de 1 200 adolescents coupés du monde dans les îles Kitavan en Nouvelle-Guinée, et de 130 Indiens Aché qui vivent isolés au Paraguay. Dans ces deux populations, ils n’ont en effet trouvé aucune trace d’acné. Dans leur article publié dans Archives of Dermatology, les chercheurs attribuent cette étonnante découverte aux habitudes nutritionnelles de ces peuples qui ont conservé le régime alimentaire de nos lointains ancêtres : aucune source de sucre raffiné ni de farine blanche, et donc aucun pic d’insuline ou d’IGF dans leur sang
En Australie, des chercheurs ont convaincu des adolescents occidentaux occidentaux d’essayer pendant trois mois un régime limité en sucre et en farine blanche. En quelques semaines, leur taux d’insuline et d’IGF avait diminué, ainsi que leur acné.
Dans la seconde partie du xxe siècle, un nouvel ingrédient s’est répandu comme une mauvaise herbe dans notre alimentation : le sirop de fructose extrait du maïs (qui est en réalité un mélange de fructose et de glucose). Si notre corps avait déjà du mal à tolérer la charge en sucre raffiné que nous lui imposions, il s’est fait complètement déborder par ce sirop de sucre omniprésent dans les aliments industriels. Ce concentré est un peu aux sucres naturels ce que l’opium est au pavot. Retiré de sa matrice naturelle (il y a du fructose dans tous les fruits), il n’est plus gérable par l’insuline que notre corps peut produire sans dommages collatéraux. Il devient alors toxique.
Tout laisse à penser que le boum du sucre contribue, via l’explosion du taux d’insuline et d’IGF dans nos organismes, à l’épidémie de cancer. Chez des souris auxquelles on a inoculé un cancer du sein, on a étudié les conséquences sur la croissance de la tumeur de l’apport d’aliments de divers index glycémiques. Au bout de deux mois et demi, les deux tiers des 24 souris dont le glucose sanguin montait régulièrement étaient mortes, contre une seule des 20 qui avaient un régime les protégeant de la hausse de la glycémie. On ne peut, naturellement, reproduire cette expérience chez la femme, mais les études qui comparent les populations occidentales avec les populations asiatiques suggèrent la même chose…
Par ailleurs, on sait que les personnes souffrant de diabète (qui se caractérise par un taux de sucre trop élevé dans le sang) ont un risque de cancer plus élevé que la moyenne. Dans une étude américano-canadienne, le docteur Susan Hankinson a montré que chez les femmes de moins de 50 ans, celles qui présentaient le plus haut taux d’IGF avaient sept fois plus de risques de faire un cancer du sein que celles qui avaient les taux les plus bas ! Une autre équipe regroupant des
cncrcneurs ae Harvard, de McUill (à Montréal) et de l’université de San Francisco a démontré le même phénomène pour cancer de la prostate : un risque jusqu’à neuf fois plus élevé pour les hommes qui avaient les taux les plus importants d’IGF. L’index glycémique élevé de l’alimentation est aussi ¡issocié au cancer du pancréas, du côlon et des ovaires.
Toute la littérature scientifique nous pousse à le penser : une personne qui veut éviter le cancer se doit de limiter sérieusement sa consommation de sucre et de farines blanches. Il faut apprendre à ne plus mettre de sucre dans le café (plus facile avec le thé), à se contenter d’un dessert deux ou trois fois par semaine (il n’y a pas de limite à la consommation de fruits s’ils ne sont pas saupoudrés de sucre ou accompagnés de sirop), ou bien à utiliser des substituts naturels du sucre qui ne provoquent pas un pic de glycémie, d’insuline et d’IGF .
Sirop d’agave
Récemment, l’équipe de l’université de Sydney qui classifie tous les aliments en fonction de leur index glycémique a mis en avant un substitut naturel du sucre blanc présentant un index glycémique très bas : le sirop d’agave. Il s’agit d’un extrait de la sève d’un cactus (qui sert à fabriquer la tequila). Il a un goût délicieux comparable à un miel très clair, mais un index glycémique quatre à cinq fois plus bas que celui-ci. Il peut être utilisé dans le thé ou le café, pour sucrer les plats, les fruits ou les desserts.
Il faut aussi manger du pain multicéréale (blé mélangé à de l’avoine, du seigle, du lin, etc.), afin de ralentir l’absorption des sucres rapides du blé, ou encore du pain fait au levain traditionnel plutôt qu’avec la levure chimique (cette dernière, beaucoup plus courante, augmente l’index glycémique du pain). De même pour le riz blanc qui doit être évité et remplacé par du riz complet ou du riz basmati ou thaï dont l’index glycémique est moins élevé. D vaut bien mieux, comme nous le verrons dans le chapitre consacré aux aliments anticancer, se nourrir avant tout de légumes et de légumineuses qui présentent par ailleurs l’avantage de lutter pied à pied contre la progression du cancer grâce à leurs composés phytochimiques actifs.
Il est aussi indispensable d’éviter les confiseries et autres encas ou le grignotage entre les repas. Si des petits gâteaux ou du sucre sont consommés entre les repas, il n’y a plus aucun obstacle à la montée d’insuline, car seule la présence d’autres aliments, surtout les fibres contenues dans les légumes ou les fruits, ou les bonnes graisses – comme l’huile d’olive ou le beurre fermier -, retarde l’assimilation du sucre et réduit les pics d’insuline. De la même façon, certains aliments bénéfiques comme les oignons ou l’ail, ou encore les myrtilles, les cerises et les framboises aident l’organisme à réduire les montées du taux de sucre dans le sang
Vidéo : Anticancer : Retrouver l’alimentation d’autrefois
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