Anticancer : Le corps en mouvement
Il existe bien des façons de dire nous-mêmes à notre corps qu’il compte, qu’il est aimé et respecté. De lui faire ressentir son propre désir de vivre. La meilleure, c’est de le laisser pratiquer ce pour quoi il a été conçu : le mouvement et l’activité physique. De nombreuses études ont démontré que les mécanismes de régulation et de défense du corps qui luttent contre le cancer peuvent être stimulés directement par l’activité physique.
Jacqueline avait 54 ans quand elle apprit qu’elle avait un cancer rare de la trompe de Fallope. Plusieurs membres de sa famille proche ayant succombé au cancer, elle avait toujours pensé que son tour viendrait un jour. Son médecin l’avait informée avec franchise : ses chances étaient minces, mais ils essaieraient ensemble tout ce qui était possible. Après l’opération, elle avait entamé six mois de chimiothérapie afin de limiter au maximum le risque de métastases. Mais son cancérologue, pas tout à fait comme les autres, ne s’en était pas tenu là.
Directeur médical de l’institut de radiothérapie au sein du centre hospitalier universitaire Avicenne de Paris-XIII, le docteur Thierry Bouillet, qui est aussi ceinture noire, a longtemps été le médecin de l’équipe de France de karaté. Expert en médecine du sport, il a naturellement été intrigué par les nombreuses études récentes montrant que les patients les plus actifs physiquement font moins de cancer et, surtout, nettement moins de récidives que les autres.
Il avait lui-même soigné des patients pour qui l’activité physique semblait avoir joué un rôle majeur dans leur guérison. Il se souvenait particulièrement d’un pilote de ligne de 39 ans, ancien marathonien, qui souffrait d’un cancer du poumon métastatique. Malgré un pronostic de survie ne dépassant pas deux ans, il avait voulu maintenir son corps en état jusqu’au bout. Après l’ablation du poumon droit suivie d’une chimiothérapie très dure, il avait recommencé à courir aussitôt qu’il avait pu. D’abord 200 mètres tant bien que mal. Puis il avait réussi à augmenter la capacité respiratoire du poumon restant, au point qu’il avait pu courir à nouveau des semi-marathons ! Mais le plus impressionnant, c’était qu’il était encore en vie, sept ans plus tard…
Le docteur Bouillet connaissait aussi les mécanismes multiples par lesquels l’activité physique transforme toute la physiologie : d’abord, elle réduit la quantité de tissu adipeux, principal site de stockage des toxines cancérigènes – comme chez les ours polaires . A l’université de Pittsburgh, le docteur Devra Lee Davis, qui dirige le centre de recherche « cancer et environnement », parle de notre excès de graisse comme de la « décharge de produits toxiques » du corps humain. Pour elle, toute forme d’activité physique à même de réduire la graisse – et avec elle son dépôt de contaminants – est la première méthode de « détoxification » du corps. De plus, l’exercice physique modifie en profondeur l’équilibre hormonal. Il réduit les excès d’œstrogènes et de testostérone qui stimulent la croissance des cancers (en particulier des cancers du sein, de la prostate, de l’ovaire, de l’utérus ou du testicule)- Il réduit aussi le taux de sucre dans le sang, et par conséquent la sécrétion d’insuline et d’IGF qui contribuent si dramatiquement à l’inflammation des tissus – et à travers elle à la dissémination des tumeurs. Il agit même directement sur les cytokines responsables de l’inflammation en faisant baisser leur niveau dans le sang24. Enfin, l’activité physique – au même titre que la méditation – joue directement sur le système immunitaire. Elle semble le protéger contre le stress des mauvaises nouvelles…
À l’université de Miami, le chercheur Arthur La Perrière s’est penché sur l’effet protecteur de l’exercice contre le stress. Il a choisi un des moments les plus terribles que l’on puisse traverser : celui où l’on apprend que l’on est séropositif pour le virus du sida. A l’époque où il faisait cette étude – bien avant la découverte de la trithérapie -, ce diagnostic équivalait à une condamnation à mort. À chacun de s’en débrouiller psychologiquement… La Perrière a constaté qu’il suffisait aux patients de faire un exercice physique régulier depuis cinq semaines pour sembler être « protégés » contre la peur et le désespoir. En outre, leur système immunitaire, lequel s’effondre souvent dans les situations de stress, résistait mieux, lui aussi, à cette terrible nouvelle. Le taux des cellules NK tombait rapidement chez la plupart des patients séropositifs, mais pas chez ceux qui faisaient de l’exercice depuis un mois (il s’agissait de 45 minutes de vélo en salle de sport, trois fois par semaine). Et les cellules CD4 (les plus affectées par le VIH) étaient en augmentation alors qu’elles chutaient dans le groupe témoin.
Le docteur Bouillet savait que ce qu’il allait dire ferait sursauter sa patiente, et qu’une partie de ses confrères n’y « croyaient » pas tout à fait. Mais les données scientifiques lui semblaient imposantes : « Jacqueline, ce sera peut-être un peu dur, mais en même temps que vous commencerez la chimiothérapie, il faudra aussi que vous fassiez du sport ! » Il lui recommanda un club de karaté spécialisé dans l’accompagnement des patients atteints d’un cancer. L’idée parut étrange à Jacqueline. Elle avait fait de la gymnastique dans le passé, mais ne s’était jamais imaginée pratiquer un sport de « combat »… Et puis elle n’avait pas particulièrement envie de se retrouver avec un groupe de patients tous atteints d’un cancer. C’était la dernière chose qu’elle aurait voulu faire de ses loisirs.
Vidéo : Anticancer : Le corps en mouvement
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